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Michèle Albaret-Maatsch (Traducteur)
EAN : 9782221105528
252 pages
Robert Laffont (22/03/2007)
3.5/5   110 notes
Résumé :
« Anna est morte avant l'aube. À dire vrai, je n'étais pas là quand c'est arrivé. J'étais allé sur le perron de la clinique respirer à fond l'air noir et lustré du matin. Et pendant ce moment si calme, si lugubre, j'ai repensé à un autre moment, des années auparavant, dans l'eau, ce fameux été à Ballymoins. J'étais allé nager tout seul, je ne sais pas pourquoi, ni où Chloé et Myles étaient passés ; sans doute étaient-ils partis quelque part avec leurs parents, ce de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
3,5

sur 110 notes
Mélancolique, Max retourne vers son passé. Il revoit les courbes de Grace, son premier fantasme, comme d'autres trouvent la paix dans les élans de la mer.

Le vent fouette le visage de cet homme, caban noir col remonté jusqu'aux oreilles, le regard absent, il fixe l'au-delà, derrière les vagues. Ces vagues qui se projettent en avant, des rouleaux compresseurs qui déchirent le sable. Les nuages s'amoncellent à l'horizon, affichant une barrière infranchissable. Derrière lui, les falaises de granite s'élèvent vers les cieux et les Dieux. le bruit se fait assourdissant entre la mer sauvage qui fulmine de sa vapeur et de sa rage, entre les cailloux qui glissent de la falaise pour s'éventrer une centaine de mètres plus bas se fracassant contre la paroi comme les corps plongeant des suicidés. L'homme porte toujours le regard au loin. Un regard fixe qui contemple autant sa vie que sa dérive.

Mélancolique, on peut le dire. Il revoit son passé, premier amour et ses vacances, au bord de ces falaises irlandaises. Sa femme vient de mourir, il a besoin de se replonger dans les souvenirs, seuls instants qui le tiennent encore hors de l'eau. Jusqu'à quand ? Alors la mélancolie, cela le connait, la tristesse aussi. Cette histoire est triste à l'image de sa vie. Putain de vie. Il se sert une bouteille de whisky, un rouge gorge par exemple, au coin de la cheminée, les volets clos signes que sa vie est derrière lui, maintenant.

Mélancolique, le silence plongé dans son regard, le regard plongé dans la mer, les noyés plongés dans la mer. Il aime ce silence, un silence imperturbable de ses pensées face à l'immensité de la mer, l'infini de l'horizon, ce ciel lourd qui se mêle au bleu foncé de la mer. Les vagues se déchiquettent contre lui, mais son silence reste constant, ligne de conduite, ligne de fuite. Sa vie n'a été que silence face à l'adversité de sa vie. Il garde en lui cette rage qui le compose depuis des années. La perte de sa femme ne fait qu'accentuer son mal-être, se demandant pourquoi elle et pourquoi pas lui. Il voudrait prendre sa place, en silence. S'enfoncer dans la mer, nager le plus loin possible, s'enfoncer dans la nuit, dans l'eau, froide et noire.

Les vagues affluent, elles déchirent la côte, elles assomment les âmes. Face à elles, sa vie plonge dans un silence lourd dont il ne peut plus s'échapper. En regardant la mer, en écoutant son silence, il a senti que sa vie était derrière lui. Il n'attend plus rien. Il n'est plus homme. Juste un type reclus dans son silence avec sa flasque de whisky dans sa poche. Il garde en lui ses souvenirs, ses instants heureux, ses silences pour une autre vie. Son passé, c'est maintenant sa vie, celui qui le fera vivre encore un peu, pendant qu'il marche le long des falaises, face au soleil couchant, avec toujours cette pointe d'envie de rejoindre à la nage l'astre qui illumina son coeur.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Un décès comme un électrochoc, l'occasion de faire le point et de se rappeler...
Max vient de perdre sa femme Anna, morte des suites d'un cancer. Il en profite pour retourner dans la station balnéaire de son enfance en compagnie de sa fille Claire. Les souvenirs surgissent de sa mémoire, ceux d'un autre drame...
Paradoxalement ses souvenirs à lui concernent plus les vacances qu'il passait avec ses parents dans un bungalow rustique dans cette petite ville côtière et moins les moments heureux aux côtés de sa femme (y en a-t-il eu, on se le demande).
« La mer » ne se raconte pas, on suit les pensées du narrateur. C'est comme un recueil de sensations, de sentiments, d'impressions.
L'auteur nous enchante par son vocabulaire étoffé, son lyrisme et les descriptions oniriques des paysages et de ses personnages. Son écriture est élaborée. On est porté comme dans un songe, écartelé entre les souvenirs d'enfance et les derniers mois de l'épouse du narrateur jusqu'au dénouement où la tragédie nous est révélée.
Une belle lecture et une curiosité éditoriale.
Traduction de Michèle Albaret-Maatsch.
Editions Robert Laffont, Pavillons Poche, 272 pages.
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Je me réjouissais de lire un autre Banville après avoir apprécié Infinis et je n'ai pas été déçu. Bien sûr, cet auteur ne dévoile aucun mystère nébuleux, ne déroule aucune enquête haletante, pas plus qu'il n'imagine de péripéties palpitantes ou vaudevillesques. Il s'attache à saisir des scènes, des sensations, des moments furtifs remontés à la mémoire qu'il prolonge somptueusement en croquant gestes, expressions, non-dits, frissons même, avec un crayon précis, tendre ou cruel et toujours intelligent. Je le vois comme un peintre ou un photographe enrichi de toute la gamme des évocations que permet l'écrit. Ce n'est sans doute pas un hasard si la peinture (avec Bonnard) et la photographie pointent leur nez dans ce roman.

La puissance de la mémoire est la ligne de force de cette histoire. Les souvenirs vont et viennent comme le ressac de la mer et submergent le lecteur d'un bain trouble et exaltant, doux et chargé d'écume amère. L'impression générale faite de dunes et de vent, de douleurs sourdes et de pulsions en herbe, m'a tant pénétré que j'en garderai sans doute un souvenir inoubliable. Mon séjour sur la côte de la Mer du Nord durant la lecture contribue certainement à renforcer ce sentiment. Et la proximité d'âge que je dois avoir avec cet homme écrivant les effluves de sa mémoire le rend naturellement attachant à mes yeux... Je suis assez déçu des critiques molles que j'ai trouvées sur les sites de lecteurs, car je comprends mal qu'on puisse passer à côté de cette perle.

Le récit tient en peu de choses, mais les sublime toutes: un homme au soir de sa vie revient sur des événements de vacances à la mer pendant sa jeunesse. Son épouse vient de mourir d'un cancer (...l'imprévu suprême lui avait fondu dessus) et désemparé, il retourne sur le lieu de vacances de son adolescence, de ses premiers émois sensuels, là où il a vécu un autre drame révélé tout à la fin du roman au terme d'une progression adroite de la tension. Ce n'est pas un livre triste du tout: il est poignant et m'a parfois serré la gorge, c'est vrai, mais ce texte apporte autre chose d'enveloppant et d'indicible, qui n'est pas de désespoir ni de mélancolie. N'est-ce pas simplement cela l'art, la beauté de l'art ?
La Mer, en définitive: une aquarelle où se côtoient l'initiation et la mort, mouillé sur mouillé.

Je ne suis pas très compétent pour juger de la traduction et je peux me tromper, mais je tiens à noter que j'avais senti une écriture (encore) plus raffinée avec la traduction d'Infinis par Pierre Emmanuel Dauzat qu'avec celle-ci d'Albaret-Maatsch, qui soit dit en passant a pratiquement traduit tout ce qui existe de Banville en français et n'a de compte à rendre à personne. Il se peut aussi que Banville ait écrit La Mer d'un trait plus spontané, avec toujours, et pour mon grand plaisir, ces changements de rythme, alternant phrases courtes et longues dans un rythme élégant.

Un bref extrait: Puis, soudainement, non, pas soudainement, mais dans une sorte de houle impérieuse, toute la mer s'est soulevée, ce n'était pas une vague, mais un rouleau paisible qui avait surgi des grandes profondeurs, à croire qu'un énorme quelque chose avait bougé là en-dessous, et j'ai été soulevé et emporté un peu plus loin vers le rivage, puis reposé sur mes pieds comme auparavant, comme s'il ne s'était rien passé. Et en effet il ne s'était rien passé, juste un formidable rien, juste un haussement d'épaules indifférent du vaste monde.
Si vous le pouvez un jour, retrouvez ce passage à la fin du livre et constatez que situé dans son contexte, il prend une dimension supérieure. Comprenez-en toute la portée ontologique et John Banville aura peut-être gagné un lecteur, une lectrice.

Le livre a connu un gros succès outre-manche et il a été largement traduit. Booker prize 2005.

En poche 10/18, 247 pages, traduction de Michèle Albaret-Maatsch

Lien : http://marque-pages.over-blo..
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Pour comprendre pourquoi Max, veuf depuis peu, éprouve le besoin impérieux de retourner sur le lieu de ses vacances d'enfance, il faut lire le roman jusqu'au bout. C'est là, dans les dernières pages, qu'il prend toute sa splendeur, un peu comme le soleil après l'orage.
Mais la mer, dans ce roman, est angoissante dès le début: "gonflée comme une ampoule", s'aventurant là où elle n'arrive jamais, d'un bleu intense sous un ciel laiteux. Et quand le tout jeune Max et les deux amis qu'il a rencontrés, Chloé et Myles, passent leurs journées près des vagues, on ne peut s'empêcher de ressentir un malaise. Chloé et Myles: frère et soeur jumeaux, lui muet, elle un peu sournoise, passant leurs vacances dans la villa des Cèdres que Max connaît bien, en tant que vacancier plus pauvre séjournant dans l'un des bungalows un peu plus loin. Max est tout de suite attiré par la famille Grace et très vite entre dans l'intimité de la famille.
Ces souvenirs de vacances, qui remontent à la surface lors de son séjour dans la villa plus de cinquante ans plus tard, font écho à la dernière année d'Anna, sa femme, atteinte d'un cancer incurable. Et ce séjour est peut-être le moyen pour lui de surmonter son chagrin, replongeant dans ce lointain été qui marque le début de ses émois amoureux et sexuels.
Tout au long du roman, le ton détaché voire un peu cru du narrateur provoque un certain trouble dérangeant, auquel se mêle les réminiscences mélancoliques de la maladie d'Anna.
Ce que j'ai préféré, finalement, est cette fascinante présence de la mer, immense et silencieuse.
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Max est veuf depuis peu. Il revient aux Cèdres, un endroit au bord de la mer où il a passé ses plus belles années d'enfance. Pourtant, c'est un été bien précis que ce retour va évoquer. Un été où il rencontre les Grace, une famille bourgeoise de deux enfants, deux jumeaux Myles et Chloé. Ces deux enfants turbulents et moqueurs sont surveillés par Rose, jeune fille au pair.

Au gré des jours qui passent, Max va mélanger la maladie d'Anna, sa femme, et les émois sensuels qu'il connut lors de cet été. Il tombe amoureux de la mère des jumeaux, puis de Chloé.

C'est lent et pesant. C'est volontaire. C'est à l'image de ce qu'est devenue la vie de Max. L'expression est "vivons heureux en attendant la mort"... Pour Max, ce serait plutôt "ne vivons déjà plus en attendant la mort"... Entre sa flasque de whisky, les désillusions, les regrets, les remords, sa fille Claire, le souvenir du premier baiser avec Chloé, les seins en poire de la mère de Chloé, le petit chalet de la honte montrant leur pauvreté... Max n'a que l'embarras du choix pour ressasser un passé qu'il aimerait réécrire.

Dans ce maelstrom de souvenirs, la mer tient le premier rôle, bien sûr. Et se révèle impitoyable.

Pour apprécier Banville, il faut aimer le non-événement, le lent déroulement de la douleur intérieure, le spleen. Il faut être un peu voyeur. L'écriture est splendide. Incroyable de netteté, de pudeur, d'évocation poétique. Banville est un orfèvre. Et même si on n'est pas dans un thriller, loin de là, il réserve quelques surprises de taille pour les dernières pages.

Le destin d'un homme brisé en face-à-face avec la mer... avec John Banville comme chef d'orchestre. Il y a quelque chose d'hypnotique dans la façon de raconter l'histoire de Max. J'ai eu beau me dire que j'allais arrêter, je me suis rendu compte que j'étais captivé et que savoir le fin mot m'importait. Ce n'est pas si fréquent.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Ce fut le mouvement preste et brusque dont Chloé, toujours à genoux, se débarrassa de son cardigan qui m’incita, qui m’autorisa à poser la main sur sa cuisse. Sa peau était fraîche et elle avait la chair de poule, mais je devinais le sang chaud massé juste sous la surface. Elle ne réagit pas à ma caresse, continua à regarder ce qu’elle regardait – toute cette eau peut-être, ce flux lent et inexorable – et prudemment je risquai la main plus haut jusqu’à ce que je touche l’élastique tendu de son maillot de bain. Puis le cardigan, qui m’avait atterri dessus, glissa et tomba par terre, m’évoquant je ne sais quoi, une gerbe de fleurs qu’on aurait lâchée peut-être ou la chute d’un oiseau. Je serais resté ainsi, la main sous ses fesses, le cœur battant une mesure syncopée et les yeux rivées sur le trou dans le bois du mur d’en face, si elle n’avait pas, dans un bref mouvement convulsif, déplacé un tout petit peu son genou sur le banc et ouvert ses cuisses à mes doigts stupéfaits. L’entrejambe doublé de son maillot ruisselait d’eau de mer, laquelle me parut bouillante. […]
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Je m’étais versé une tasse de thé noirâtre que j’avais agrémenté d’une rasade de ma flasque – il ne faut jamais circuler sans un petit remontant à portée de main, c’est une chose que j’ai apprise durant l’année qui vient de s’écouler. La lumière de l’après-midi avait viré à la grisaille hivernale et un mur de nuages, denses, bleu de vase, barrait l’horizon. Sur la laisse de haute mer, les vagues griffaient le sable lisse pour tenter de s’y accrocher, mais leur initiative capotait chaque fois.
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En fendant la foule pour suivre Chloé jusqu’au Strand Café, je tâtais mes lèvres du bout des doigts, ces lèvres qui l’avaient embrassée, m’attendant à moitié à les trouver inchangées d’une façon infiniment subtile mais radicale. Je m’attendais à ce que tout ait changé, à l’image de la journée, sombre, humide et tendue de nuages pansus à notre entrée au cinéma en plein après-midi et vibrante de lumières fauves et d’ombres distendues, maintenant que le soir était venu, que les prêles ruisselaient de gemmes et qu’un voilier rouge dans la baie tournait sa proue vers l’horizon d’un bleu déjà crépusculaire au loin.
Le café. Dans le café. Dans le café, nous.
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Je me demande si, dans leur enfance, d'autres gens ont eu ce type d'image, vague et nette à la fois, de ce à quoi ils ressembleraient en grandissant. Je ne parle ni d'espoirs ni d'aspirations ni d'ambitions floues, pas de ça. Dès le début, j'ai eu des attentes précises. Je ne voulais être ni conducteur de train ni explorateur, célèbre bien entendu. Lorsque je m'efforçais de percer les brumes de ce trop réel ''alors'' pour entrevoir le bienheureux ''maintenant'' de mon imagination, c'est exactement comme ça, je l'ai dit, que j'aurais vu mon moi futur: homme aux intérêts paisibles et aux ambitions modestes, assis dans une pièce identique à celle-ci, dans mon fauteuil en bois courbé, penché sur ma petite table, pour une sason tout à fait semblable à celle-ci, l'année touchant à sa fin avec un temps clément, feuilles volant de-ci de-là, jours perdant imperceptiblement de leur luminosité et lampadaires s'allumant à peine un peu plus tôt de soir en soir. Oui c'est bien ce que je pensais que l'âge adulte m'apporterait, une sorte de long été indien, un état de quiétude, d'incuriosité paisible, totalement purgé des impatiences tout juste supportables de l'enfance, où tout ce qui m'avait intrigué autrefois était enfin réglé, tous les mystères révélés, toutes les questions résolues et où les moments s'écoulaient un à un, presque à mon insu, goutte d'or après goutte d'or, en attendant, à mon insu ou presque, l'ultime coup de grâce.
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Ici, au bord de la mer, le silence a une qualité particulière, la nuit. Je ne sais pas si j’y suis pour quelque chose, je veux dire si c’est moi qui influe ainsi sur le silence de ma chambre et de toute la maison ou bien s’il s’agit d’un effet circonscrit, dû au sel dans l‘atmosphère, peut-être, ou au climat de la côte en général.
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