AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastasia-B


Pierre Grassou, c'est l'un de ces portraits-nouvelles auxquels Honoré de Balzac nous a si souvent habitués. Ce portrait, même s'il s'appuie vraisemblablement sur une personne concrète, est bien plus la peinture d'un type que de quelqu'un en particulier. Il est d'ailleurs grandement question de peinture dans cette nouvelle-ci.

Qu'a cherché à nous dire Balzac au travers de Pierre Grassou ? Encore une fois, une parcelle du fonctionnement social ou sociétal dans lequel nous nous inscrivons encore de nos jours et qui concerne certes la peinture, mais encore bien davantage : littérature, musique et, je pense, à peu près tout le monde des arts au sens large.

Qu'en est-il ? Pierre Grassou est un provincial d'origine modeste et qui est venu tenter sa chance à Paris. Il s'échine et ne ménage pas sa peine auprès de très grands maîtres qui, tous, lui signifient poliment mais fermement qu'il n'a aucun talent et qu'il ferait mieux de quitter ce milieu. Ils le trouvent tous bon camarade mais en qualité d'artiste, zéro.

Alors Pierre Grassou gratte, gratte, gratte, s'efforce, s'efforce, s'efforce. Il rampe centimètre par centimètre pour tâcher d'atteindre les sommets. Mais il reste, au mieux, un copiste honnête, qui refait en très ordinaire des compositions qui ont révolutionné l'art en leur temps.

Toutefois, parmi les gens du gratin mondain qui n'y connaissent pas grand-chose en art, il arrive que certaines oeuvres de Grassou puissent, sur un malentendu, satisfaire l'oeil de l'une ou l'autre grosse légume, au rang desquels on comptera le roi Charles X.

La cour des lèche-savates fait donc grand éloge du tableau de Grassou et, dans la minute, on lui en commande à la pelle, de la même veine. Grassou exploite honnêtement le filon et devient vite un artiste dans le vent, une sommité de pacotille, multi-décoré, qui siège aux académies compétentes...

Je vous laisse évidemment découvrir le sel narratif de cette nouvelle et le rôle d'entremetteur que jouera le roublard marchand d'art juif Élias Magus. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que rien, absolument rien n'a changé à l'heure actuelle. Toutes les assemblées dites " d'experts " ou " d'artistes " sont pour la plupart un ramassis d'auteurs ou d'interprètes de deuxième voire troisième zone qui, par les vicissitudes de la vie, se sont fait un nom à un moment donné et qui capitalisent dessus jusqu'au restant de leurs jours.

Il suffit de regarder les jolies têtes de veaux d'Éric-Emmanuel Schmitt, Didier Decoin et consort pour se faire une opinion de l'académie Goncourt, et je n'ose même pas vous parler de la réception récente du grand, de l'illustre, du génialissime Marc Lambron à l'abracadémie française. Comme Lambron y est, Grassou y est. (Excusez une nouvelle fois ma fâcheuse tendance matinale au calembour de bas aloi ; on ne se refait pas.)

Là, là vraiment, on se dit qu'il avait tout de même un sacré oeil d'observateur notre petit Honoré chéri. On pourrait évidemment élargir ceci aux victoires de la musique et autres singeries du même genre dans d'autres domaines spécifiques des arts. En somme, le fossé qui existe entre le génie des artistes et leur reconnaissance publique et/ou académique.

Vaste sujet qui nous emmènerait loin et sur lequel je ne souhaite pas m'élancer plus avant. Une nouvelle donc, très clairvoyante, de loin pas celle que je préfère De Balzac qui a su faire beaucoup, beaucoup mieux, mais un Balzac même de second choix reste plus intéressant que ceux écris par la ribambelle de tiers couteaux sus-mentionnée. Au demeurant, souvenez-vous que ce que j'exprime ici n'est que mon grassouillet d'avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          730



Ont apprécié cette critique (60)voir plus




{* *}