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Critique de MissLeo


J'avais lu le lys dans la vallée adolescente, mais je n'en avais absolument aucun souvenir ! Ma préférence allait alors à Flaubert ou Zola, que je lisais avec un réel plaisir, quand Balzac relevait plus de l'obligation culturelle (bac de français oblige). C'est donc avec un oeil neuf que j'ai redécouvert presque vingt ans après ce formidable roman, publié en 1835 et 1836, dans la série des "Etudes de moeurs". Ce dernier appartient aux "Scènes de la vie de province", qui évoquent "l'âge des passions, des calculs, des intérêts et de l'ambition". Balzac écrivit le lys dans la vallée à 36 ans, en se basant sur sa propre expérience, à savoir son amour de jeunesse pour Mme de Berny, dont l'intrigue et le personnage de Mme de Mortsauf sont largement inspirés. le récit prend la forme d'une longue confession, Félix s'adressant à sa maîtresse, la comtesse Natalie de Manerville, à qui il raconte son enfance malheureuse, avant d'évoquer dans les moindres détails sa passion pour la délicate Henriette. le roman se termine sur la brève réponse de la fameuse Natalie, qui offre une superbe conclusion au récit. J'ai aimé cette construction originale.

L'oeuvre a déjà été copieusement disséquée par ailleurs, et je ne souhaite pas me livrer à un exercice trop scolaire d'analyse de texte. Je me contenterai donc d'évoquer mon ressenti. le lys dans la vallée est un très beau roman sur la passion amoureuse, sur la frustration générée par un amour purement platonique et intellectuel, que Balzac oppose à l'amour sensuel. Ce conflit permanent est au coeur du récit, qui analyse avec beaucoup de justesse les comportements de Félix et de Mme de Mortsauf, embarqués malgré eux dans une idylle impossible. Balzac excelle à disséquer le sentiment amoureux, et l'on est frappé par la pertinence de ses observations.

On retrouve également la marque de fabrique de l'auteur, sous la forme de quelques passages purement descriptifs, certes magnifiques, mais souvent très trop longs. le paysage et la nature occupent une place de choix, magnifiés par le regard amoureux de Félix. La campagne sensuelle et voluptueuse que découvre le jeune homme est inspirée du château de Saché, où vécut Balzac. Ce dernier en retranscrit parfaitement l'ambiance bucolique, au travers de quelques évocations champêtres au caractère hautement poétique (j'ai été sensible aux nombreuses métaphores fruitières et florales utilisées par l'auteur, qui donnent une vision particulièrement attirante de cette vallée gorgée de soleil).

"La renaissance de madame de Mortsauf fut naturelle, comme les effets du mois de mai sur les prairies, comme ceux du soleil et de l'onde sur les fleurs abattues."

La force du roman réside, on l'a dit, dans l'étude de caractères pleine de finesse à laquelle se livre Balzac, lequel nous réserve quelques scènes d'une puissance rare (je pense bien sûr à la dernière rencontre de Félix et d'Henriette, moment sublimement tragique). On peut ne pas adhérer au propos, très ancré dans son époque, mais la prose de l'auteur n'en demeure pas moins d'une force saisissante : c'est beau, et je reconnais m'être totalement laissée emporter par l'histoire.

Venons en maintenant au lys, symbole de pureté, qu'incarne la très vertueuse comtesse de Mortsauf. La vie n'est pas tendre pour cette jeune femme mal mariée, dont la beauté et la fraîcheur s'étiolent inexorablement. Henriette est un personnage stoïque, fidèle à son devoir de mère et d'épouse, qui se consume d'amour pour Félix, qu'elle prétend aimer comme un fils et finit par prendre sous son aile protectrice, alors même qu'elle brûle pour lui d'une passion inassouvie. Lorsque Felix, métamorphosé en dandy, entame une liaison charnelle avec la très superficielle duchesse de Dudley, Henriette tombe dans un puits sans fond, et réalise subitement que sa vie n'aura été qu'un long mensonge. Un destin à la fois tragique et pathétique pour cette femme de caractère, sainte sacrifiée sur l'autel de la passion, dont on notera cependant l'ambiguité : elle ne veut pas céder à Félix, mais maintient le jeune homme en son pouvoir, en jouant pour lui le rôle d'une mère de substitution. Il est donc difficile de s'attacher complètement à Henriette, et il semble finalement assez naturel que Félix la "trahisse" pour assouvir ses besoins.

Bien sûr, les grands discours de Mme de Morsauf sur l'amour et le sacrifice peuvent aujourd'hui sembler un peu désuets, et la prose De Balzac possède parfois un côté excessif et grandiloquent (les défauts de ses qualités, en quelque sorte). Je retiendrai néanmoins la force extraordinaire qui se dégage de cette histoire, laquelle dépeint merveilleusement le sentiment amoureux. Il n'est pas impossible que je lise d'autres romans de la Comédie Humaine dans un futur proche.


Un classique à redécouvrir !

Lien : http://leslecturesdeleo.blog..
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