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EAN : 9782213685977
64 pages
Fayard (04/02/2015)
3.93/5   7 notes
Résumé :
Faut-il accepter comme une loi de la raison que le réel exige en toutes circonstances une soumission plutôt qu’une invention ?
Le réel est toujours ce qui se découvre au prix que le semblant qui nous subjugue soit arraché.
Aujourd’hui, nous devons être convaincus qu’en dépit des deuils que la pensée nous impose, chercher ce qu’il y a de réel dans le réel peut être, est, une passion joyeuse.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Après avoir éludé l'impossibilité d'aborder le réel d'un point de vue conceptuel (c'est-à-dire d'un monde où, justement, le réel n'est pas, ce qui nous ferait décider péremptoirement de ce qu'il est sans le rencontrer) comme par le biais de l'expérience (si l'être se dévêt de tout l'imaginaire culturel pour faire l'expérience du réel, il s'expose à une angoisse infinie), Alain Badiou ne voit la possibilité de connaître le réel que par cette double approche : une expérience de ce que l'opinion dominante de notre culture nous indique comme étant le réel.

Aujourd'hui, ce discours dominant est porté par l'économie. C'est elle qui nous dit ce qu'est le réel, ce que l'on prouve par le fait que même si elle est incapable de prévoir ses propres suites comme de comprendre ses égarements - qu'elle ne peut, comme tout le monde, que constater -, nous continuons de la tenir pour le socle de la réalité moderne. Pour preuve de ces deux assertions, le scandale, toujours vécu comme une découverte d'un bout de réel, de quelque chose de caché que le discours dominant n'aurait pas dévoilé. Mais le scandale, toujours financier ou de corruption, qui prétend mettre au jour des pratiques que l'on ne peut pourtant que reconnaître généralisée dans une société qui fait de la performance économique son seul moteur, est bien la preuve de la domination exercée par l'opinion dominante à nous dire ce qu'est le réel. Nous nous offusquons des scandales de corruption justement parce qu'ils sont généralisés mais que nous préférons nous rapporter au discours dominant de l'économie à nous faire croire qu'il ne s'agit que d'exceptions. On ne peut donc aborder le réel que sous la forme du semblant qui le recouvre d'un masque, et il nous appartient d'arracher ce masque pour percevoir le réel.

Mais cela ne nous dit pas ce qu'est la nature du réel. Badiou s'appuie sur la définition de Lakan selon laquelle le réel est le point impossible de la formalisation, la clé qui déconstruit ce qui se construit. Ainsi, le hors-champ est le réel de la photographie, l'égalité, celui du capitalisme, le communisme, celui de la politique. Pour faire apparaître le réel, il faut donc formaliser le capitalisme, percevoir son point impossible et marcher vers lui. Nous ferions alors ce que Pasolini avait écrit dans son oeuvre poétique, particulièrement dans "les cendres de Gramsci", en hommage à l'un des fondateurs du communisme italien qui percevait lui aussi la fin de l'Histoire : l'individu moderne, qui refuse le réel, bien au chaud dans le système démocratique qui entretient, sous sa forme actuelle, le capitalisme, accepte de vivre de divertissements et au second degré, à la manière de Debord, à l'abri du réel, et refuse la possibilité de "naître au monde". Ce choix de vivre dans l'illusion du discours dominant est la fin de l'Histoire, la fin de la possibilité de l'Histoire. C'est la raison pour laquelle, il faut mener une révolution, non pas négative, dans la destruction de l'existant dans le but de le reconstruire, mais dans le positif, comme déconstruction contrôlée du discours dominant de l'économie et du capitalisme.

On s'est quelque peu éloigné à cette conclusion de la question théorique initiale sur la nature du réel pour aboutir à une question exclusivement politique, le réel semblant dans cet essai être un point qu'Alain Badiou place au loin et d'où il tire sur le chariot dans lequel nous sommes montés en tournant la couverture de son essai pour nous amener à nous convaincre de la nécessité de faire la révolution. On se demande en effet pour quelle raison la définition de Lakan deviendrait absolue et en quoi une thèse de psychanalyse s'adapterait à toute situation de notre environnement, politique, historique, économique, etc. Cette définition, non cadrée, semble expliquer que le contraire du réel n'est plus le semblant mais le formalisme. Mais si l'on comprend l'intérêt qu'il puisse y avoir en psychanalyse à percer un discours construit chez des patients qui présentent une pathologie, on ne perçoit pas clairement ce qui devrait provoquer l'application de ce principe à toute chose, à tout instant. La déconstruction systématique ne nous guette-t-elle pas sous prétexte de révéler le réel ? A moins que le réel ne puisse s'atteindre qu'isolément, subjectivement et qu'il passe par l'abandon des "fictions collectives" ; nous rejoindrions l'idéal communiste. Mais dans ce cas, comment contrôler une révolution qui a pour finalité un idéal, par définition, animé de l'idée de l'infini, que l'on ne saurait bien évidemment contrôler ?
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
On dirait que c'est à l'économie qu'est confié le savoir du réel. C'est elle qui sait.
Il semble que nous ayons eu, il n'y a pas longtemps, maintes occasions de constater qu'elle ne savait pas grand chose, l'économie. Elle ne sait même pas prévoir d'imminents désastres dans sa propre sphère. Mais ça n'a quasiment rien changé. C'est encore et toujours elle qui sait le réel et nous l'impose. C'est d'ailleurs un point très intéressant de constater que sa fonction auprès du réel a parfaitement survécu à l'incapacité absolue de l'économie non seulement de prévoir ce qui allait se passer, mais même de comprendre ce qui se passait. Il semble bien que, dans le monde tel qu'il est, le discours économique se présente comme le gardien et le garant du réel. Et tant que les lois du monde du Capital seront ce qu'elles sont, on ne viendra pas à bout de la prévalence intimidante du discours économique.
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Aujourd'hui le réel, comme mot, comme vocable, est essentiellement utilisé de manière intimidante. Nous devons nous soucier constamment du réel, lui obéir, nous devons comprendre qu'on ne peut rien faire contre le réel, ou - les hommes d'affaires et les politiciens préfèrent ce mot - les réalités. Les réalités sont contraignantes et elles forment une sorte de loi, à laquelle il est déraisonnable de vouloir échapper. Nous sommes comme investis par une opinion dominante selon laquelle il existerait des réalités qui sont contraignantes au point qu'on ne peut imaginer une action collective rationnelle dont le point de départ subjectif ne soit pas d'accepter cette contrainte.
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... mathématiques et poésie nomment les deux extrémités du langage : les mathématiques du côté du formalisme le plus transparent, et la poésie au contraire du côté de la puissance la plus profonde, et souvent la plus opaque.
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Tout grand poème est le lieu langagier d'une confrontation radicale avec le réel. Un poème extorque à la langue un point réel d'impossible à dire.
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Le réel est ce qui vient hanter le semblant.
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Vidéo de Alain Badiou
Alain Badiou vous présente son ouvrage "Mémoires d'outre-politique : 1937-1985" aux éditions Flammarion. Entretien avec Pierre Coutelle.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2732687/alain-badiou-memoires-d-outre-politique-1937-1985-recit
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