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sur 9028 notes
Qu'est-ce qui n'a pas été dit, écrit, filmé, dessiné, radiodiffusé sur le Père Goriot, en particulier, et sur Balzac, en général ? Réponse : à peu près rien.

Mais s'il est vrai que parmi cet amas épais et hétérogène tout a probablement été dit et bien dit, tout le monde, moi la première — moi surtout — n'a probablement pas lu le monceau impressionnant d'avis ou de critiques littéraires qui ont été laissés à son sujet.
Alors je ne ferai très certainement que répéter ce que d'autres auront dit bien avant moi et de bien meilleure façon que je ne saurais le faire. Excusez-moi pour cette somme de mauvaises redites.

En premier lieu, première redite, qu'il s'agit d'un très bon roman et que c'est une bonne porte d'entrée pour s'en aller frétiller dans l'immense testament littéraire que nous a laissé le bon Honoré et qui se nomme La Comédie Humaine. Néanmoins, je tiens à souligner que manifestement trop de lycéens ont eu à " subir " ce roman à un âge où, selon toute vraisemblance, ils n'étaient pas prêts à goûter toute la saveur du vécu et le cruel réalisme qui émane de cette pièce maîtresse lorsqu'on le lit quelques années plus tard.

Je vais donc clairement vous dire que si j'avais à faire découvrir Balzac à quelques jeunes personnes, je ne choisirais sans doute pas ce roman comme première approche. Passé la trentaine, pourquoi pas, même s'il va sans dire qu'on est apte à jouir de toute la saveur de cette oeuvre bien avant trente ans, je suis fermement convaincue qu'il réclame à la fois vécu et investissement dans sa lecture, deux choses qui ne sont pas monnaie courante à un âge précoce.

Ensuite, deuxième redite, que toutes les clefs d'écriture qui sont propres à Honoré de Balzac se retrouvent ici : la description première (celle qui rebute souvent les néophytes) un peu comme le ferait un peintre qui soignerait particulièrement son décor avant d'entamer la figure centrale de sa toile, ensuite, la mesquinerie ou la loupe focalisée sur les défauts de ses personnages souvent très haut ou très bas en couleur, puis le ton ironique, sarcastique, cynique, caustique, désabusé avec lequel l'auteur nous raconte ses histoires, viennent ensuite les accélérations, les montées en puissance de l'intrigue, les coups de projecteur sur le passé d'un personnage que l'on croit bien connaître (les fameux éclairages rétrospectifs dont parle Proust), puis les sortes de tonnerres ou de descentes aux enfers du final.

Enfin, vous étonnerais-je en prétextant que le père Goriot n'est probablement pas le personnage principal de ce roman même s'il en est la morale de la fable ? Vous recommanderais-je le savoureux verbe du truculent Vautrin alias..., vous découvrirez qui, et de sa vision du monde ? Oui, "le monde selon Vautrin" vaut vraiment le détour. Alors, bon séjour en immersion dans le noir Paris du début XIXème siècle.

Juste pour la route et pour parfaire mon content de redites, quelques mots de l'intrigue au cas où vous ne la connaîtriez pas.
Eugène de Rastignac, jeune étudiant débarque de sa province à Paris dans le but de s'y faire un nom et une situation. Malheureusement pour lui, même si la famille possède le lustre de la particule, si utile dans le grand monde, elle ne lui procure pas de rentrées d'argent suffisantes au train qu'il convient d'afficher à Paris lorsqu'on aspire à devenir un dandy.

Le père Goriot, quant à lui, pour son plus grand malheur a deux filles. Deux filles qu'il aime mieux que lui-même, deux filles pour lesquelles il sacrifierait sa vie, deux filles belles comme l'aurore... et ingrates comme le sont les belles filles roturières qui se veulent du grand monde.
Notre brave père Goriot, commerçant prospère, ne recule donc devant aucun sacrifice financier susceptible de lui attirer "l'affection" de ses deux vénales progénitures...

Voici Honoré de Balzac dans tout sa splendeur et sa misère, lui le courtisan désabusé et parfois vindicatif, lui le magicien, l'inventeur du roman moderne, lui le génial observateur de cet étrange animal qu'on nomme "l'humain", lui, l'un de mes auteurs fétiches, mais ce n'est là qu'un fort misérable avis, un parmi pléthore d'autres et d'autre carrure et d'autre facture, autant dire, pas grand-chose.
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C'est toujours avec émotion que je regarde mon exemplaire du Père Goriot sur mes étagères.

Ce roman a été mon premier vrai coup de coeur pour un classique. Non pas que je n'en avais pas lu avant, c'est juste que celui là a été une révélation !
C'était à la fin de ma 4ème (ok ça date!), j'étais l'une des seules à avoir lu et apprécié Eugénie Grandet et quelques mois après j'ai vu ce livre du même auteur et je me suis dit "pourquoi pas!".

Et là, dès que j'ai ouvert le livre... Je ne voulais plus le lâcher ! A tel point que je l'ai dévoré en 2 jours ! le sort de ce père si gentil et si dévoué à ses 2 filles qui se révèleront êtres ingrates, des vraies pestes ! Et qui, pire encore, abandonneront leur pauvre père à son sort alors que lui ne cessera jamais de les aimer.

Maintenant que je suis devenue adulte, quand j'ouvre des pages au hasard, l'histoire prend encore une autre dimension. Je ne suis plus une adolescente dans le délire "les adultes sont tous nuls et personne ne me comprend", et ce personnage de père me touche encore plus qu'il y a 14 ou 15 ans maintenant.

Libre à chacun d'en penser ce qu'il voudra, mais il me semble que c'est à ce genre de "détails" qu'on reconnaît un grand livre !
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Le Père Goriot est une oeuvre grandiose.

Ce roman est avant tout un grand cri d'amour, paternel certes, mais un amour sublime que porte Joachim Goriot à ses deux filles, Delphine de Nucingen et Anastasie de Restaud. J'ai été émerveillée par ce père si pauvre, logeant dans une misérable pension chez Madame Vauquer, mais, qui, pour le bonheur de ses filles, se sacrifiera jusqu'à la fin de sa vie...Quel homme ! J'ai rencontré peu de personnages aussi généreux (mais le mot est trop faible) que ce bon Père Goriot...

Toutefois, Balzac nous dépeint également, à travers les portraits plus ou moins satiriques de ses personnages, le Paris du début du XIXème, glorieux, mais également corrompu par l'argent.
Dans cette ville animée par les scandales financiers ou familiaux, nous suivons le jeune Eugène de Rastignac, étudiant en droit et locataire de la maison Vauquer, sorte de Bel-Ami, qui, par le biais des femmes, veut faire son chemin. J'ai beaucoup aimé ce personnage, finalement le seul qui restera fidèle au Père Goriot jusqu'à la fin, attachant et qui se bat contre l'injustice de ce monde.

Ce qui m'a le plus marquée dans ce merveilleux roman, c'est le décalage entre la richesse des demoiselles Goriot et leur entourage, superficiel et égoïste, et la pauvreté qui règne dans la pension Vauquer, autour de ses pensionnaires (Le Père Goriot, bien sûr, mais aussi Eugène ou encore Victorine Taillefer, abandonnée par son père). La fin est d'ailleurs désespérante au plus haut point. Seule l'ambition de Rastignac, afin de venger son ami Goriot, constitue une lueur d'espoir dans une société ravagée par la haine et le mensonge...

Ainsi, je ne peux que m'incliner devant le talent De Balzac, démontré dans ce premier roman de "La Comédie humaine", fresque inoubliable, et, bien évidemment, immense Oeuvre de la littérature française...
Magistral !

A lire !!
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L'amour paternel, l'ingratitude filiale, l'ambition juvénile et le machiavélisme viril ; autant de sujets qui font de ce roman, un livre indispensable.

Certes, le nom De Balzac peut décourager beaucoup de lecteurs d'aujourd'hui par son réalisme pointilleux. Or, Balzac n'était point un prolixe mais un perfectionniste au niveau du détail. le père Goriot ne fait pas exception à cette règle balzacienne. Son lecteur doit être patient pour passer cet obstacle premier où la description domine et s'étale sur plusieurs pages. Mais ce début est loin d'être un handicap sérieux comme dans Le bruit et la fureur par exemple. Cette description des lieux où va se produire une grande partie de l'histoire, nous permet d'imaginer ce cadre spatial avec exactitude et d'observer cette interdépendance entre l'individu et son milieu. Balzac n'hésite pas à personnifier les objets pour les rendre plus vivants et sa description plus intéressante qu'ennuyeuse. Il nous présente les personnages principaux en nous informant sur les tréfonds de leur âme et sur leurs secrets. Cette entrée est comme un premier mouvement dans une symphonie où un allegro sonore dérange un amateur de musique douce qui doit attendre le passage vers le tendre adagio ou andante. Cette présentation passée, le lecteur peut suivre, à son aise la dramatisation de cette intrigue. Et là Balzac agit en dramaturge (il n'a pas réussi dans ce domaine mais il a bien su exploiter tout cet art dans ses romans). On assiste alors à une succession de crises et de coups de théâtre. Tout s'éclaircit pour le lecteur et pour les personnages aussi, par le retour sur le passé de certains protagonistes importants et l'explication de certains faits.

Dans le Père Goriot, le personnage d'Eugène de Rastignac réapparait comme l'un des personnages centraux du roman. Encore un jeune homme ambitieux - apparemment le roman français du XIXème siècle favoriser beaucoup la jeunesse ambitieuse – qui veut réussir dans une société où les apparences sont importantes. Son destin se croise avec celui de cet humble vieillard nommé le père Goriot. Ce dernier incarne parfaitement l'amour paternel le plus dévoué et l'altruisme le plus excessif. Rastignac devait se frayer un chemin dans cette société et pour ce faire il avait deux voies : le machiavélisme diabolique de Vautrin ou le pragmatisme rusée de sa cousine la vicomtesse. Rastignac choisit le chemin le plus doux. Au fur et à mesure que le jeune homme va grimper l'échelle de la réussite (une réussite inachevée certes), le vieillard va dégringoler vers sa perte. Et entre ces deux personnages, plusieurs historiettes secondaires vont se dérouler (certaines mêmes trouveront un prolongement dans d'autres romans de la Comédie Humaine). Tout ce fourmillement de personnages divers nous brosse un tableau réaliste de ce qu'était le XIXème siècle français.
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C'est sur une couleur sépia que débute le roman du Père Goriot. En fait ce n'est pas très gentil pour le sépia, car c'est plutôt la crasse qui séjourne partout dans la triste pension de Mme Vauquer. C'est sale, ça sent mauvais : le choix d'y résider est pour la plupart des occupants une question de budget. Il en est ainsi de deux étudiants dont le fameux Eugène de Rastignac, provincial bien décidé à conquérir Paris, dut-il mettre sur la paille sa famille par sa quête incessante de fonds destinés à se faire accepter par la haute société.
Un autre personnage intriguant se fait remarquer par sa désinvolture et sa grossièreté; s'il se fait nommer Vautrin, il est clair dès le départ qu'il cache quelque chose.
Enfin le père Goriot,, ex-fabriquant de pâtes dont la fortune fond entre les mains avides de ses deux péronnelles de filles, celles-là même que Rastignac utilise pour réaliser ses ambitions.

Tout ce petit monde évolue sous la houlette de la tenancière, et les liens se mettent en place pour une intrigue mouvementée, et riche en rebondissements.
L'accès de Rastignac à la société huppée qu'il envie permet aussi à Balzac de dénoncer sans ménagement la futilité et médiocrité de ceux qui font et défont les réputations au gré de leurs humeurs.

Le père Goriot, c'est une histoire d'amour paternel aveuglant, poussé jusqu'à la folie, et sans limite, dans une totale abnégation :

« Je n'ai point froid si elles ont chaud, je ne m'ennuie jamais si elles rient. Je n'ai de chagrins que les leurs »

C'est aussi un état des lieux de la capitale sous la Restauration :

« Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n'en connaitrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez-le? Quelque soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire, quelque nombreux et intéressés que soient les explorateurs de cette mer , il s'y rencontrera toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des montres, quelque chose d'inouï, oublié par les plongeurs littéraires. »

Dans cet océan se côtoient le meilleur et le pire, et l'auteur ne prend pas parti : les travers de toutes les strates de la société sont mis à jour.

Si le plumage et le ramage ont évolué, si le décor n'est plus enseveli sous les saletés, non seulement l'air est toujours irrespirable, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons il semble quand même par bien des aspects que peu de choses ont changé dans le coeur des hommes : il est toujours difficile de se faire une place quand on n'a pas la chance d'avoir les relations nécessaires, le fossé entre plus riches et plus pauvres s'est creusé, et il y aura toujours des Vautrin pour entrainer les plusdésespérés sur le chemin du crime.

Cette lecture crée une irrésistible envie de parcourir La comédie humaine, ne serait que pour retrouver les personnages croisés, Rastignac, Vautrin, à travers les passerelles et renvois qui tissent la trame de la Comédie humaine

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Par ce superbe livre, Balzac nous donne une belle leçon. L''amour ne s'achète pas.
Le père Goriot a une bonne situation, et veut établir ses deux filles. Mais celles-ci, plus que coquettes, ont toujours besoin d'argent. Elles mènent grand train pour leurs toilettes, leur équipage et leurs sorties. Sans cesse, elles viennent imposer plus de dépenses à leur père. Pour quelques minutes de bonheur passé avec elles de temps en temps, celui-ci accepte, encore et encore, jusqu'au jour où....
.
J'ai lu le père Goriot quand j'étais jeune, et puis, il se trouve que j'ai vécu la même chose que lui. Heureusement, j'ai pris conscience de la situation plus tôt que le père Goriot, car je me suis rappelé ce roman. Merci Honoré.
"Je ne vais pas devenir un père Goriot !" Je vais arrêter de me faire avaler.
J'ai stoppé la pompe à fric. Qu'est ce qui s'est passé ? Ils ont boudé, et ne me voient plus. J'ai rampé dix ans. Heureusement, je me suis durci. Ils se débrouillent. Ils ne sont plus que dans un coin de ma tête.
Je suis heureux sans eux. Tant pis pour eux !

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Je n'ai pas lu beaucoup de livres De Balzac : quatre exactement : "Eugénie Grandet" (lu dans le cadre de mes études) que j'avais apprécié d'après mes souvenirs lointains, "la peau de chagrin" fort apprécié et "le colonel Chabert" apprécié également. Pourquoi ? Parce que, habituée très jeune à lire des classiques, j'ai voulu me pencher vers 14-15 ans dans la lecture des "illusions perdues". Déjà un peu effarée par le pavé écrit tout petit, j'ai renoncé très vite à dépasser le début du livre qui m'apparut d'emblée, d'une longueur et d'une écriture rebutantes. Mais voilà, j'étais bien trop jeune pour cette lecture.
Je viens donc de lire "Le père Goriot" et je l'ai beaucoup aimé.

L'histoire met en présence, d'une part les locataires d'une pension sordide , la "Maison-Vauquer" tenue par une femme du même nom née "de Conflans" et tout un panel de personnages de la "haute société" qui veulent tous non seulement posséder le luxe et jouir d'une prestigieuse situation sociale (sans travailler, cela va de soi).

Trois, voire cinq personnages émergent du lot :

1) le père Goriot, ancien vermicellier qui a légué au fur et à mesure tous ses revenus à ses deux filles qu'il chérit au-delà de tout allant jusqu'au dénuement extrême et même jusqu'à la mort pour celles-ci.

2) Eugène de Rastignac, jeune étudiant venu de sa province pour étudier le droit à Paris mais qui abandonne bientôt ses études pour se consacrer à se hisser dans la "haute société" par laquelle il devient obsédé.

3) Vautrin, qui s'avérera être un ancien forçat qui voit le monde avec cynisme (ou tel qu'il est vraiment ?) qui ira jusqu'au meurtre pour aider celui qu'il a pris en affection , Rastignac à faire son entrée dans le monde et jouir de la richesse.

4) Anastasie, l'aînée des filles du Père Goriot qui grâce à la dot de son père a épousé un noble : le comte de Restaud.

5) Delphine, sa cadette a quant à elle, épousé un banquier alsacien : Nucingen.

Il va se soi qu'aucune de ces deux femmes n'aiment leur mari et ont toutes deux des amants; d'ailleurs elles n'aiment pas leur père non plus et non seulement contentes de le dépouiller, le chasseront de chez elles et le laisseront mourir sans lui rendre visite ni assister ni participer à ses funérailles.

Eugène de Rastignac s'éprendra de Delphine mais aimera aussi le Père Goriot qu'il sera l'un des seul à aider, écouter jusqu'à ses funérailles alors que celui-ci est raillé et abandonné de partout et par tout le monde.

Vautrin, enfin ex-forçat, chef d'une bande de malfrats, clairvoyant, distillera son venin ( et sa lucidité ?) à son protégé "Rastignac"

D'autres personnages gravitent autour de ce petit monde pas joli du tout.
Comme dit précédemment, le but (sauf exception) de tous les protagonistes étant d'amasser fortune et de briller dans la haute société et tous les moyens (trahisons, mensonges, coquetteries, dépouillement des autres ... etc) sont bons pour y arriver.

Balzac dénonce ces travers de la société parisienne alors que lui-même a tenté au cours de sa vie de se faire reconnaître dans ce milieu lui aussi.

Ce monde est infect, immonde au-delà de toute expression et donne envie de passer à la guillotine tous ces abuseurs ridicules et d'une méchanceté innommable. le bon Père Goriot devient finalement ridicule devant le fanatisme amoureux qu'il éprouve envers ses filles et Rastignac, le plus sympathique au final car il hésite toujours entre le bien et le mal, fait le bien mais se laissera gagner par le mal.
Vautrin, sans morale ni foi ni loi, semble pourtant le plus lucide de tous même si ses actes sont répréhensibles.

L'écriture enfin, quoique joliment tournée, me semble un peu ampoulée et certains(nes) vont me lyncher, un peu désuète voire obsolète par rapport à notre époque ce qui n'est pas le cas de la plupart des auteurs classiques qu'il m'ait été donné de lire.
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Ce roman aurait pu s'appeler la maison Vauquer tant le lieu lui-même comme ses pensionnaires sont présents. C'est d'ailleurs sur sa description qu'il s'ouvre. Et si le roman est présenté comme l'histoire de l'amour paternel déçu du père Goriot, beaucoup de personnes se croisent dans ce titre et l'on retrouve la plupart dans d'autres titres de la Comédie humaine.
Ce personnage de Goriot est extrêmement attachant. Ancien vermicellier, il s'est retiré des affaires et s'est logé dans le plus bel appartement de la pension. Il a marié richement ses deux filles Delphine à un baron, Anastasie à un comte, à une époque où le mariage était la seule possibilité de réussite des femmes. Pensant recevoir l'affection de ses filles en retour, il est au contraire bientôt écarté de leurs foyers et ne les voit que lorsqu'elles sont à court d'argent. Il se dépouille petit à petit et doit bientôt changer successivement d'appartement jusqu'à une misérable mansarde. Même s'il s'est fourvoyé dans son amour inconditionnel pour ses filles qui le lui rendent si peu, cet amour maladroit, on peut même dire malsain, est pourtant à la fois compréhensible et tellement touchant. Touchante aussi sa fausse naïveté qu'il trahit parfois : « . Ah ! mon bon ami, monsieur Eugène, vous ne savez pas ce que c'est que de trouver l'or du regard changé tout à coup en plomb gris. Depuis le jour où leurs yeux n'ont plus rayonné sur moi, j'ai toujours été en hiver ici ; je n'ai plus eu que des chagrins à dévorer, et je les ai dévorés ! J'ai vécu pour être humilié, insulté. Je les aime tant, que j'avalais tous les affronts par lesquels elles me vendaient une pauvre petite jouissance honteuse. Un père se cacher pour voir ses filles ! Je leur ai donné ma vie, elles ne me donneront pas une heure aujourd'hui ! »
Autre personnage récurrent, Rastignac, dont j'avais toujours entendu parler comme d'un affreux arriviste, et c'est vrai qu'il le deviendra plus tard. Mais lorsqu'il arrive à Paris et s'installe dans la pension Vauquer, c'est encore un coeur relativement pur. Relativement car il n'hésite pas à exploiter l'amour inconditionnel que lui portent sa mère et ses deux soeurs. Il sera le seul avec le futur docteur Bianchon à s'intéresser à ce vieil homme, à le soigner, à s'indigner de son sort. Et si c'était un personnage réel, pour cela je trouverais qu'on peut beaucoup lui pardonner. Autant que le portrait d'un « Christ de la Paternité », c'est le roman d'apprentissage de Rastignac. Arrivé depuis peu à Paris, il apprend grâce à madame de Beauséant à se conduire dans le monde. Et dessillé tant par le sort du père Goriot que par les conseils de Vautrin, il finit par prendre la décision de réussir à tout prix et particulièrement par les femmes.
Autre personnage qui parcourt la Comédie humaine, Vautrin, qui apparait dans ce titre. Ancien bagnard, sachant se couler dans des personnalités différentes, il est très intelligent et cynique. Il offre son aide à Rastignac afin qu'il réussisse dans le monde. Il n'hésitera pas, pour montrer son pouvoir, à faire assassiner sous couvert de duel, un jeune homme afin que sa soeur soit enfin accueillie par son père qui la rejette depuis des années.
Que celles et ceux qui n'auraient pas lu cet ouvrage et envisageaient de le faire, ne soient découragés par cette critique. D'une part l'oeuvre est tellement connue que je ne pense pas avoir dévoilé grand-chose et d'autre part il y a beaucoup d'autres éléments dans ce merveilleux livre De Balzac. Connaissez-vous par exemple la charmante mademoiselle Michonneau ?
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Le Père Goriot est un roman que je trouve magistral dans l'oeuvre d'Honoré de Balzac. Lu il y a quelques années, le confinement actuel est l'occasion pour moi de le revisiter et de vous partager mon ressenti.
Beaucoup de choses ont été écrites sur ce magnifique texte, sauf peut-être ce que nous en ressentons intimement. En tant que père, j'en ai été ébranlé. Je l'ai lu à deux moments importants de ma vie, maintenant et au moment où ma première épouse et moi, nous nous sommes séparés. Je me souviens que ce temps était douloureux... Les enfants étaient très jeunes. Ce ne fut pas facile, il y eut des déchirements. Les questions financières s'invitèrent dans cette séparation. Mais nous sommes parvenus à trouver un arrangement au bénéfice de nos enfants. Onze ans plus tard, mon ex-épouse est devenue presque une de mes meilleures amies. Permettez-moi d'évoquer ce détail un peu personnel puisque le roman me rappelle les relations entre un père et ses enfants, observant le destin douloureux du personnage principal, le Père Goriot, touché par l'ingratitude de ses filles, je m'étais alors dit en moi-même : " pourvu que je puisse être protégé de cela"... Et c'est à la faveur de cette seconde lecture, telle la petite madeleine de Proust, que la réminiscence de cette première lecture est remontée en moi comme une vague. Alors je n'ai pas eu de mal à dater le contexte de cette première rencontre avec ce livre...
Il semble que le premier chapitre résiste aux étudiants et aux jeunes lecteurs. Pourtant, tout ici est pourtant dit, le décor est planté. Mais peut-être faut-il avoir un peu vécu pour apprécier la saveur et la justesse de ce texte.
Le personnage principal, le Père Goriot, m'a profondément ému. D'autres vont venir, incarnant l'intérêt, la cupidité, l'absence de reconnaissance, montrant peut-être que la société fonctionne selon ces codes...
C'est une fable sociale à la fois merveilleuse et effroyable. Finalement, dans ce récit au réalisme saisissant, Honoré de Balzac a le courage de décrire l'âme humaine et sociale telle qu'elle est, ses enjeux, ses doutes, ses cupidités, ses alliances. Et dans les doutes, n'y a-t-il pas des plages de bonheur et de compassion qui s'invitent ?
Le texte qui sert ce questionnement est magistral. L'humanité toute entière s'engouffre dans ces pages. L'écriture est tout bonnement sublime. L'émotion est toujours à fleur de peau.
Terriblement réaliste, d'autant plus que les autres personnages, parfois pervers, qui gravitent autour du personnage principal, le Père Goriot, me semblent hélas intemporels...
Parfois j'ai l'impression que Balzac continue de nous raconter, non pas son histoire, mais la nôtre... Belle et terrifiante à la fois...
Quel bonheur alors !
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Je n'avais jusqu'à ce jour jamais rien lu de Balzac.
Moi, l'amoureuse de la littérature, l'idolâtre de Zola, la dévoreuse de romans de nos fabuleux écrivains français du dix-neuvième siècle !
Lycéenne, j'ai étudié ou lu Zola, Flaubert, Maupassant... mais pas Balzac. Je suis passée au travers.
Mon fils, en classe de première, devant lire le père Goriot, j'ai profité de l'occasion pour pousser la porte de l'univers balzacien.
Me voilà donc dans la pension de la veuve Vauquer, à la découverte de ses occupants et de leurs histoires.
Quelle merveille ! Je suis conquise !
Moi qui aime les belles descriptions, je suis servie.
La maison tout d'abord, véritable décor de théâtre pour le drame qui va se jouer. Sordide à souhait, elle révèle le caractère de sa propriétaire et Balzac nous fait vraiment sentir l'atmosphère qui y règne.
Les pensionnaires ensuite, magnifiquement croqués. Balzac est d'une efficacité redoutable : on sait presque tout d'eux, rien qu'à travers leurs portraits.
Parmi eux, un certain monsieur Goriot, surnommé par tous le père Goriot.
Goriot, qui donne son nom au titre du roman.
Veuf et désargenté, il a connu des jours meilleurs mais se retrouve maintenant la proie des moqueries des autres habitants.
Et ceux qui ne le raillent pas ne savent que penser de lui.
Il intrigue.
Ainsi, Rastignac confie-t-il à Bianchon : "Sa vie me paraît être trop mystérieuse pour ne pas valoir la peine d'être étudiée."
Il y a donc du mystère dans ce livre.
Du suspense aussi. Habile manipulateur, Balzac tire les ficelles et sait entretenir l'intérêt du lecteur et son envie d'en savoir plus.
Qui est vraiment Goriot ? Qui est Vautrin ?
Pour le savoir, il faut lire la suite !
Car après avoir planté le décor, Balzac développe son intrigue. Et il le fait avec une grande maîtrise.
C'est passionnant à lire, de bout en bout.
Certains passages m'ont particulièrement impressionnée.
Par exemple, vers le début du deuxième chapitre se trouve une magnifique tirade de Rastignac à Vautrin dans laquelle l'expérimenté donne des conseils au jeune étudiant. En fait, c'est toute sa connaissance de la vie et sa rouerie qu'il lui offre. C'est un choix de vie qu'il lui propose : une vie honnête mais besogneuse et pauvre, ou une vie bien plus riche, mais à condition de ne pas être trop regardant sur la morale.
Drôle de choix !
Mais ce qui m'a le plus touchée, c'est le dernier chapitre. Dans un crescendo d'émotions, Balzac nous raconte la fin de Goriot. (Je ne dévoile rien, le titre de ce chapitre est "La mort du père")
On ne peut pas rester insensible à la lecture de ces lignes terriblement émouvantes.
On ne peut pas rester insensible devant l'amour de Goriot pour ses filles.
On ne peut pas rester insensible devant la monstrueuse ingratitude dont ses filles font preuve envers lui.
Balzac a écrit dans ce chapitre des pages sublimes, qui m'ont émue au plus profond de moi.
Pauvre père Goriot !
Pauvre père à la générosité si naïve et touchante, que ses filles exploitent sans vergogne jusqu'au trognon.
Balzac est terriblement cruel quand il dépeint la façon dont ces égoïstes le plument :
"Ce père avait tout donné. Il avait donné, pendant vingt ans, ses entrailles, son amour; il avait donné sa fortune en un jour. Le citron bien pressé, ses filles ont laissé le zeste au coin des rues."
Cruel, n'est-ce pas ?
Mais réaliste.
Terriblement réaliste. Car, qui ne connaît pas de père Goriot autour de soi ?
Des pères Goriot, il en existe plein, car des filles Goriot, il en existe malheureusement beaucoup.
Balzac ne fait que raconter ce à quoi il a dû assister. Il ne fait que raconter ce qui existe encore aujourd'hui.
Il dénonce des comportements pas jolis jolis, et il le fait d'une façon magistrale.
Je ressors tout éblouie de cette lecture.
Le père Goriot, c'est le roman de la générosité sublime contre l'ingratitude la plus extrême.
C'est le roman de l'amour paternel aveugle contre l'égoïsme absolu.
C'est merveilleusement bien écrit, c'est un régal !
Je découvre en Balzac un fin psychologue, un génie du tempo, un maître de la description.
Un écrivain exceptionnel.
Je suis conquise par ce roman et tellement heureuse de voir toutes les nouvelles possibilités de lectures qui s'offrent à moi.
Quel bonheur !
Je ne compte pas en rester là avec Balzac et me permets de reprendre à mon compte les célèbres mots que Rastignac prononce en fin d'ouvrage : "À nous deux maintenant !"
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