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EAN : 978B00KUIT3HI
Jules Barbey d'Aurevilly (07/06/2014)
3.69/5   8 notes
Résumé :
Extrait : Un cabriolet roulait sur la route de Neuilly. Deux jeunes hommes, en habit de voyage, en occupaient le fond, et semblaient s'abandonner au nonchaloir, d'une de ces conversations molles et mille fois brisées, imprégnées du charme de l'habitude et de l'intimité.
« Tu regrettes l'Italie, j'en suis sûr, » dit à celui qui eût paru le moins beau à la foule, mais dont la face était largement empreinte de génie et de passion, le plus frais et le plus jeune ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique

Voilà une nouvelle que Poe eût adorée, dans laquelle, osons le rapprochement jusqu'au bout, il eût reconnu (avec quelle délectation ! ) quelques uns de ses sinistres et bien-aimés paysages : la corruption minant le fruit si beau, si tentant, de l'intérieur même de sa beauté, la Mort, insensible, fauchant l'être chéri par la faute de celui-là même qui ne l'aime peut-être pas mais qui, à coup sûr, le désire, la fascination, brutale, impulsive, incontrôlable quoique non clairement exprimée, conventions obligent, envers la nécrophilie - et l'inceste fraternel - et enfin la chute vertigineuse, qui fixe les personnages, à jamais atterrés et tremblants devant le drame, dans ce jardin où le soleil vient de succomber sous les assauts sournois d'une nuit qui emporte tout.

Signalons que Barbey, même s'il fut déçu par l'accueil de la critique, reconnaissait à sa "Léa" quelque chose de "monstrueux". Sans doute avait-il une conscience exacte de tout ce que recelait de lui cette oeuvre de jeunesse qui, en dépit des arabesques du style, apparaît au lecteur contemporain, selon la formule consacrée, absolument "brute de décoffrage." Tout Barbey d'Aurevilly tient dans "Léa" et avant tout les innombrables contradictions de cet écrivain dandy, monarchiste et résolument, ardemment, fiévreusement catholique même si, à l'époque où il écrivit ce texte - dans les années 1833/35 - il n'avait pas encore effectué son éclatant retour au sein du giron de la Sainte Eglise Apostolique et Romaine. Dans "Léa" sulfurent aussi toutes les ténèbres de Barbey, ce Barbey qui ne pouvait croire en la puissance divine sans croire aussi à celle de l'Ange déchu et qui, après quelques années d'apprentissage, parviendra à les récupérer et à les transformer en un art exceptionnel de la suggestion fantastique, cette "patte" à la fois féline et grandiose dont il a marqué ses meilleures productions, dont "L'Ensorcelée" bien sûr, avec ses non-dits qui laissent la part belle à l'imagination du lecteur mais aussi des nouvelles comme ce joyau fabuleux et magnifiquement turpide intitulé, avec une désinvolte simplicité, "Les Dessous de Cartes d'Une Partie de Whist."

Le texte de "Léa" est bref, à dix-mille lieues des longueurs habituelles à l'écrivain, et fait preuve d'une assurance dans le trait et la détermination qui fait encore défaut au "Cachet d'Onyx". Quant à l'histoire, elle se résume assez facilement : un frère et une soeur grandissent auprès d'un orphelin que leur mère a recueilli ; les deux garçons croissent en force et en beauté, la fille seulement en beauté car un trouble cardiaque mine sa santé à partir de la puberté ; devenus adultes, les deux jeunes gens entament leur tour d'Europe, si commun à l'époque pour les rejetons de familles aisées, mais doivent revenir brusquement d'Italie, à l'appel de la mère qui voit sa fille dépérir de plus en plus. Et c'est là que se noue le drame : le fils adoptif se prend d'un désir violent - qu'il nomme "amour" - pour celle auprès de qui il a été élevé en quasi frère. Et, en dépit des mises en garde de la mère, qui se prive elle-même d'exprimer avec trop de vigueur son amour ou ses joies devant son enfant, l'ingrat se laisse dominer par son démon ...

La chute, d'une brutalité ciselée au souffre, coupe le souffle. On attendait bien quelque chose dans ce goût-là, mais tout de même ...

"Léa", de Jules Barbey d'Aurevilly : un texte rare, qu'il faut connaître. Ne vous laissez pas égarer par les invraisemblables prénoms dont l'écrivain, jusqu'au bout, affublera ses personnages, pas plus qu'aux méandres de la mise en situation : "Léa" a la même cruauté que la "Bérénice" de Poe - et croyez-moi, ce n'est pas peu dire. ;o)
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Dans les nouvelles, c'est souvent la fin qui détermine si elles sont réussies ou non. L'intrigue est assez convenue, très XIXème siècle - une amitié virile, l'ami qui tombe amoureux de la soeur de son ami, une jeune fille innocente malade et condamnée sans pouvoir connaître le bonheur. Mais ce tableau est noirci progressivement : Léa n'est même pas belle puisque la maladie lui ôte tous ses attraits physiques, Réginald est un amoureux transi, et surtout, Léa est bête. Elle n'a pas reçu d'éducation, n'a pas lu de livre, et donc ne connaît rien de l'amour. C'est donc une vierge chaste, la blancheur du lys mais sans ces pudeurs ni ses rougeurs.
La scène finale est brutale, noire et cynique, le récit d'un viol dans le cadre romantique d'un coucher de soleil et d'un parterre de fleurs, qui renverse le sentimentalisme de Réginald.
Donc oui, une nouvelle plutôt réussie.
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Lu après Une histoire sans nom afin d'avoir un autre exemple de la prose de Barbey d'Aurevilly ( ma lecture des Diaboliques est ancienne ).
Étant donné la longueur de cette histoire, il y a beaucoup moins de descriptions et pour ceux que cela débutent ce peut être l'occasion de lire un petit texte de cet auteur. Mais à mes yeux le charme est moins grand, Barbey d'Aurevilly n'y a pas le temps de vous envelopper dans une atmosphère. Cependant agréable à lire.
Deux amis, élevés comme des frères et partis en Italie reviennent pour soutenir leur mère et leur soeur, celle ci étant très malade. Mais s'il ont quitté une enfant, ils retrouvent une jeune fille....
Un point commun avec l'autre texte c'est l'idée de la jeune fille élevée sans manifestation de tendresse dans un cas par une sorte d'indifférence et dans l'autre pour ménager une santé très fragile.
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Ecrite en 1832, alors que l'auteur n'avait que 23 ans, est une oeuvre de jeunesse assez touchante. Sous influence romantique, on y découvre la passion d'un jeune homme pour une jeune fille malade. Amour? Pitié? La maman de la jeune fille, en 2023, parlerait peut-être d'abus de faiblesse.
Déjà les thèmes chers à Barbey affleurent : passion, fantastique...
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] ... La belle saison était avancée et Mme de Saint-Séverin, désolée, demandait à Dieu dans ses prières que sa fille ne finît pas plus vite que l'été. Qu'il faut de désespoir pour qu'une mère ne demande plus davantage ! Oh ! qu'il faut de désespoir pour qu'une mère ne croie plus à la possibilité d'un miracle en faveur de l'être qu'elle chérit. Le dernier soir que Léa vint à la terrasse, Mme de Saint-Séverin aurait bien dit : "Elle ne reviendra pas s'asseoir ici," tant elle voyait clair dans l'état de sa fille. Des pressentiments ne trompent pas quand on aime ; mais ce n'étaient plus des pressentiments qu'avait Mme de Saint-Séverin, c'était la science du médecin habile qui verrait à travers le corps la maladie, et qui assignerait à heure fixe le moment où il entrerait en dissolution. Une connaissance, une infaillibilité que le savoir humain ne donne pas, le sentiment la lui avait acquise. Ah ! ne dites point que la nature n'est pas cruelle, qu'elle a couvert l'instant de la mort d'une incertitude compatissante : cela n'est pas vrai toujours pour celui qui meurt, et cela ne l'est jamais pour celui qui regarde mourir !

Réginald aussi ne s'illusionnait pas. Il se disait que la vierge de son amour rendrait bientôt son corps à la terre et son âme aux éléments : bouton de rose indéplié et flétri sous l'épais tissu de ses feuilles séchées sans un ouragan que l'on pût accuser ; fleur inutile que personne n'avait respirée ; avorton de fleur sous l'enveloppe fanée de laquelle l'haleine la plus avide, le souffle le plus brûlant, n'eût rien trouvé peut-être à aspirer. Et son amour se renforçait de cette accablante certitude, et d'un doute aussi amèrement décevant. Il semblait que toute cette vie qui abandonnait Léa se coulât dans son sein par vagues débordantes et multipliât la sienne. Moquerie diabolique de la destinée ! On se sent du souffle pour deux, on sent, en mettant la main sur sa poitrine, que si cette maudite poitrine pouvait s'ouvrir on aurait du souffle à donner à des millions de créatures, et il faut tout garder pour soi ! ... [...]
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« Je n’ai pas voulu, — ajouta Mme de Saint-Séverin, — que Léa vînt au-devant de vous, je craignais pour elle la fatigue et encore plus l’émotion ; je l’ai prévenue que tu arrivais ce soir, cher Amédée, et cela vaut mieux. Dans son état, disent les médecins, l’émotion lui serait si funeste qu’il me faut craindre de donner du bonheur à ma fille sous peine de la tuer ». Et en prononçant ces derniers mots, cette voix pleine de douceur contractait une dureté amère, ce regard touchant alla donner contre le ciel comme une tête de désespéré contre un mur.
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[...] ... Une voiture roulait sur la route de Neuilly. Deux jeunes hommes, en habit de voyage, en occupaient le fond, et semblaient s'abandonner au nonchaloir, d'une de ces conversations molles et mille fois brisées, imprégnées du charme de l'habitude et de l'intimité.

- "Tu regrettes l'Italie, j'en suis sûr, - dit à celui qui eût paru le moins beau à la foule, mais dont la face était largement empreinte de génie et de passion, le plus jeune et le plus frais de ces deux jeunes gens.

- J'aime l'Italie, il est vrai, - répondit l'autre. - C'est là que j'ai vécu de cette vie d'artiste imaginée avec tant de bonheur avant de la connaître. Mais, auprès de toi, mon ami, il n'y a pas de place pour un regret."

Et, en-dessus de la barre d'acajou, les mains des deux amis se pressèrent.

- "J'ai craint longtemps, - reprit le premier interlocuteur - que la générosité de ton sacrifice ne te devînt amère. Quitter Florence, tes études, tes plaisirs, pour revenir avec moi à Neuilly, te faire le témoin des souffrances de ma pauvre soeur, et partager mes inquiétudes et celles de ma mère, n'est-ce pas là le plus triste échange ?

- En supposant qu'il y ait du mérite à éprouver un sentiment tout à fait involontaire, mon cher Amédée, tu t'exagérerais encore ce que ton amitié fait pour toi. Quant ta soeur ira mieux, ne pourrons-nous pas reprendre le chemin de cette Italie que nous venons de quitter ? Oh ! espérons que les craintes exprimées dans la lettre de ta mère n'ont aucun fondement.

- Je le saurai bientôt, - dit Amédée, et il frappa du fouet qu'il tenait le cheval qui redoubla de vitesse ; - mais je n'augure rien que de sinistre du style de ma mère : croirais-tu qu'elle me parle d'un commencement d'anévrisme." ... [...]
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Mais on ne commence pas par être artiste : l'homme finit par là. Quand nous sommes jeunes, à l'éclat brillant de nos rêves nous ne faisons que nous pressentir, nous deviner pour un temps lointain encore. Ce n'est que quand la passion a labouré notre cœur avec son soc de fer rougi, que nous pouvons réaliser les préoccupations qui nous avaient obsédés jusque-là. Or, il y a mille chances de mort dans la passion. Aussi peut-être serait-il vrai de dire que les hommes les plus prédestinés par leur nature à être artistes meurent avant de le devenir.
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Toujours l'amour grandit et s'enflamme en raison de son absurdité.
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Vidéo de Jules Barbey d'Aurevilly
Des lettres inédites de la célèbre écrivaine, révélant des échanges inconnus avec de grandes personnalités du XIXe siècle. Un livre exceptionnel ! Lettres réunies et présentées par Thierry Bodin.
Ces 406 nouvelles lettres retrouvées couvrent presque toute la vie de George Sand, depuis ses quinze ans jusqu'à ses derniers jours. La plupart, du court billet à la longue missive, sont entièrement inédites et viennent s'ajouter au corpus de sa volumineuse correspondance. D'autres, dont on ne connaissait que des extraits, sont ici publiées intégralement pour la première fois. Plus de 260 correspondants — dont une cinquantaine de nouveaux — sont représentés, des moins connus aux plus illustres, comme Barbey d'Aurevilly, Hector Berlioz, Henri Heine, Nadar, Armand Barbès, Eugène Sue, Victor Hugo, Louis Blanc, Eugène Fromentin, Jules Favre, Pauline Viardot, la Taglioni, ainsi que les plus divers : parents, familiers, éditeurs, journalistes et patrons de presse, acteurs et directeurs de théâtre, écrivains, artistes, hommes politiques, domestiques, fonctionnaires, commerçants, hommes d'affaires... On retrouve dans ces pages toute l'humanité et l'insatiable curiosité de l'écrivain, que l'on suit jusqu'à ses toutes dernières lettres, en mai 1876, quelques jours avant sa mort. Les auteurs : George Sand (1804-1876) est une romancière, dramaturge et critique littéraire française. Auteure de plus de 70 romans, on lui doit également quelque 25 000 lettres échangées avec toutes les célébrités artistiques de son temps. Thierry Bodin est libraire-expert en lettres et manuscrits autographes. Ses travaux sont consacrés au romantisme français, en particulier Honoré de Balzac, Alfred de Vigny et George Sand.
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