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Anne-Marie Meininger (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070367177
384 pages
Gallimard (13/01/1976)
3.99/5   164 notes
Résumé :
Les deux romans de ce volume, Le Curé de Tours (1832) et Pierrette (1839), constituent avec La Rabouilleuse (1842) la trilogie des Célibataires. Balzac y dépeint les méfaits du célibat, cet « état contraire à la société » (préface de Pierrette), chez deux types emblématiques : la vieille fille et le prêtre. François Birotteau est la victime des intrigues de Mlle Gamard, bigote vaniteuse, et de l'abbé Troubert, prêtre ambitieux, tandis que Pierrette, orpheline, vit l... >Voir plus
Que lire après Le Curé de Tours - PierretteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
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Voici un très bon numéro de la collection Folio. Deux petits bijoux De Balzac réunis en un seul volume pour notre plus grand plaisir. Ce sont deux courts romans que l'auteur avait positionné dans la catégorie des " célibataires " dans sa gigantesque Comédie Humaine.

Je ne saurais trop vous dire lequel j'aime le mieux tellement ils sont à point tous les deux et de très haut vol. Ils montrent l'un et l'autre le lent travail de positionnement social et d'alliances pour parvenir à ses fins au détriment d'un tiers, en l'occurrence, celui ou celle qui donne son nom à l'ouvrage.

1) LE CURÉ DE TOURS.
On découvre ici le bon abbé Birotteau, qui accouchera quelques années plus tard d'un frère, le célébrissime César Birotteau, autre opus génialissime d'Honoré de Balzac. C'est donc un homme rondouillard, un peu simple d'esprit, qui ne voit de mal nulle part et qui s'imagine naïvement que les gens qui lui veulent du bien le font pour ses beaux yeux.

Ainsi, à la mort de l'abbé Chapeloud, chanoine de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, son protégé, l'abbé Birotteau croit qu'il va hériter sans coup férir, " naturellement " pourrait-on dire, des prérogatives de son prédécesseur...

Une fois encore, Balzac saura faire surgir devant lui la plus grande mesquinerie humaine, l'envie, la basse vengeance, l'orgueil, le calcul politique, bref, tout ce qui fait que Balzac est Balzac, un auteur, pour ne pas dire L'AUTEUR incontournable de la littérature française toutes époques confondues.

Contrairement à certains de ses autres romans qui lassent parfois les lecteurs non avertis par des descriptions fouillées, nous avons ici affaire à un bref roman, à la limite de la nouvelle longue, où les descriptions ne sont point trop invasives et le plaisir est prompt à s'emparer du lecteur.

Encore une fois, le personnage qui donne son nom à l'oeuvre ne semble pas être le personnage principal, puisqu'à la fin on assise encore à son échouage, victime des vicissitudes de la cruelle vie et des calculs des gens peu enclin à la noblesse d'âme, en l'espèce, le retors et machiavélique abbé Troubert.

L'autre grande figure de l'histoire est la logeuse de Birotteau, Mlle Gamard, grenouille de bénitier pingre, ambitieuse et malfaisante à souhait dont Honoré nous dresse un portrait aux petits oignons, qui à lui seul vaut le détour.

À lire ou à redécouvrir absolument sans modération pour se délecter des bas calculs, jalousies, orgueils et autres naïvetés. À mon sens, l'un des très bons crus acides, corrosifs à souhait de notre fantastique Honoré de Balzac, mais suis-je bien objective avec ce géant parmi les géants ?

2) PIERRETTE.
Ensuite, nous sommes transportés au sud-est de la région parisienne, dans le Provins des années 1825-1830 et l'on voit s'y épanouir la petite mesquinerie commerçante et provinciale d'un couple borné et absolument irrespirable, les Rogron frère et soeur, tous deux célibataires endurcis après une minable quoique rentable vie de merciers à Paris.

Parmi les rejetons éparpillés du rameau familial, exactement à l'instar des Rougon-Macquart capable de faire germer, sur un malentendu, un individu estimable, on trouve la petite Pierrette Lorrain, cousine des deux affreux, d'au moins vingt-cinq ans leur cadette, et aussi innocente, simple et admirable que les autres sont retors, prétentieux et détestables.

Par un hasard de mauvaises fortunes et d'héritages détournés, Pierrette va donc se retrouver pupille de ses cousins à Provins, elle qui a grandit près des embruns en Bretagne.

Tour à tour faire-valoir social, outil stratégique et enjeu matrimonial, on assiste impuissants à la mise au pilori de Pierrette (Pierrette et le poteau laid, en somme) par son cousin et surtout sa cousine Sylvie Rogron. Mais c'est sans compter sur l'intervention de Jacques Brigaut, un brave parmi les justes, qui voudrait bien arriver à inverser la tendance et à rendre à Pierrette un peu de sa dignité d'être humain et d'amour tout simplement. Y parviendra-t-il ? Ça c'est ce que je m'interdis de vous révéler.

En tout cas, c'est du très grand art Monsieur de Balzac, ça ne donne pas spécialement le moral, ça ne nous fait pas particulièrement aimer davantage l'humanité, mais c'est admirable dans son style, un patrimoine romanesque à inscrire sur la liste de l'Unesco, car malheureusement, ça a existé et ça existe encore de nos jours, peut-être avec une ou deux modalités différentes, mais si peu.

Bref, selon moi un autre opus majeur de la Comédie Humaine et de la littérature française en général, qui est probablement à la source des Rougon-Macquart de Zola et des Misérables d'Hugo, rien que ça, excusez du peu.

Mais ce n'est que mon avis, un tout petit avis aux pieds de l'immense Balzac, c'est-à-dire vraiment pas grand-chose.
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Ce n'est rien de dire que l'abbé Birotteau est aux anges quand il hérite à la mort de son ami l'abbé Chapeloup de ses beaux meubles et de sa chambre dans la pension de la respectable mademoiselle Gamard. Il en avait tant rêvé, et voilà que son rêve devient réalité. Il est même persuadé que la charge de chanoine laissée vacante par son ami ne peut maintenant que lui échoir. Pauvre abbé Birotteau, il est tellement naïf et crédule. Comment pourrait-il imaginer dans quelle taupinière il vient de mettre les pieds?

Alors là, je me réconcilie avec Balzac ! Cette critique des clivages d'une société et de ses luttes de pouvoir est féroce mais que c'est finement observé, analysé, orchestré !

La plume acérée De Balzac ne nous épargne rien des dessous peu ragoutants qui s'enchevêtrent sous la robe rutilante de la bienséance, les rivalités intestines qui grouillent, les enjeux personnels et manoeuvres retorses qui régissent les individus. Médisance, mesquinerie, convoitise, jalousie, vengeance, manipulation, ambition, vanité s'étalent et rivalisent sans complaisance. D'un évènement anodin, c'est toute la société tourangelle qui va être ébranlée.

L'ambition et la vanité tiennent bien évidement une place de choix. le célibat (particulièrement celui des vieilles filles) n'est pas non plus en reste. le tandem mademoiselle Gamard et l'abbé Troubert est délicieusement méprisable, d'un machiavélisme redoutable. La confrontation finale de l'abbé Troubert et madame de Listomère est un grand moment d'hypocrisie et de duplicité. Un dialogue d'une justesse remarquable. Quant à notre pauvre abbé Birotteau, il ne pipe pas grand-chose à ce qui se passe…

Oh que tout cela est bien peu chrétien. C'est féroce, poignant, implacable. Je l'ai lu il y a maintenant plusieurs mois et je saigne encore…
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L'abbé Birotteau n'est pas méchant mais vaniteux, voire ambitieux. Pensionnaire chez mademoiselle Gamard, une vieille femme tout aussi égocentrique, il convoite la chambre de son voisin l'abbé Chapeloup décédé recemment. C'est que le mobilier, les tableaux et surtout la bibliothèque ont une grande valeur à ses yeux. Tant qu'à y être, pourquoi pas sa charge de chanoine, ou bien le titre d'évêque ! Il en hérite bien la chambre meublée mais à quelques conditions auxquelles il n'a pas vraiment fait attention. C'est qu'il est un peu naïf, d'un naturel si ouvert qu'il ne peut imaginer des vilenies de la part des autres. Il est aussi un homme du monde, qui aime la compagnie de la bonne société alors que l'autre pensionnaire, le retors abbé Troubert qui, lui, pour s'assurer les bonnes grâces de la logeuse passe ses soirées avec elle. Cette vieille fille malfaisante et ambitieuse, ne voit pas d'un bon oeil que Birotteau préfère la société des autres à la sienne. J'ai bien aimé cette courte histoire, le curé de Tours. L'intrigue est claire et elle se développe à un rythme appréciable. C'est que, contrairement à d'autres romans De Balzac, où les longueurs et les descriptions à n'en plus finir peuvent parfois l'emporter sur le plaisir de lire. Ici, rien de tout cela ou très peu. Balzac, est bref, va à l'essentiel, c'est-à-dire à personnages s'accrochant à des faux espoirs, se promènent dans les salons et préparent quelques manigances. J'ai beaucoup apprécié l'échange entre madame de Listomère (amie et conciliatrice de Birotteau) et l'abbé Troubert, où chacun interprète les paroles de l'autre. Cette fine analyse psychologique est parfaite. Puis, avant que le lecteur s'en rende compte, il est rendu à la fin.

Chez Folio, le curé de Tours est suivi d'une autre courte histoire, Pierrette. Celle-là me fut pénible. Dès les premières pages, on découvre la pauvre Pierrette Lorrain et le jeune Brigaut qui s'intéresse visiblement à elle. Toutefois, Balzac tient absolument à décrire son arbre généalogique, remontant jusqu'aux grands-parents, à des oncles et tantes éloignés, racontant la petite histoire de chacun – même si la plupart son déjà morts ou mourants au début de l'histoire. Ouf ! Ce fut pénible. Pas parce que ce fut inintéressant, j'ai trouvé fascinant comment les membres d'une même famille se sont entredéchirés, comment certains ont manoeuvré pour écarté des parents et leur arracher un héritage, comment ces mêmes personnes ont élevé leurs enfants et en ont fait ce qu'ils sont devenus. Une étude digne de Zola. Donc, je comprends qu'il soit important de situer l'intrigue, de mettre en place les «acteurs» du drame. Ce qui m'a ennuyé, c'est que toutes ces informations sont balancées d'une seule venue. L'action ne s'enclenche vraiment que soixante pages plus loin, quand la pauvre et orpheline Pierrette arrive chez ses cousins Denis et Sylvie Rogron : deux célibataires au coeur endurci et qui la maltraiteront. Une fois la longue description passée, j'ai un peu plus apprécié la courte histoire poignante, avec des individus qu'on aime détester.

Ce que j'aime De Balzac, c'est que ses personnages – tant les principaux que les secondaires – ont chacun des motivations qui leur sont propres et qui guident leurs actions tout au long. Un peu comme un engrenage. J'ai mentionné plus haut sa fine analyse psychologique. Birotteau, Gamard, Troubert, Pierrette, les Rogron, etc., tous, ils sont réalistes, crédibles, complets. On comprend pourquoi ils sont ainsi et pourquoi ils agissent comme ils le font. À une exception près. Là où je ne suis pas d'accord avec l'auteur, c'est qu'il tire des conclusions hâtives, qu'il généralise de stéréotypes de personnages à partir parfois d'une seule caractéristique. Je m'explique. J'ai lu la préface après ma lecture des deux nouvelles et ce fut fort heureux sinon ça aurait teinté négativement mon impression. Voyez-vous, on y explique que Balzac estimait que les célibataires sont des individus nuisibles. le fait d'être seul amène les vieux garçons et les vieilles filles à devenir frustrés, égoïstes, à manquer de compassion et, incidemment, à profiter de la naïveté des gens de leur entourage. Allant même jusqu'à les broyer. le sort réservé à Birotteau et Pierrette en est bien la preuve. Mais est-ce vraiment la réalité ? J'ai connu plusieurs célibataires endurcis qui font preuve de dévouement à des causes et à des personnes, puis inversement des gens mariés qui sont atroces.
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● "Le curé de Tours" est une merveille, comme Balzac savait nous en offrir !
Le grand écrivain y dépeint les vices des hommes, la cruauté de la société, avec cette qualité de construction qui caractérise ces ouvrages.
C'est admirable de voir, comme Balzac, utilise tous les moyens à sa disposition, dans des romans totaux, pour écrire des livres parfaits.
Le personnage principal du "Curé de Tours" est un chef-d'oeuvre ; c'est un asocial, bon, affable, qui découvre la société et subit le poids de celle-ci.
Comme toujours, dans ce livre, Balzac est parfait : parfait dans l'histoire, passionnante ; parfait dans la construction narrative ; parfait, de par les personnages ; bref : parfait à tous points de vue !
C'est du grand Balzac, un livre de ce Balzac qui semble préfigurer toute la littérature française du XIXème siècle…
Bref, voilà un excellent Balzac, corrosif, satirique, intelligent, parfait, aussi bien du point de vue de la réflexion que littérairement parlant.
Un coup de coeur, pour ma part.

le curé de Tours semble s'ennuyer un peu, dans sa province, dans ce roman. Pourtant, les sombres machinations d'un clérical arriviste sont bien intéressantes…
Dans ce bref roman passionnant, on sent tout l'art d'écrire balzacien. Balzac décrit la société qui l'entoure, cette société cruelle où la naïveté, l'innocence et la bonté désintéressée n'ont pas leur place. La fin est désabusée au possible ( comme souvent chez Balzac ).
Il y a dans ce roman un crescendo magnifique. Chaque phrase est ciselée à la perfection. Balzac fut un grand et il est encore actuel… Dans ces romans, il y a ( on le sent ) quelque chose de tragique, à l'oeuvre, comme une fatalité. Dans "Le curé de Tours", Balzac nous livre un de ses chefs-d'oeuvre, l'un de ses livres unique, magiques, magnifiques, l'un des plus grands livres de "La Comédie Humaine".
Il y a quelque chose d'un peu mélancolique, parfois, dans "Le curé de Tours". Ce texte est un grand moment d'émotion, vraiment l'un des plus grands Balzac, l'un des plus beaux, l'un des plus réussis.
C'est court, mais ça se lit comme on boit un nectar dont l'on goûte toutes les nuances, toutes les subtilités. J'ai tout aimé : le style, la construction narrative, la grande empathie affichée par Balzac avec ses différents personnages, d'une fine psychologie, l'analyse sociale profonde…
"Le curé de Tours" est, pour moi, une pépite, un chef-d'oeuvre et fait partie de ces livres qu'on oublie pas, qui marque et dont on se souvient encore longtemps après les avoir lus…
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J'espérais avec ce second titre des célibataires, un texte moins noir que Pierrette. Cela a été le cas, même si la conclusion est la même, les forts y écrasent les faibles.


Un brave curé, le père Birotteau, ne peut s'empêcher de désirer le logement de son ami le chanoine Chapeloup avec tous ses avantages, les meubles, et les soins de la demoiselle qui le loge. Lorsque Chapeloup meurt le curé se réjouit de recevoir par testament les dits meubles , malgré son chagrin. Le voilà qui chausse les bottes du mort. Mais il n'a pas la finesse de son prédécesseur qui ayant tout de suite deviné le caractère de sa logeuse à su agir en conséquence et s'en faire apprécier.
Dans les débuts tout va bien, Birotteau est choyé, et il passe ses soirées chez la demoiselle Gamard, laquelle peut ainsi à son tour se faire un cercle. Mais lorsqu'il déserte son salon pour reprendre ses habitudes chez les nobles de la ville, la guerre est déclarée.
Dans cette maison loge un autre prêtre apparemment détaché des biens de ce monde et dénué d'ambition. Là encore le manque de clairvoyance de Birotteau l'empêche de tenir compte de la mise en garde de son ami défunt.


Dans ce roman aussi, la ville va se séparer en deux clans mais les intérêts du curé se trouvent pris dans d'autres luttes de pouvoir, et il ne fera pas le poids.




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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Il y eut cette différence entre feu l’abbé Chapeloud et le vicaire, que l’un était un égoïste adroit et spirituel, et l’autre un franc et maladroit égoïste. Lorsque l’abbé Chapeloud vint se mettre en pension chez mademoiselle Gamard, il sut parfaitement juger le caractère de son hôtesse. Le confessionnal lui avait appris à connaître tout ce que le malheur de se trouver en dehors de la société, met d’amertume au cœur d’une vieille fille, il calcula donc sagement sa conduite chez mademoiselle Gamard. L’hôtesse, n’ayant guère alors que trente-huit ans, gardait encore quelques prétentions, qui, chez ces discrètes personnes, se changent plus tard en une haute estime d’elles-mêmes. Le chanoine comprit que, pour bien vivre avec mademoiselle Gamard, il devait lui toujours accorder les mêmes attentions et les mêmes soins, être plus infaillible que ne l’est le pape. Pour obtenir ce résultat, il ne laissa s’établir entre elle et lui que les points de contact strictement ordonnés par la politesse, et ceux qui existent nécessairement entre des personnes vivant sous le même toit.
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LE CURÉ DE TOURS :

Birotteau étaient de ces gens qui sont prédestinés à tout souffrir, parce que, ne sachant rien voir, ils ne peuvent rien éviter : tout leur arrive.

Nulle créature du genre féminin n’était plus capable de Melle Sophie Gamard de formuler la nature élégiaque de la vieille fille ; […] La vie habituelle fait l’âme et l’âme fait la physionomie

Elle lui déroula succinctement l’immense étendue de cette affaire et lui expliqua la gravité de ses suites. […] Elle put alors, sans se tromper, démontrer à Birotteau la trame dans laquelle l’avait enveloppé cette vengeance si habilement ourdie, lui révéler la haute capacité, le pouvoir de son ennemi en lui en dévoilant la haine, en lui en apprenant les causes…

Birotteau sortit épouvanté. Troubert avait pris à ses yeux les dimensions d’une pyramide d’Egypte. Les mains de cet homme étaient à Paris et ses coudes dans le cloître de Saint Gatien.

PIERRETTE :

Y a-t-il rien de plus horrible à voir que la matinale apparition d'une vieille fille laide à sa fenêtre ? De tous les spectacles grotesques qui font la joie des voyageurs quand ils traversent les petites villes, n'est-ce pas le plus déplaisant ? Il est trop triste, trop repoussant pour qu'on en rie.

Quand il y a une vieille fille dans une maison, les chiens de garde sont inutiles : il ne s'y passe pas le moindre événement qu'elle ne le voie, ne le commente et n'en tire toutes les conséquences possibles. Aussi, cette circonstance allait-elle donner carrière à de graves suppositions, ouvrir un de ces drames obscurs qui se passent en famille et qui, pour demeurer secrets, n'en sont pas moins terribles, si vous permettez toutefois d'appliquer le mot de drame à cette scène d'intérieur.

Une mère eût été très heureuse du bonheur de son enfant, mais les Rogron avaient pris Pierrette pour eux et non pour elle : leurs sentiments, loin d'être paternels, étaient entachés d'égoïsme et d'une sorte d'exploitation commerciale.
La belle Bathilde de Chargeboeuf, à qui Vinet montra Pierrette comme son ennemie, était horriblement dédaigneuse pour elle. L'intérêt général exigeait l'abaissement de cette pauvre victime. Madame Vinet ne pouvait rien pour cette enfant broyée entre des intérêts implacables qu'elle avait fini par comprendre.

La salle à manger était irréprochablement arrangée. Sylvie s'assit et affecta pendant tout le déjeuner d'avoir besoin de choses auxquelles elle n'aurait pas songé dans un état calme et qu'elle demanda pour faire lever Pierrette en saisissant le moment où la pauvre petite se remettait à manger. Mais une tracasserie ne suffisait pas, elle cherchait un sujet de reproche, et elle se colérait intérieurement de n'en pas trouver. S'il y avait eu des oeufs frais, elle aurait eu certes à se plaindre de la cuisson du sien.

L'imagination la plus alerte est encore au-dessous de l'activité que donne le soupçon à l'esprit d'une vieille fille. Dans ce cas, la vieille fille l'emporte sur les politiques, les avoués et les notaires, sur les escompteurs et les avares.
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Les vieilles filles n'ont-elles pas toutes un certain talent pour accentuer les actions et les mots que la haine leur suggère ? Elles égratignent à la manière des chats. Puis, non seulement elles blessent, mais elles éprouvent du plaisir à blesser, et à faire voir à leur victime qu'elles l'ont blessée. Là où un homme du monde ne se serait pas laissé griffer deux fois, le bon Birotteau avait besoin de plusieurs coups de patte dans la figure avant de croire à une intention méchante.
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Rogron content de lui-même, avait fini par se faire une phraséologie à lui. Ce bavard se croyait orateur. La nécessité d’expliquer aux chalands ce qu’ils veulent, de sonder leurs désirs, de leur donner envie de ce qu’ils ne veulent pas, délie la langue du détaillant. Ce petit commerçant finit par avoir la faculté de débiter des phrases où les mots ne présentent aucune idée et qui ont du succès.

PIERRETTE.
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La durée de l'oeuvre sur laquelle j 'inscris votre nom deux fois illustres dans ce siècle est très problématique ; tandis que vous gravez le mien sur le bronze qui survit aux nations,ne fût-il frappé que par le vulgaire marteau de monnayeur. Les numismates ne seront-ils pas embarrassés de tant de têtes couronnées dans votre atelier ,ils retrouveront parmi les cendres de Paris ces existences par vous perpétuées au-delà de la vie des peuples et dans lesquelles ils voudront voir des dynasties ? A vous donc ce divin privilège ,à moi la reconnaissance .
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Vidéo de Honoré de Balzac
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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