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Citations sur Le dépaysement : Voyages en France (37)

Comme à chaque fois que l'on entre sur ce terrain, la menace du voeu pieux se fait sentir et serre de près les phrases comme une mendiante, mais ce que je veux dire, à la fin de ce livre, est simple : c'est qu'il faut sortir l'identité du carcan du national (et de tous les autres carcans, à commencer par ceux des religions) et en faire le principe actif d'un passage disséminé, qui serait celui d'une république à venir. C'est à ce prix seulement, dans l'espace d'une redistribution simple et audacieuse, que la valence nationale (que l'on pourrait définir comme un accord entre les êtres et leur monde) pourra se retrouver, non comme une citadelle ouvrant ses portes à quelques élus, mais comme une aire d'expérimentations
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La petite Istambul côtoyée par des Serbes, les boutiques de confection sépharades succédant dans la rue du Château d'eau à la double haie bruyante et joyeuse des salons de coiffure blacks (où toujours, autour des clients et de ceux qui en effet les coiffent toute une foule de village s'amoncelle palabrante) encadrant elle-même jusqu'à hier un pâtissier au millefeuille renommé qui vient d'être remplacé par un spécialiste des macarons, des Chinois bien sûr en nombre et des Pakistanais, l'entier couloir de restaurants indiens du passage Brady avec Ganesh dans tous ses états, le fond maghrébin présent comme partout avec une forte marque kabyle voire chleuh, j'en oublie forcément, les Portugais par exemple, monde ou mondes auxquels il convient d'ajouter bien sûr les Français, présents tout autrement que comme un reste et représentés d'abord, du côté des boutiques, par une importante délégation auvergnate mais, du côté des passants que l'on croise, venant pour une part du peuple et pour l'autre de la petite bourgeoisie jeune et branchée (dans une proportion toutefois insuffisante pour affecter profondément la vie du quartier), plus des indépendants, peu assignables à telle catégorie, telle est la composition, extraordinairement mouvante, des environs des portes Saint-Martin et Saint-Denis où tout le monde ignore superbement la grande inscription LUDOVICO MAGNO pourtant repassée à l'or, et où personne ne se soucie du fait que juste sous la porte Saint-Denis, à l'entrée du faubourg, le Petit Pot Saint-Denis eut autrefois pour client régulier Gérard de Nerval qui venait y boire de l'alcool de poire. 
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...mais il est des coins perdus, vraiment perdus, où, hormis une boulangerie vendant du mauvais pain, il semble qu'il n'y ait rien d'autre, le mystère le plus complet étant celui de ces salons de coiffure aux noms improbables (Tendancy, Salon Christelle, Salon Anthinea, Haircoif, Hair-Style, Absolu Tif et j'en passe - ce dernier à Montceau-les-Mines) que l'on trouve un peu partout et jusque dans les rues les plus vides des petites villes les plus éteintes , servant vaguement de café du commerce aux femmes de tous âges et surtout aux plus vieilles, qui en ressortent invariablement avec ces friselis argentés qui semblent être dans le peuple, passé un certain âge, l'accompagnement obligé d'une blouse ou d'une robe à motifs imprimés....
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C'est pourquoi, sans doute, j'ai amené la République. À priori on serait en droit de se demander ce qu'elle vient faire là, et pourtant je pense qu'il est requis de la nommer, dans la mesure même où son idée (contiguë à celle de nationalité telle que l'avance Hugo) est celle d'une immense tolérance, d'une immense capacité de liaison, celle d'une fédération des disparités – tout ce qu'elle modère ou régule dans les pulsions centrifuges se retrouvant exalté dans une ardeur centrale conçue comme un foyer. Or, on le voit bien, de cette République-là, qui est celle d'une fondation, rien ne reste qui soit vraiment vivant.
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Les jardins ouvriers, quel que soit leur mode associatif, ne relèvent pas du régime de la propriété privée – et c'est cela que d'emblée ils rendent visible, c'est cela que l'on ressent, confusément, quand on les longe, et qui se précise quand on s'y promène. Et s'ils ont quelque chose d'un fragment discret d'une utopie, ce n'est pas seulement pour cette raison, c'est aussi parce qu'ils ajointent souplement à cette élision de la propriété privée la sensation – et les gestes concrets – d'une appropriation. Chacun est chez soi dans ce qui pourtant n'est pas à lui, et cela n'a rien à voir, même s'il y a une ressemblance dans le statut, avec la simple location.
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Ce n’est pas qu’il n’y ait plus de peuple, plus de classes et de luttes sociales, ou que la rue des Pauvres soit devenu une appellation foncièrement obsolète, mais c’est qu’un descellement s’est produit, qui empêche toute relation spontanée entre ce nom et tel ensemble composite de population qui lui correspondrait pour ainsi dire automatiquement : un peuple effiloché, un peuple désaccordé, désœuvré, qui ne croit pas en lui-même ; toutes ces formulations se valent et disent quelque chose de vrai, que l’on peut vérifier partout en France et qui ne se confond pas avec une simple diminution du nombre de producteurs dans la stratification sociale du pays. (…) Mais c’est au fond d’autre chose encore que je parle, qu’il faudrait comprendre comme une pelote d’affects et de connivences dont ne subsisterait plus ici ou là que quelques entrelacs défaits. (…) tout doit ici être pris en compte pour approcher ce « peuple qui manque » et qui manque d’abord au peuple.
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Elle vient dire, il me semble, que ce qui rend un pays vivable, quel qu’il soit, c’est la possibilité qu’il laisse à la pensée de le quitter. L’identité définie comme le modelé d’une infinité de départs possibles - peut-être serait-ce cela le socle le plus résistant de la provenance?
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Ce qui est véritablement choquant, ce n’est pas tant de manger de la viande (et donc d’élever des bêtes pour à la fin les tuer) que de le faire sans pensée, sans égards, comme s’il s’agissait d’un droit exercé depuis toujours et devant lequel les animaux n’auraient d’autre destin et d’autre raison que d’être engraissés puis abattus. Plutarque se demandait « s’il est loisible de manger chair (ici dans la langue d’Amyot) : la question ancienne, on le voit est taraudante et, s’il y a d’un côté des végétariens et de l’autre des mangeurs de chair impénitents, il me semble que pour beaucoup, dont je suis, le débat est intérieur et continu : non parce qu’il serait question de repentir, assez hypocritement d’ailleurs, à chaque bouchée, mais simplement parce que l’idée, très archaïque, remontant au temps des chasseurs-cueilleurs, d’une dette envers ceux qu’on abat n’est pas morte et qu’elle nous traverse. Ce qui vient avec elle, qui n’a rien à voir avec la sensiblerie, c’est la pensée que chaque animal, selon son mode propre, constitue une entrée dans le monde, une existence, une expérience et qu’interrompre celles-ci dans le but de prolonger les nôtres doit avoir un sens et être réfléchi. (…) si loin que nous ayons été déportés de ces formes de pensée, peut-être pouvons-nous tout de même, et sans effort, réintégrer l’esprit dans ses habits de nature et regarder tout autrement le monde qui nous entoure, en commençant justement par les prés et les troupeaux : et c’est alors une révélation que de se dire, dans un éclair, que des âmes ou des esprits habitent les prés
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L'Histoire de France, encore elle, toujours elle, avec son grand H mais fondu, filé dans des recoins, des trous, des villages plus ou moins perdus qui, brusquement, se sont retrouvés sur le passage de l'événement. Noms tantôt voués à retomber dans l'oubli ou à faire des apparitions dans les brochures des érudits locaux, tantôt figurant dans les dictionnaires ou les livres d'histoire et que tout le monde connaît, ce qui est le cas de Varennes, qui doit vraiment sa célébrité à un concours de circonstances. Peu d'épisodes de l'histoire de France autant que l'arrestation de Louis XVI et de sa famille le 21 juin 1791 dans cette petite ville de la frange occidentale de la Lorraine auront occasionné, et à juste titre, réflexions, méditations et spéculations sur le rôle du hasard dans la formation des événements.
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Le soubassement de l’identité d’un pays, dès lors, il faut risquer cela, ce serait l’ensemble de toutes ces dormances, et la possibilité, à travers elles, d’une infinité de résurgences: jamais ce qui coule d’une unique source qui aurait valeur d’origine et de garantie, mais ce qui s’étoile au sein d’un système complexe de fuites et de pannes par l’entremise duquel le passé se délivre, comme passé, à même la texture du présent, un seul fil tiré ayant le pouvoir d’en faire réagir quantité d’autres, selon une logique de réseau constamment agrandie et modifiée.
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