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Critique de MissG


Pour son premier roman publié en 1979, Mariama Bâ a choisi le récit épistolaire mais sous une forme plutôt audacieuse, puisqu'en fait ce roman est une seule et unique lettre adressée par Ramatoulaye au moment du décès de son mari à son amie Aïssatou .
A travers cette longue lettre, Ramatoulaye va se confier à Aïssatou sur sa situation de veuve, ses relations mauvaises avec sa co-épouse (la deuxième épouse plus jeune de son mari) tout en revenant sur le passé, car des années auparavant, Aïssatou a également connu cette situation, mais autant Ramatoulaye a gardé et tenu son rôle d'épouse jusqu'au bout qu'Aïssatou a elle choisi un chemin différent vers l'émancipation.
Pour Ramatoulaye, il est important de revenir sur le passé, même s'il n'est pas possible de le changer, car il fait partie d'elle : "Si les rêves meurent en traversant les ans et les réalités, je garde intacts mes souvenirs, sel de ma mémoire.", d'autant que dès les premières lignes le lecteur ressent bien l'attachement profond qui la lie à Aïssatou.
Ramatoulaye ne regrette rien, et même si elle s'est rendue compte tardivement de son erreur dans le choix de son mari : "Les paroles de ma mère me revenaient : "Trop beau, trop parfait." Je complétais enfin la pensée de ma mère par la fin du dicton : "Pour être honnête."", elle restera fidèle et intègre jusqu'à la fin à ce mari ayant pourtant déserté le foyer familial après vingt cinq années de vie commune et d'amour.

A travers ce livre, Mariama Bâ offre le formidable récit d'une femme à la fois belle et forte, digne et honnête, et apporte une vision juste sur l'Afrique qui se retrouve d'ailleurs dans ce propos qu'elle fait tenir à son héroïne : "Mais l'Afrique est différente, morcelée. Un même pays change plusieurs fois de visage et de mentalité, du Nord au Sud ou de l'Est à l'Ouest."
De traditions il en est beaucoup question dans ce roman, et c'est à travers des propos justes et sans concession que l'auteur apporte une vision précise de la condition des femmes en Afrique et notamment de la place qui leur est faite dans la société Africaine, du poids des traditions et de la religion.
A travers le personnage de Ramatoulaye et une narration à la première personne du singulier, Mariama Bâ se fait la voix de ces femmes qui se taisent, écrasées par le poids des traditions, de la religion, de la polygamie, de la belle-famille qui cherche à s'approprier le plus de biens possible dans le cas du décès d'un époux.
Cette narration à la première personne du singulier finit par être troublante pour le lecteur, car Mariama Bâ dévoile dans ce récit ses peurs, ses craintes, mais aussi ses espoirs, si bien que la frontière entre la part fiction du récit et vérité voire vécu de l'auteur est franchie, ce qui donne à ce roman une dimension culturelle encore plus grande.
C'est un regard extrêmement lucide qui est porté sur la condition de la femme en Afrique, dans le cas présent plus particulièrement au Sénégal, mais il est à la fois rempli d'espoir en l'amour.
Le personnage de Ramatoulaye est à la fois traditionnel mais également fort, moderne, et ouvert au monde, c'est d'ailleurs pour cela que "Une si longue lettre" va à l'encontre de la vision traditionnelle de la femme africaine plutôt perçue comme un être n'ayant aucun droit et vivant dans un état de servitude, à préparer les repas, s'occuper de son mari et de ses enfants et chamboule ainsi les croyances souvent erronées des lecteurs.
La femme Africaine sait faire face et affronte avec dignité tous les maux qui peuvent frapper son foyer, c'est en tout cas l'un des enseignements que j'ai retenu de ce livre.
Et si pour Louis Aragon "La femme est l'avenir de l'homme", ceci s'applique particulièrement à l'Afrique et illustre remarquablement bien la femme narratrice de ce récit.

"Une si longue lettre" est un livre d'une sensibilité rare qui a su me toucher, m'apporter un regard nouveau sur l'Afrique ainsi qu'une meilleure compréhension de la société Africaine.
Cette correspondance n'est nullement trop longue, elle est juste remarquable.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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