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Critique de cprevost


« Quand s'allument les brasiers, ils n'entrevoient que la lumière ». L'incendie embrase les pentes abruptes de la sierra ; erratique, il fond sur les vallées les plus tranquilles ; imprévisible, il encercle, consume villes et villages ; aveugle, il dévore impitoyablement sur son passage choses et gens. La révolte paysanne mexicaine de 1915, puissante, spontanée et fondamentalement inorganisée, haineuse, irréfléchie et cependant intrinsèquement généreuse, durant trois ans, brûle de tous ses feux. Mariano Azuela, tout comme ses compañeros de la troupe de Julian Medina, ébloui par les gigantesques, libres et splendides flammes de l'incontrôlable incendie, célèbre dans ces magnifiques pages Sa baroque Révolution.


« Anastasio » tête brûlée, « Pancracio » brute épaisse, « El Meco » éternel allumé, « le Saindoux » assassin retord, « Venancio » empoisonneur et bouffeur de curé, « La Fardée » prostituée hystérique, « le Blondin» bourreau cruel, « Margarito » éphèbe sanguinaire, « Valderrama » poète un peu fou, et bien d'autre encore : « La Caille », « La Grosse » « le Négro » » … toute la troupe du futur et ombrageux général « Démétrios » errante, dépenaillée, instinctive, impulsive, sensuelle, suicidaire, animée d'une grandiose et intarissable colère, tue, pille, boit de la Tequila, fornique et se déchire. Un jeune médecin, qui les a rejoints et a bien failli le payer de sa vie, comprend la nécessité de leur combat et la cruelle beauté du hasard de ce moment unique. « La Révolution profite au pauvre, à l'ignorant, à celui qui toute sa vie a été esclave, aux malheureux qui ne savent même pas que, s'ils le sont, c'est parce que le riche fait de l'or sur les larmes, la sueur et le sang des pauvres... ». Pas de saint machin révolutionnaire dans ce récit. S'ils ont rejoint la lutte ceux d'en bas, c'est qu'ils ont tué un Fédéral aviné, empoisonné leur fiancée ou bien déserté l'armée régulière. Cette insurrection ne s'intellectualise pas, elle se vit dans l'instant avec le coeur, les tripes des paysans analphabètes sans droit, le dos au mur. « Pourquoi donc qu'on se bat à présent, Démétrio ? » « Démétrio, les sourcils froncés, prit distraitement une petite pierre, la jeta au fond du cañon. Il resta pensif en la regardant rouler et dit : « Tu vois, cette pierre, elle ne peut plus s'arrêter. »


Cette épopée, pas plus que l'insurrection, n'est faite pour les pisse-froid, les éternels spectateurs qui comptent les points et qui toujours attendent. Il faut risquer, « au milieu de la fumée blanche de la fusillade et des noirs tourbillons qui s'élèvent des édifices incendiés », l'aventure aux cotés des redoutables guérilleros. La prose de Mariano Azuela, simple décrit à la perfection l'âpre réalité de ce monde en ébullition. Simplement sont esquissés quelques traits de caractère, seulement mentionnés un surnom, une particularité physique et, avec une économie de moyens remarquable, se dessine sous nos yeux un portrait parlant des acteurs de la Révolution mexicaine. L'écriture forte, éclatante de l'auteur fait corps avec la beauté aride de la sierra mexicaine.
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