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Maurice Parijanine (Autre)Andrée Robel (Autre)
EAN : 9782070374403
224 pages
Gallimard (30/11/-1)
3.74/5   80 notes
Résumé :
Ecoutant les conseils de son mentor Maxime Gorki, qui l'avait incité à aller voir le monde et à se frotter à la réalité, le jeune écrivain Isaac Babel suivit la campagne de Pologne en tant que correspondant de guerre. De mai à septembre 1920, il accompagna à travers la Volhynie les cosaques de la 1re armée de cavalerie commandée par Boudionny. Les textes de Cavalerie rouge, d'abord publiés séparément, furent rassemblés pour la première fois en recueil par Babel lui-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Accusé par Gorki de ne pouvoir être un vrai écrivain tant qu'il n'aura pas "vécu et vu du pays", Isaac Babel s'engage à l'été 1920 comme correspondant de guerre auprès des Cosaques rouges alors que la Russie soviétique est engagée dans la guerre contre la Pologne.

Son journal du front se lit comme un recueil de nouvelles qui décrivent des scènes du quotidien, la sauvagerie et la barbarie des Cosaques qui adulent leurs chevaux et persécutent l'autochtone, le sort des infirmières, celui des Juifs, celui des paysans qui fuient ou sont spoliés par l'armée. La vie au sein de l'armée Rouge est un rapport de force perpétuel qui dévoile une fois de plus ce visage atemporel et figé de la guerre, hideux depuis la nuit des temps, quelles que soient les causes, quelles que soient les armes.

La narration d'Isaac Babel est très poignante, on se sent aussi isolé et désemparé que l'auteur dans les étendues de Galicie et de Volhynie. Les récits sont durs, noirs et très humanisés, ce qui a pour effet de ne pas laisser le lecteur indifférent. Personnellement, "Cavalerie rouge" m'a donné des clés de compréhension d'une période et d'un conflit que je connais peu.

Isaac Babel sera secrètement fusillé en 1940. Ses oeuvres, d'abord utilisées comme propagande pour exalter l'héroïsme soviétique et largement diffusées, seront censurées et réhabilitées en 1954, après la mort de Staline.


Challenge MULTI-DÉFIS 2017
Challenge 1914-1968 2017
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J'ai lu ce recueil d'Isaac Babel une semaine après le récit « les Oeufs fatidiques » de Boulgakov. Ces deux oeuvres ont un point commun. Publiées en 1925 et 1926, elles ont été violemment attaquées par les critiques d'obédience bolchévique et ont pourtant reçu le soutien de l'icône littéraire de la jeune Russie soviétique, Maxime Gorki. le camarade Gorki semble avoir eu une influence importante pendant ces terribles années, il a notamment appuyé l'exil Zamiatine. Je ne sais pas s'il existe une étude sur le milieu littéraire qui a pullulé dans cette période comprise entre la prise du pouvoir par les bolchéviques et les débuts de la répression et du « réalisme socialiste ».

Isaac Babel a suivi la Première Armée de cavalerie pendant la campagne de Pologne de 1920 en qualité de rédacteur du journal de propagande Le Cavalier rouge. L'auteur se permet d'ailleurs d'introduire un « placement de produit » pour ce journal puisqu'il fait dire à un jeune soldat dans un récit: « notre cher et impitoyable journal, que n'importe quel combattant de première ligne désire lire, après ça, il sabre la vile caste des gentilshommes (…) ». Il a été le témoin durant cinq mois des combats opposant Russes et Polonais en Volhynie et en Galicie (frontière occidentale de l'Ukraine). Les récits ont d'abord été publiés dans des revues d'avant-garde avant d'être éditées en recueil en 1926. Qu'est-ce que les critiques ont pu reprocher à Isaac Babel ? Pourquoi Semion Boudionny, l'un des principaux chefs de la cavalerie, s'en est-il pris à ce livre avec tant de virulence ? Il est reproché à Babel d'avoir composé une oeuvre littéraire dans la plus pure tradition russe, dépourvue d'idéologie, et d'avoir représenté la guerre dans toute sa cruauté. Avec un tel titre, les critiques attendaient plutôt une épopée mythique à la gloire des vaillants combattants de l'Armée rouge luttant contre des nobles réactionnaires et pogromistes de Pologne. Si on écarte l'utilisation des chemins de fer et des mitrailleuses, la guerre décrite par Babel semble archaïque. Il est surtout question de folklore cosaque, de charges de cavalerie, de bataillons d'infanterie composés de moujiks sans formation qui se partagent un fusil pour trois. Les cosaques sont peu concernés par l'idéologie communiste, ils ne semblent soumis qu'à leurs traditions ancestrales et à leurs instincts. Ils accordent une importance primordiale à leurs chevaux, qu'ils considèrent comme un membre de leur famille et pour lesquels des confits peuvent naître. Les soldats saccagent les églises et pillent les maisons. Même dans le camp de la révolution, les juifs sont massacrés, je peux citer ce passage : « Alors Koudria (…) lui prit la tête et se la glissa sous l'aisselle. le Juif se tut et écarta les jambes. Koudria, de la main droite, dégaina son poignard et, avec précaution, égorgea le vieux, sans s'éclabousser »... Les prisonniers Polonais sont assassinés sans procès. de nombreuses scènes de viols sont relatées. Il est souvent question de vengeances familiales. Autre tradition russe, les soldats cantonnent « chez l'habitant », dorment sur des paillasses humides et exigent d'être nourris pars leurs hôtes, même s'il faut pour cela dégainer son revolver. Les intellectuels sont très mal vus au sein des troupes. On croise dans les récits des simulateurs qui veulent se faire réformer, des fous, des trafiquants… Les récits se passent principalement sur l'arrière-front, dans les moments qui précèdent ou suivent les combats ou pendant les fuites et replis face aux avancées de l'adversaire. Pour ce qui est de la politique.. c'est succinct. Il y a bien dans un passage un meeting de propagande mais il se tient devant des « petit-bourgeois perplexes » et des « juifs détroussés ». Et enfin, le comble de l'insolence, Babel ne cite la présence de Boudionny qu'à deux ou trois reprises et il en dresse un portrait assez peu flatteur.

J'ai apprécié la lecture de « la Cavalerie rouge » même si j'avoue avoir parfois buté sur le style de certains passages et avoir mis du temps à recomposer cette mosaïque de récits très brefs. le recueil est d'une grande qualité littéraire. Les trente-quatre récits (dans l'édition Folio) partagent entre eux des thèmes et des motifs. L'auteur évoque à plusieurs reprises les églises saccagées, riches de tableaux troublants , et les quartiers juifs, dépeuplés, où se disputent encore quelques hassidim. Babel décrit la nature avec beaucoup de lyrisme, il écrit par exemple : « La paisible et sinueuse Volhyne s'écarte de nous dans la brume nacrée des boulaies, se coule entre des coteaux diaprés et, les bras las, s'entortille en d'inextricables fourrés de houblon ». Les astres (lune, étoiles) sont omniprésents. Les textes sont de tout genre : il y a un narrateur récurrent, Lioutov, le double de Babel, mais parfois, l'auteur restitue un témoignage, la lettre d'un fils à sa mère , le récit d'une histoire. Babel est fasciné par la cosaquerie comme Gogol et Tolstoï avant lui. le recueil a en plus de ses qualités littéraires la valeur d'un témoignage historique sur un conflit assez peu connu.
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Suivant les conseils de Maxime Gorki, Babel, pour « courir le monde », s'est engagé comme correspondant de guerre dans l'armée rouge. C'est ainsi qu'est né ce recueil de 34 nouvelles plutôt courtes, toutes liés à des moments vécus pendant la campagne menée par la cavalerie soviétique en 1920 en Pologne. Elles furent d'abord publiées dans diverses revues avant d'être réunies en 1926 en un recueil. Au grand dam de Semion Boudienny, Babel ne présente pas sous le meilleur jour ce chef de la cavalerie rouge, et, même s'il met en valeur le courage des soldats soviétiques, il montre aussi leurs côtés plus sombres. Dans le même ordre d'idée, on sent une certaine exaltation de l'auteur pour la Révolution mais cela n'empêche pas l'auteur d'en repérer les absurdités. Ce qui a intéressé Babel, ce ne sont pas tant les actions militaires en tant que telles que la vie quotidienne d'un régiment de Cosaques, leur ordinaire, leurs déplacements, leurs bivouacs. Il était fasciné par les Cosaques, leur côté sauvage et barbare, leurs rapports avec les chevaux. Babel montre aussi l'infanterie composée essentiellement de pauvres moujiks armés parfois d'un seul fusil pour trois. Il dépeint tout un monde disparu, les Polonais et les Juifs de Volhynie : un vieux commerçant juif, le fils du rabbin communiste, un accordéoniste, des infirmières. Il n'a pas son pareil pour décrire des scènes du quotidien et montrer l'horreur de la guerre : persécution des autochtones, spoliations, … C'est l'humain qui l'intéresse. le style de Babel est flamboyant, et en même temps très ciselé. Ses récits sont très sombres, très durs et en même temps plein d'humanité. Chaque nouvelle est comme une petite pépite.
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Il s'agit d'un ensemble de 35 courts récits, édités d'abord dans des revues, puis sous forme de livre la première fois en 1926, accueilli d'abord avec enthousiasme par la critique, avant d'être la cible de censure puis  d'attaques de plus en plus virulentes. le livre est basé sur l'expérience de l'auteur sur le front polonais en 1920 avec la Iere armée de cavalerie.

Récits de guerre, d'escarmouches, d'occupation de villes ou de villages après la bataille, de mort de blessés, d'exécution de prisonniers ou d'exactions diverses, mais aussi de liens entre soldats ou passion entre cavaliers et leurs chevaux. Récits cruels et qui montrent toute la complexité de la guerre.

Babel écrit magnifiquement, dans un style flamboyant mais en même temps mystique et allégorique, chaque mot compte et semble s'enchâsser comme dans une mosaïque à la seule place possible. Même s'il  glorifie le courage du soldat soviétique et qu'il semble fasciné par les vertus guerrières, il montre aussi la cruauté et la sauvagerie de ces mêmes soldats ; même s'il s'exalte pour la Révolution, il montre aussi ses absurdités et laisse entrevoir l'impitoyable machine à broyer les hommes en train de se mettre en place.

Livre extrêmement riche et ambigu donc, à qui on a fait le reproche de glorifier la guerre et la violence, de les rendre trop belles. Mais il s'agit avant tout de très grande littérature, d'un livre puissant et véritablement inspiré, écrit par un grand maître de la langue, capable de jouer sur des nombreux registres du langage, du skaz (stylisation du discours oral, essentiellement celui des couches sociales inférieures) jusqu'à la prose la plus savante.
 
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Livre à ce point fascinant, profond et marquant qu'il a inspiré à Ipoustéguy ses Guerres du milieu.

Carole Ksiazenicer-Matheron met brillament cette oeuvre en perspective avec celle d'un contemporain de Babel, ayant vécu la même guerre: Victor Chklovski, qui a d'ailleurs intitulé Voyage sentimental le récit de son périple de 1917.

Selon Carole Ksiazenicer précitée, Les récits de Cavalerie rouge écrits par Babel à partir de son expérience de correspondant de l'agence de presse soviétique lors de la guerre polono-bolchévique en été et en automne 1920 se caractérisent par un détour par l'imaginaire géographique, parcours initiatique d'un paysage bouleversé et signifiant, ouvert au déchiffrement et à une mise en fiction opérant le lien entre l'espace et le moi écrivant.

C'est effectivement une narration travaillée à l'extrème décrivant la guerre des confins, entremêlant dimension esthétique de l'histoire et mortelles apories (préc.)

La libération passe par le massacre, conflit entre l'identité communautaire (juive) du narrateur et son identité politique.

1920: les soviétiques sont dans une longue croisade rouge vers la Pologne et l'Ukraïne encore blanches et lancent vers l'Ouest des hordes de cosaques, plus ou moins ensauvagées (selon l'expression de Babel).

Parmi ceux-ci, la cavalerie, menée à un rythme effréné par Boudionny (ou Boudienny -- autrement appelé le Murat rouge) contre Denikine au sein de laquelle est affecté Isaac Babel.

(...)
http://lelabo.blogspot.com/2006/09/isaac-babel-la-cavalerie-rouge-suivi.html
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critiques presse (2)
Sceneario
25 avril 2018
Les illustrations de Djordje Milovic sont superbes. Une certaine puissance ressort de ces cases. De l'horreur de certaines situations, l'artiste arrive à amener la lumière grâce à la beauté de ses aquarelles. Certains passages sont magnifiques, d'autres plus rudes.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BDGest
23 avril 2018
Présenté comme le récit d’un conflit, Cavalerie rouge évoque finalement bien peu les faits d’armes ; la chronique s’attarde avant tout sur les gens. Elle témoigne de leur courage et de leur résilience, mais également de leur détermination. En définitive, elle parle de la vie.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
- Les salauds nous pressent de toutes parts, dit le chef de l’armée, et son petit rire éblouissant flotta sur ses lèvres. Nous vaincrons ou nous crèverons. Pas question de faire autrement. Compris ?
- Compris, répondit Koliesnikov, les yeux démesurément écarquillés.
- Et si tu fuis, je te fusille, dit le chef de l’armée, il eut un sourire.
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Mais les Polonais tiraient, mon brave monsieur, parce qu'ils étaient la contre-révolution, et vous tirez parce que vous êtes la révolution. Pourtant, la révolution c'est le bonheur. Et le bonheur n'aime pas qu'il y ait des orphelins au logis. L'homme bon accomplit de bonnes oeuvres. La révolution est la bonne oeuvre de bonnes gens. Mais les bonnes gens ne tuent pas. Donc la révolution est faite par de méchantes gens. Mais les Polonais sont aussi de méchantes gens. Que décidera Ghédali : où est la révolution et où est la contre-révolution? J'ai étudié autrefois le Talmud (...) Il y a d'autres personnes qui comprennent les choses, à Jitomir. Et voici que nous tous, savantes gens, nous tombons sur la face et crions à voix haute : malheur à nous ! Où est donc la douce et bonne révolution?...
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Et alors, j’ai piétiné mon maître Nikitinski. Je l’ai piétiné toute une heure, ou plus d’une heure, et, en ce temps, j’ai appris ce que c’est vraiment la vie. En tirant, je dois expliquer, on peut seulement se débarasser d’un homme ; en tirant, on lui fait miséricorde et c’est dégoûtamment trop facile à faire ; en tirant, on n’arrive pas jusqu’à l’âme, pour voir où elle est et comment elle se montre. Mais moi, des fois, je me donne la peine, moi, des fois, je piétine comme ça une heure l’ennemi, ou plus d’une heure, histoire de connaître la vie et de savoir si elle est en dedans de nous…
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Deux sœurs-infirmières potelées, en tablier, s’allongeaient là dans l’herbe. Elles heurtaient leurs jeunes seins et se repoussaient l’une l’autre. Elles riaient de ce petit rire étouffé qu’ont les femmes, et me faisaient d’en bas des appels de l’œil sans bouger des paupières.
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(texte écrit en 1920)

- On tire, dis-je alors... Sur qui tire-t-on?
- Les Polonais s'inquiètent, dit le moujik, les Polonais zigouillent les Juifs...
(...) Le moujk m'obligea à acepter son feu pour ma cigarette.
- Les Juifs, dit-il, sont coupables devant tout le monde, devant nous et devant vous... Après la guerre, il n'en restera que très, très peu... Combien qu'il y en a de Juifs, dans le monde?
- Dix millions, répondis-je en remettant en place le mors de mon cheval.
- Il en restera deux cent mille, s'écria le moujik, et il me toucha le bras, craignant de me voir partir.
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