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Joël Gayraud (Éditeur scientifique)
EAN : 9782842050740
119 pages
1001 Nuits (30/09/2000)
3.81/5   141 notes
Résumé :
Ce plaidoyer matérialiste, rationaliste et radicalement démocratique, répond à Voltaire et à son « Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer » par « Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître ». Pour Bakounine, l’idée de Dieu est étroitement liée à celles d’autorité et de hiérarchie. Pour lui, la religion est source d’esclavage et de misère et son Dieu et l’Etat frappe les tables de la loi comme un marteau en furie. ? L’OUVRAGE DE RÉFÉRENCE S... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Mikhaïl BAKOUNINE (1814 – 1876) a eu une vie plus que trépidante et pour le moins qu'on puisse dire cosmopolite. Jeune Russe promis à une carrière militaire, il s'y refuse et se tourne vers les études, qu'il se paiera en réalisant des traductions de Philosophes allemands (notamment Hegel). Par la suite, l'émergence de ses positions révolutionnaires à l'encontre du tsar russe lui imposeront : l'exil un peu partout en Europe, une condamnation par contumace à la déportation en Sibérie ou encore la prison… Sans oublier le hasard des rencontres : Proudhon, Marx et Engels pour ne citer que les plus connus. Comme Bakounine semble le dire lui-même, sa vie n'est que fragments, dont nous avons un morceau entre les mains, par l'intermédiaire de ce « Dieu Et L'Etat », qui fût publié à titre posthume en 1882.

Le texte incisif élabore une profonde critique des religions, notamment le Christianisme, par le prisme de la domination. Une analyse Philosophique et Historique menée en parallèle permettent de faire émerger le caractère profondément obscurantiste et abrutissant des croyances religieuses. SI la critique est rude, Bakounine développe abondamment le sujet et montre, en décrivant l'établissement du pouvoir chrétien en Europe et sa complicité avec les élites dirigeantes à toutes époques, que les religions ont toujours servis à canaliser le peuple en se faisant son précepteur moral tout en emprisonnant son émancipation dans le dogmatisme le plus étroit. « le peuple, malheureusement, est encore très ignorant, et maintenu dans cette ignorance par tous les efforts systématiques de tous les gouvernants, qui la considèrent, non sans beaucoup de raison, comme l'une des conditions essentielles à leur propres puissance ».
Malgré un ton parfois à la limite du blasphème, l'argumentaire se tient bien dans l'ensemble – exception faite du prisme occidento-centré sur quelques aspects anthropologiques – et décortique avec une profonde acuité les dynamiques de domination intrinsèques à la notion de « Dieu », qu'il prend d'ailleurs bien soin de définir pour mieux critiquer l'utilisation qu'en fonts les théologiens ou les métaphysiciens. L'Etat et la Religion sont en permanence évoqués tour à tour de façon à ce qu'on en distingue bien les traits communs, oppositions et interactions. Ceci a pour effet de mettre en exergue les structures autour desquelles s'organisent la soumission des masses.
Ouvertement Matérialiste, Bakounine s'inscrit en opposition frontale avec les Idéalistes dont il déconstruit la logique « du haut vers le bas » en s'appuyant toujours sur l'analyse de l'Etat et de la Religion. Il préconise à l'inverse une organisation sociale basée sur la Liberté et l'Egalité ainsi que la Science dans son acception la plus pure. Toutefois, et même si sa dialectique matérialiste s'inscrit dans un mouvement humaniste de « progrès » qui n'est pas sans rappeler la « Loi des trois états » d'Auguste COMTE, il critique vertement le Positivisme de ce dernier et l'organisation sociale construite sur l'autorité des Scientifiques, selon lui bien trop prompts à faire fi de la vie réelle (matérialisme) par excès d'idéalisation (idéalisme). Pour Bakounine, la Science est toujours considérée sous l'angle de ses plus nobles vertus mais il est conscient de ses limites. Il envisage que celle-ci soit le plus abondamment dispensée au peuple dans son ensemble, jeunes enfants aussi bien qu'adultes, afin que celui-ci soit en mesure de s'épanouir et de s'émanciper, favorisant l'autonomie de chacun au sein d'un environnement socialiste, seule voie possible vers la Liberté. Ce faisant il prend bien soin de détailler sa vision de l'Education et n'oublie pas d'aborder la notion « d'autorité », à laquelle les Anarchistes sont si sensibles, pour expliquer la distinction nécessaire entre une autorité dogmatique et coercitive, en opposition à une autorité intellectuelle (par exemple) librement consentie.

Cet ouvrage de Bakounine, dense tout en étant principalement centré sur une critique de la Religion et de l'Etat, fait office en sous-texte de plaidoyer pour l'Anarchisme. Bien que Bakounine ait le propos acerbe, il n'est pas désagréable à lire, même plus d'un siècle et demi après sa rédaction. A mon sens, la contextualisation historique est nécessaires pour appréhender les idées développées eu égard à l'époque. Si on peut critiquer certaines approximations anthropologiques, une logique globalement dichotomique et manquant donc parfois de nuance, les thèses de Bakounine restent solidement étayées, d'autant plus qu'il prend les devants de ses nombreux détracteurs en étant force de proposition et en explicitant le nécessaire.

Le livre est intéressant pour le témoignage historique qu'il représente ainsi que pour une incursion dans la pensée de Bakounine mais, s'agissant d'un court texte (100 p.) à tendance majoritairement anticlérical, il vaut sans doute mieux le garder sous la main pour approfondir et se reporter à l'ouvrage de Philippe et Michel PARRAIRE pour y découvrir le penseur russe avec un regard plus complet et général.
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Ouvrage d'un des grands théoriciens de l'anarchisme, assez concis. Un peu trop même parfois, j'ai eu de temps en temps l'impression d'être face à des arguments d'autorité, sans justification particulière, mais je suppose que c'est un défaut inhérent aux livres courts.

Bakounine expose que l'idée de la divinité s'arrache progressivement du monde matériel pour rejoindre un monde idéalisé, emportant avec elle toutes les qualités, et en ne laissant aux hommes que les vices. L'auteur constate que même chez les gens qui se détachent de la religion officielle, cette idée que les «bonnes choses» ne peuvent venir que du monde de l'esprit, tandis que les mauvaises ne viennent que du monde matériel persiste. Pour se réapproprier les vertus, Bakounine propose de se baser sur la logique et la science, et de rejeter toutes les sources d'autorité absolue, y compris d'ailleurs celle venant des savants.

Certains morceaux de l'essai parlent de thèmes que je ne maîtrise pas du tout, et la concision laisse parfois un goût de trop peu, mais dans l'ensemble, la lecture a été agréable et instructive.
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Dans cet ouvrage posthume, Mikhaïl Bakounine défend l'abolition de l'État comme condition d'émergence d'une société libre et le refus de toute transcendance, métaphysique ou religieuse comme condition première de la liberté.
Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Excellente synthèse, très facile à lire, de la pensée de ce premier grand théoricien de l'anti-autoritarisme. (Anarchie)

Si la société anti-autoritaire idéale semble difficile à atteindre en l'état culturel actuel, les grands principes présentés ici, tant négatifs (décortiquage et critique de l'instauration du pouvoir sur la base d'un élément transcendant, récapitulatif historique de la prise de pouvoir des intérêts bourgeois lors de la révolution prétendument populaire de 1789 et le système ploutocratique vers lequel cela ène - ô combien actuel ! -, etc.) que positifs (diffusion de la culture et de la science comme biens communs non-marchandise) méritent d'être abordés par tous, à l'heure où le Grand Marché (le nouvel élément transcendant qui intronise l'instauration du pouvoir tyranique des intérêts égoïstes d'un petit nombre d'individus) nous fait croire à une liberté "libérale" absolument fictive...
"Le plus grand stratagème du Diable fut de faire croire qu'il n'existait pas."

Dans la guerre de tous contre tous (G.Châtelet), le Grand Marché est l'élément de croyance mis en avant, par ceux qui y ont intérêt, comme l'horizon nécessaire et indépassable.

Plus : concis, percutant, éloquent, actuel.
Moins : court. Mais il n'y a qu'à lire le reste ! ... et Stirner.
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Mes excuses pour la forme, mais il n y a pas d accentuation sur ce clavier etranger...


Bakounine fait partie de ces penseurs (et agitateurs) politiques tres puissants. Une pensee radicale, peut etre meme encore plus pour nous aujourd hui que pour ses contemporains. Refractaire a toute autorite, il constate et conteste toutes les formes nuisibles a l etre humain libre. «Dieu et l Etat» est un essai indispensable pour quiconque s interesse au fait politique. Il a constitue un formidable bond en avant dans l identification des mecanismes de coercition de l etre humain et la maniere de les combattre.


Neanmoins, Bakounine est un homme de son temps... toute sa radicalite et son progressisme n effaceront pas des paroles que l on pourrait qualifier aujourd hui de racistes. Malgre le peu de clairvoyance de cet homme sur certaines questions, il ne faut pas pour autant occulter tout le genie politique de celui qui su allier la theorie politique et l action politique, comme en temoignent les nombreuses insurrections auquel il a participe. Ou qu il a organise...
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Jéhovah [...] ayant créé Adam et Eve, par on ne sait quel caprice, sans doute pour tromper son ennui qui doit être terrible dans son éternellement égoïste solitude, ou pour se donner des esclaves nouveaux, avait mis généreusement à leur disposition toute la terre, avec tous les fruits et tous les animaux de la terre, et il n'avait posé à cette complète jouissance qu'une seule limite. Il leur avait expressément défendu de toucher aux fruits de l'arbre de la science. Il voulait donc que l'homme, privé de toute conscience de lui-même, restât une bête, toujours à quatre pattes devant le Dieu éternel, son Créateur et son Maître.
Mais voici que vient Satan, l'éternel révolté, le premier libre penseur et l'émancipateur des mondes. Il fait honte à l'homme de son ignorance et de son obéissance bestiales ; il l'émancipe et imprime sur son front le sceau de la liberté et de l'humanité, en le poussant à désobéir et à manger du fruit de la science.
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Ecrasé par son travail quotidien, privé de loisir, de commerce intellectuel, de lecture, enfin de presque tous les moyens et d'une partie des stimulants qui développent la réflexion des hommes, le peuple accepte le plus souvent sans critique et en bloc les traditions religieuses qui, l'enveloppant dès le plus jeune âge dans toutes les circonstances de sa vie, et artificiellement entretenues en son sein par une foule d'empoisonneurs officiels de toute espèce, prêtres et laïques, se transforment chez lui en une sorte d'habitude mentale et morale, trop souvent plus puissante même que son bon sens naturel.
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Il est une catégorie de gens qui, s'ils ne croient pas, doivent au moins faire semblant de croire. Ce sont tous les tourmenteurs, tous les oppresseurs et tous les exploiteurs de l'humanité. Prêtres, monarques, hommes d'État, hommes de guerre, financiers publics et privés, fonctionnaires de toutes sortes, policiers, gendarmes, geôliers et bourreaux, monopoleurs capitalistes, pressureurs, entrepreneurs et propriétaires, avocats, économistes, politiciens de toutes les couleurs, jusqu'au dernier vendeur d'épices, tous répéteront à l'unisson ces paroles de Voltaire :
- "Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer."
Car, vous comprenez, il faut une religion pour le peuple. C'est la soupape de sûreté. Il existe enfin une catégorie assez nombreuse d'âmes honnêtes mais faibles qui, trop intelligentes pour prendre les dogmes chrétiens au sérieux, les rejettent en détail, mais n'ont pas le courage, ni la force, ni la résolution nécessaires pour les repousser en gros. Elles abandonnent à votre critique toutes les absurdités particulières de la religion, elles font fi de tous les miracles, mais elles se cramponnent avec désespoir à l'absurdité principale, source de toutes les autres, au miracle qui explique et légitime tous les autres miracles, à l'existence de Dieu. Leur Dieu n'est point l'Être vigoureux et puissant, le Dieu brutalement positif de la théologie. C'est un Être nébuleux, diaphane, illusoire, tellement illusoire que, quand on croit le saisir, il se transforme en Néant : c'est un mirage, un feu follet qui ne réchauffe ni n'éclaire. Et pourtant ils y tiennent, et ils croient que s'il allait disparaître, tout disparaîtrait avec lui. Ce sont des âmes incertaines, maladives, désorientées dans la civilisation actuelle, n'appartenant ni au présent ni à l'avenir, de pâles fantômes éternellement suspendus entre le ciel et la terre, et occupant entre la politique bourgeoise et le socialisme du prolétariat absolument la même position. Ils ne se sentent la force ni de penser jusqu'à la fin, ni de vouloir, ni de se résoudre et ils perdent leur temps et leur peine en s'efforçant toujours de concilier l'inconciliable.
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S’ensuit-il que je repousse toute autorité ? Loin de moi cette pensée. Lorsqu’il s’agit de bottes, j’en réfère à l’autorité du cordonnier ; s’il s’agit d’une maison, d’un canal ou d’un chemin de fer, je consulte celle de l’architecte ou de l’ingénieur. Pour telle science spéciale, je m’adresse à tel savant. Mais je ne m’en laisse imposer ni par le cordonnier, ni par l’architecte, ni par le savant. Je les écoute librement et avec tout le respect que méritent leur intelligence, leur caractère, leur savoir, en réservant toutefois mon droit incontestable de critique et de contrôle.
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Amoureux et jaloux de la liberté humaine, et la considérant comme la condition absolue de tout ce que nous adorons et respectons dans l'humanité, je retourne la phrase de Voltaire, et je dis : Si Dieu existait réellement, il faudrait le faire disparaître.
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