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Patrick Berthier (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253193159
94 pages
Le Livre de Poche (27/08/2003)
3.39/5   64 notes
Résumé :
Sur le point de mourir, Bartholoméo Belvidéro demande à son fils don Juan de le ressusciter en lui appliquant sur le corps, dès qu'il aura rendu le dernier soupir, l'eau contenue dans un petit flacon de cristal. Mais plutôt que de sauver son père, don Juan ne pourrait-il pas se réserver à lui-même le précieux élixir ? C'est un dilemme comparable que met en scène El Verdugo - Le Bourreau - pendant la guerre que le Premier Empire livre à l'Espagne : le jeune Juanito a... >Voir plus
Que lire après L'élixir de longue vie (précédé de) El verdugoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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Ce petit livre est constitué de deux nouvelles : El Verdugo puis L'Élixir de Longue Vie, dans cet ordre.

El Verdugo, (littéralement, le bourreau) est une très courte nouvelle ayant pour cadre l'occupation de l'Espagne par la Grande Armée de Napoléon en 1809. Personnellement, je m'interroge sur le classement qu'effectua Balzac de cette nouvelle dans les " études philosophiques " alors qu'elle semble plus naturellement trouver sa place dans les " scènes de la vie militaire ".

Bien évidemment, le " dilemme à perdre la tête " dont je dirai deux mots plus loin est une vraie question, mais je n'irai peut-être pas jusqu'à la qualifier d'étude philosophique.

L'histoire, très succinctement, est celle d'un jeune officier français, Victor Marchand, en place dans la ville fictive de Menda (probablement Santander dans la réalité), dont la mission est d'occuper la place et de surveiller la population pour prévenir toute velléité de rébellion.

Ses yeux s'attardent sur une belle espagnole, Clara de Léganès, fille de la famille aristocratique la plus en vue de la ville. Jusqu'au moment où, PAF !, gros problème, des bateaux anglais arrivent et semblent vouloir amorcer un débarquement.

Il ne manquait que ce signal pour donner le signal à une offensive des espagnols contre l'occupant français. Tous les soldats sous les ordres de Marchand sont tués. Lui seul en réchappe car la belle Clara l'avertit in extremis. La vengeance de l'armée française sera terrible, à n'en pas douter.

Le général ordonne, pour sauver la ville, que cette riche famille, passablement mouillée dans la tentative de rébellion, se sacrifie et qu'elle désigne elle-même l'un des membres devant survivre. Lequel survivant devra trancher de ses mains la tête de tous les autres membres de sa propre famille. Je ne vous en dis pas plus.

Je regrette seulement que Balzac n'ait pas exploité davantage cette trame qui avait tout pour être un drame à la hauteur du peintre Goya qui immortalisa des scènes de cet épisode sanglant de la guérilla contre les envahisseurs français.

J'ai cru y lire une forte source d'inspiration pour la magnifique et terrifiante pièce d'Emmanuel Roblès, Montserrat. Cependant, en l'état, cette petite nouvelle n'est guère qu'un amuse-bouche et demeure loin des meilleures performances d'Honoré de Balzac, même en qualité de nouvelliste.

Ensuite, on découvre L'Élixir de Longue Vie, une nouvelle où Honoré de Balzac revisite le mythe de Dom Juan. Il prend le parti de nous conter comment don Juan Belvidéro est devenu Dom Juan en trucidant son propre père et en adoptant un mode de vie résolument axé sur le cynisme et les jouissances de tous ordres. Il y glisse une note de fantastique et de surnaturel pas désagréable du tout.

Cette nouvelle, quant à elle, s'inscrit pleinement dans le cadre des études philosophiques de la Comédie Humaine car l'auteur nous y pose des questions métaphysiques qui peuvent être dignes d'intérêt :

Quels rapports doivent cultiver les pères avec leurs fils ? Que feriez-vous d'une certaine forme d'omniscience sur toutes les roueries et les fonctionnements du monde ? Que feriez-vous de votre vie si vous aviez la certitude d'en posséder plusieurs ? Quel jeu jouez-vous dans la vaste plaisanterie qu'est la vie, la vôtre et celle des autres ? Quels rapports entretiennent la Vertu avec le Vice ?

Donc, selon moi, un petit livre honnête, sans être exceptionnel. Mais, bien sûr, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.
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Sûrement les deux nouvellesDe Balzac que j'ai le plus appréciées jusqu'à présent.

El Verdugo est une merveille de cruauté. En 1809, après la rébellion ratée d'une ville espagnole au nom imaginaire (mais qui pourrait être Santander), le général de l'armée napoléonienne décide de faire un exemple : les nobles de la ville seront pendus, et toute la famille du Grand d'Espagne possédant le château sera décapitée… par l'ainé de la famille. Balzac décrit à la perfection l'incroyable courage des membres de la famille face à la mort, et la brutalité des Français dont l'état-major continue à rire et manger pendant l'exécution. Les forces d'occupation sont conformes au modèle courant des conquérants, ressemblant aux Allemands de la seconde guerre mondiale ou à l'Empire de Star Wars (ou aux Espagnols eux-mêmes en terre américaines) : sans pitié, jouant de la terreur et jouissant de la violence sur les populations. Un seul Français, amoureux pathétique de l'ainée de la famille espagnole, montre des émotions que je qualifierais d'humaines (bien qu'elles le soient toutes). Une goutte dans l'océan.

L'élixir de longue vie est très différent. La nouvelle propose une biographie alternative, et quelque peu fantastique, de Don Juan. L'homme est en fait un noble du duché de Ferrare, en Italie, au XVIe siècle. Son père, sur son lit de mort, lui demande d'oindre son corps d'une eau miraculeuse quand celui-ci ne sera plus vivant. Mais Juanito est malin : il expérimente sur un oeil et, au vu du résultat, garde la fiole pour lui, quand son temps sera venu. Il entame alors sa vie de séducteur patenté et d'opposant à tout ce qui fait la morale de son temps (voire de tous les temps). Cette nouvelle est une dénonciation sans nuances des êtres humains qui, sous des dehors honnêtes et généreux, cachent des sentiments égoïstes ou libertins. Les exemples des papes Alexandre VI et Jules II, croisés par Don Juan, ou des fils qui espèrent la mort de leurs pères pour hériter, sont éclairant. Face à ce comportement, Don Juan dit « soit » et décide de battre les hommes à leur propre jeu.
Je ne parlerai pas de la fin « miraculeuse », alors qu'il faut bien utiliser la fiole. La scène est assez horrible. Mais s'agit-il d'une punition ou de la dernière action d'éclat de Don Juan ?

Je regrette seulement la part conséquente prise par les notes de bas de page, qui parfois remplissent la moitié de ladite page.
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Je précise ici que je ne présente que "El Verdugo", lisant les oeuvres De Balzac, y compris les nouvelles, dans l'ordre chronologique.

J'ai apprécié cette courte nouvelle, qui m'a replongée dans le contexte historique des guerres napoléoniennes, cette fois en Espagne.

Le jeune officier Victor Marchand est chargé de surveiller le château et la ville de Menda, car les autorités de l'Armée française soupçonnent une trahison du marquis de Leganes, Grand d'Espagne, avec le risque d'un soulèvement et d'un débarquement de la flotte anglaise. Or, voici qu'en même temps que retentissent les accords du bal donné au château, des feux suspects se montrent en contrebas, attirant l'attention de Victor... En peu de temps se noue l'action, et Victor, sauvé par la belle Clara, fille du Marquis, n'a que le temps de se rendre à l'état-major, pour permettre de dompter la révolte, puis de punir les traîtres, au château même, avec la cruauté de mise en ces temps de guerre.

Cette nouvelle brève et stylisée présente peu de surprises : l'intrigue offre une situation tragique, un noeud formé par l'infâme proposition du Général : la famille de Leganes devra être exécutée, mais un des fils du marquis aura la vie sauve (pour perpétuer le sang de ce Grand de la noblesse d'Espagne), s'il accepte d'endosser la fonction du bourreau ("el verdugo" en espagnol). Est-il possible d'accepter une telle offre ? Quoi qu'il en soit, les membres de la famille montreront le plus grand courage, et une noblesse de conduite qui ne font pas honneur au commandement français. Il est dommage du reste que Victor, témoin privilégié cherchant à intercéder pour la famille du marquis auprès du Général, passe trop vite au second plan dès la seconde moitié de la nouvelle. La toute fin du récit se détache un peu trop du corps de l'action, en un épilogue un peu convenu.

Outre le contexte historique bien tracé (faits remontant à 15 ans environ au moment où Balzac écrit) - j'ai trouvé dans cette nouvelle des ressemblances avec les embûches des Chouans à Fougères ; la situation en elle-même est riche de possibilités dramatiques, et permet d'exacerber les choix des personnages, leur esprit de sacrifice, jusqu'aux jeunes filles et au plus jeune frère, Manuel. On peut trouver un peu surfaite et cliché l'image du fier Espagnol, indomptable et fougueux, aussi sombre et flamboyant que le feu de sa prunelle est noire... La nouvelle se lit facilement, et si elle ne me laisse pas un souvenir impérissable, j'en aurai toutefois apprécié l'ambiance et la peinture outrée et sombre, à la Goya, dans ses toiles du "Dos et Tres de Mayo".
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Nouvelle courte d'Honoré de Balzac, construite sur une boucle parfaite. le contexte est l'Espagne envahie par les troupes napoléoniennes.
Le pitch : un jeune officier français, Victor Marchand, est tiraillé entre sa fidélité pour l'Empereur et son amour pour une jeune noble espagnole. Est-ce de la trahison ? Lui le pense. Clara, l'objet de son amour ne voit pas les choses du même oeil. Ses frères Juanito l'aîné, Philippe le second et Manuel le petit dernier, ne voient dans Victor Marchand qu'un envahisseur qu'il faut exterminer..

A Menda, petite ville au bord de l'Atlantique, le marquis de Leganès, a reçu du roi d'Espagne la charge de bourreau, le verdugo en Espagnol.
Le commandant Victor Marchand y est cantonné : « Le clocher (…) venait de sonner minuit. »
Il fume, surveille l'horizon, la tête ailleurs, l'état major craignait que «  (…) les Anglais ne débarquassent prochainement sur la côte. »
Lui ne pense qu'à la fille du marquis : « Clara était belle ». Dans le château un bal se déroule. Certainement destiné à détourner l'attention pense le lecteur avisé.
Ce qui devait arriver arriva :
« Les instruments et les rires cessaient de se faire entendre dans la salle du bal. »
« Les rayons blanchissants de la lune lui permirent de distinguer des voiles à une assez grande distance. Il tressaillit, et tâcha de se convaincre que cette vision était un piège d'optique offert par les fantaisies des ondes et de la lune. »
Un soldat vient le prévenir :
« Aussi, mon commandant, ai-je découvert à trois pas d'ici, sur un quartier de roche, un certain amas de fagots. »
« Il était sans épée. Il comprenait que ses soldats avaient péri et que les Anglais allaient débarquer. Il se vit déshonoré s'il vivait, il se vit traduit devant un conseil de guerre ; alors il mesura des yeux la profondeur de la vallée, et s'y élançait au moment où la main de Clara saisit la sienne.
– Fuyez ! dit-elle, mes frères me suivent pour vous tuer. Au bas du rocher, par là, vous trouverez l'andalou de Juanito. Allez ! »

Victor Marchand a commis l'irréparable. Il a été épargné par la fille des traitres. On soupçonne le marquis de vouloir fomenter un coup d'état en faveur d'Alphonse VII.
Le jeune français se précipite au « quartier du général G..t..r, qu'il trouva dînant avec son état-major.
– Je vous apporte ma tête ! s'écria le chef de bataillon en apparaissant pâle et défait. »
Le général rassure Marchand sur le sort qui lui sera réservé, mais le charge d'une mission horrible :
« Les membres de la famille de Leganès et les domestiques furent soigneusement gardés à vue, garrottés, et enfermés dans la salle où le bal avait eu lieu. »
Il doit obtenir les aveux des Leganès, mais il est faible devant eux. Il se fait leur porte parole :
« Ils demandent encore qu'on leur accorde les secours de la religion, et qu'on les délivre de leurs liens ; ils promettent de ne pas chercher à fuir. »
« Clara prisonnière sur sa chaise. Elle sourit tristement. L'officier ne put s'empêcher d'effleurer les bras de la jeune fille, en admirant sa chevelure noire, sa taille souple. C'était une véritable Espagnole : elle avait le teint espagnol, les yeux espagnols, de longs cils recourbés, et une prunelle plus noire que ne l'est l'aile d'un corbeau.
– Avez-vous réussi ? dit-elle en lui adressant un de ces sourires funèbres où il y a encore de la jeune fille. »
Hélas la médiation de Victor ne peut aboutir. La sentence est sans appel et la plus cruelle qui soit, celui qui a la charge de bourreau devra l'exécuter, Juanito, le fils aîné du marquis.
« Clara vint s'asseoir sur ses genoux, et, d'un air gai :
– Mon cher Juanito, dit-elle en lui passant le bras autour du cou et l'embrassant sur les paupières ; si tu savais combien, donnée par toi, la mort me sera douce. Je n'aurai pas à subir l'odieux contact des mains d'un bourreau. »
« Une heure après, cent des plus notables habitants de Menda vinrent sur la terrasse pour être, suivant les ordres du général, témoins de l'exécution de la famille Leganès. »
Qu'adviendra-t-il de la belle Clara ? Victor parviendra-t-il à lui éviter la mort ?
Pour le découvrir, lisez El Verdugo, une nouvelle où Balzac s'essaie au récit court, avec bonheur.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Critique sur L'élixir de longue vie seul :

J'ai dévoré cette nouvelle brillantissime, mais il est vrai que j'ai toujours été intéressée par la figure de Don Juan, notamment le personnage de Molière, auquel Balzac se réfère.

Dans une construction inversée des plus machiavéliques, Balzac fait de don Juan le jeune et séduisant fils d'un vieillard qui tarde à mourir, et qui, lorsque le moment vient, se méprend sur le sentiment de son fils et lui demande de le ressusciter avec l'élixir magique qu'il a conservé toute sa vie. Il a été un père aimant, indulgent, mais le résultat de son éducation est que le jeune Juan est égoïste, viveur, et surtout peu tenté de voir son père prolonger son existence...

Ensuite, eh bien, c'est la vie du don Juan "grand seigneur méchant homme" connu de tous que nous dépeint avec talent Balzac, vu surtout à travers son esprit libertin et son irréligion. Don Juan épouse dona Elvire, jeune Andalouse pleine de vertu, ils ont un fils nommé Philippe, et lorsqu'il arrive à la fin de sa vie, don Juan a tout prévu pour revivre, mais les choses se dérouleront autrement.

Il y a en germe dans cette nouvelle plusieurs thèmes balzaciens, comme la figure du père aimant ainsi que celle du Père Goriot, et la malédiction de l'immortalité que nous retrouverons dans La Peau de chagrin. le sujet de don Juan donne à Balzac l'ampleur d'une cathédrale dans le volume d'une alcôve. L'écriture est éblouissante, ainsi cette scène de la triste mort du père de don Juan, ou encore la cérémonie finale de sanctification après le "miracle". Comme toutes les études philosophiques, la réflexion spirituelle ne manque pas, mais Balzac est également féroce dans l'observation des moeurs humaines, ici vers 1506 à la cour de Ferrare, cour raffinée mais cruelle et dissipée.

Je mettrais un seul bémol : celui de déployer un talent fou dans des moments étirés, les scènes dont j'ai parlé, mais de passer vite sur des aspects constitutifs du mythe, notamment ses relations avec les femmes. Il est vrai qu'une nouvelle ne permet guère de développer tout ce qu'on aimerait, et qu'il est contraint de styliser le récit, cela n'empêche donc pas un coup de coeur.
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Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
- Hélas ! répondit Victor, je demande de tristes grâces. Le marquis, en voyant planter les potences, a espéré que vous changeriez ce genre de supplice pour sa famille, et vous supplie de faire décapiter les nobles.
- Soit ! dit le général.
- Ils demandent encore qu’on leur accorde les secours de la religion, et qu’on les délivre de leurs liens ; ils promettent de ne pas chercher à fuir.
- J’y consens, dit le général ; mais vous m’en répondez.
- Le vieillard vous offre encore toute sa fortune si vous voulez pardonner à son jeune fils.
- Vraiment ! répondit le chef. Ses biens appartiennent déjà au roi Joseph. Il s’arrêta. Une pensée de mépris rida son front, et il ajouta : - Je vais surpasser leur désir. Je devine l’importance de la dernière demande. Eh bien, qu’il achète l’éternité de son nom, mais que l’Espagne se souvienne à jamais de sa trahison et de son supplice ! Je laisse sa fortune et la vie à celui de ses fils qui remplira l’office de bourreau.
[...]
- Avez-vous réussi ? dit-elle en lui adressant un de ces sourires funèbres où il y a encore de la jeune fille.
Victor ne put s’empêcher de gémir. Il regarda tour à tour les trois frères et Clara. L’un, et c’était l’aîné, avait trente ans. Petit, assez mal fait, l’air fier et dédaigneux, il ne manquait pas d’une certaine noblesse dans les manières, et ne paraissait pas étranger à cette délicatesse de sentiment qui rendit autrefois la galanterie espagnole si célèbre. Il se nommait Juanito. Le second, Philippe, était âgé de vingt ans environ. Il ressemblait à Clara. Le dernier avait huit ans. Un peintre aurait trouvé dans les traits de Manuel un peu de cette constance romaine que David a prêtée aux enfants dans ses pages républicaines. Le vieux marquis avait une tête couverte de cheveux blancs qui semblait échappée d’un tableau de Murillo. A cet aspect, le jeune officier hocha la tête, en désespérant de voir accepter par un de ces quatre personnages le marché du général ; néanmoins il osa le confier à Clara. L’Espagnole frissonna d’abord, mais elle reprit tout à coup un air calme et alla s’agenouiller devant son père.
- Oh ! lui dit-elle, faites jurer à Juanito qu’il obéira fidèlement aux ordres que vous lui donnerez, et nous serons contents.
La marquise tressaillit d’espérance ; mais quand, se penchant vers son mari, elle eut entendu l’horrible confidence de Clara, cette mère s’évanouit. Juanito comprit tout, il bondit comme un lion en cage. Victor prit sur lui de renvoyer les soldats, après avoir obtenu du marquis l’assurance d’une soumission parfaite. Les domestiques furent emmenés et livrés au bourreau, qui les pendit. Quand la famille n’eut plus que Victor pour surveillant, le vieux père se leva.
- Juanito ! dit-il.
Juanito ne répondit que par une inclinaison de tête qui équivalait à un refus, retomba sur sa chaise et regarda ses parents d’un œil sec et terrible. Clara vint s’asseoir sur ses genoux, et, d’un air gai : - Mon cher Juanito, dit-elle en lui passant le bras autour du cou et l’embrassant sur les paupières, si tu savais combien, donnée par toi, la mort me sera douce. Je n’aurai pas à subir l’odieux contact des mains d’un bourreau. Tu me guériras des maux qui m’attendaient, et… mon bon Juanito, tu ne me voulais voir à personne, eh bien…
Ses yeux veloutés jetèrent un regard de feu sur Victor, comme pour réveiller dans le cœur de Juanito son horreur des Français.
- Aie du courage, lui dit son frère Philippe, autrement notre race presque royale est éteinte.
Tout à coup Clara se leva, le groupe qui s’était formé autour de Juanito se sépara, et cet enfant, rebelle à bon droit, vit devant lui, debout, son vieux père, qui d’un ton solennel s’écria : - Juanito, je te l’ordonne.
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En examinant les hommes, il devina souvent que le courage était de la témérité ; la prudence, une poltronnerie ; la générosité, finesse ; la justice, un crime ; la délicatesse, une niaiserie ; la probité, une organisation : et, par une singulière fatalité, il s'aperçut que les gens vraiment probes, délicats, justes, généreux, prudents et courageux, n'obtenaient aucune considération parmi les hommes.
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— Quand l'Empereur saura cela !... s'écria-t-il.
— Il voudra vous faire fusiller... dit le général ; mais nous verrons. Enfin, ne parlons plus de ceci, ajouta-t-il d'un ton sévère, que pour en tirer une vengeance qui imprime une terreur salutaire à ce pays de traîtrise.
("El Verdugo")
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Voilà comment nous sommes souvent trompés dans nos adorations. L'homme supérieur se moque de ceux qui le complimentent, et complimente quelquefois ceux dont il se moque au fond du cœur.
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Une heure après, cent des plus notables habitants de Menda vinrent sur la terrasse pour être, suivant les ordres du général, témoins de l’exécution de la famille Léganès. Un détachement de soldats fut placé pour contenir les Espagnols, que l’on rangea sous les potences auxquelles les domestiques du marquis avaient été pendus. Les têtes de ces bourgeois touchaient presque les pieds de ces martyrs. À trente pas d’eux, s’élevait un billot et brillait un cimeterre. Le bourreau était là en cas de refus de la part de Juanito. Bientôt les Espagnols entendirent, au milieu du plus profond silence, les pas de plusieurs personnes, le son mesuré de la marche d’un piquet de soldats et le léger retentissement de leurs fusils. Ces différents bruits étaient mêlés aux accents joyeux du festin des officiers comme naguère les danses d’un bal avaient déguisé les apprêts de la sanglante trahison. Tous les regards se tournèrent vers le château, et l’on vit la noble famille qui s’avançait avec une incroyable assurance. Tous les fronts étaient calmes et sereins.
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Vidéo de Honoré de Balzac
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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