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Critique de Ys


Ys
02 décembre 2013
Les multiples aventures qui forment la matière de Bretagne sont ici condensées, unifiées autour de la figure de l'Enchanteur et de deux grandes thématiques centrales : la quête dont il est le grand chef d'orchestre, et l'amour charnel auquel il se laisse prendre à son tour. Deux thématiques qui s'entremêlent, rigoureusement incompatibles et pourtant si proches. Si l'un, en dépossédant l'individu d'une part de lui-même, interdit d'atteindre l'autre, tous deux apparaissent au fond comme un but semblablement désirable, un absolu à part entière.
Cette réinterprétation très romantique des rapports entre la chair et l'esprit rejoint une vision de Dieu assez moderne, très détachée en tout cas des diktats religieux qui sous-tendent la légende. La divinité, ici, est bien celle que prient les chrétiens, mais les représentants de son Église officielle sont au mieux des ânes, qui font plus de mal que de bien, quand l'Enchanteur, au plus près de la nature, reste le meilleur représentant de sa volonté. Qu'il peine parfois lui-même à comprendre, d'ailleurs, et ses interrogations pourraient être celles de bien des hommes.

C'est donc à une modernisation assez intéressante du mythe que nous convie ici Barjavel. D'autant plus intéressante peut-être qu'elle reste très ancrée dans la matière médiévale traditionnelle, sans nier ses origines celtiques et historiques, mais sans chercher non plus à tout y ramener comme c'est le cas dans nombreux bouquins contemporains. (Pas que je n'aime pas ce genre de réinterprétation aussi, mais il y a peut-être plus de subtilité à chercher la modernité dans la tradition, qu'à faire table rase de celle-ci.)

On est ici, du coup, en plein dans le merveilleux - un univers très beau malgré ses côtés les plus sombres, un univers où tout est possible, où nul ne s'étonne de rien mais où tout devient sujet d'émerveillement, d'un simple bourgeon qui s'ouvre aux plus improbables tours de magie. Un univers un peu trop joli, un peu trop exempt de cruauté à mon goût, sans doute, d'autant plus que cette vision très charnelle et très absolue de l'amour ne me correspond pas vraiment.
Et pourtant, la magie opère - car la magie, ici, est avant tout celle de la langue. Ce style de conteur très poétique et très simple, faussement naïf, empreint d'une grande sensualité et de malice savoureuse (ah, Merlin en grand pourvoyeur de boîtes de conserves pour paysans affamés !) agit comme un charme sur le lecteur. On retrouve d'ailleurs - notamment dans les passages concernant Dieu et le Diable - cet humour gentiment moqueur, un brin iconoclaste, qui faisait toute la verve des Don Camillo (dont Barjavel a écrit les dialogues).

C'est en somme assez délicieux, conformément au souvenir que je gardais d'une première lecture adolescente !
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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