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EAN : 9782912667731
174 pages
Finitude (04/03/2010)
3.33/5   15 notes
Résumé :
" C'est parce que je devais parler que j'ai passé une semaine difficile. A cause de l'angoisse de parler. Je devais parler le dimanche suivant. A la radio. Peu importe de quoi. Je devais parler, c'est tout. Comment avais-je pu me laisser tomber dans ce piège ? Peut-être parce qu'il est plus simple de consentir. Il faut moins de mots pour un consentement que pour un refus. Refuser c'est parler. Je ne sais plus parler. " Franz Bartelt évoque avec tendresse un écrivain... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

Moi non plus, je ne sais pas parler.
Entendons-nous bien, je ne suis pas muet, je peux même tenir une discussion sur différents sujets, mais j'ai toujours préféré écrire.
A l'écrit on peut se corriger, s'accorder le temps de la réflexion, ordonner ses idées.
"Ecrire est un art du silence, de la rumination, de la lenteur."
A l'oral, il faut savoir s'imposer, être sûr de soi, être intéressant ( ou se persuader de l'être ).
Il faut s'affirmer. Ou être sans-gêne.
Avoir confiance en soi.
Mais cette confiance, je ne l'ai pas.

Je n'ai pas peur de ce qu'on pensera d'une chronique que j'ai rédigée. On peut juger que mes critiques sont trop longues, hors-sujet, nombrilistes : Je saurais toujours me défendre et argumenter.
Mais prendre la parole en public, si ce dernier n'est pas composé d'amis sincères ou de famille proche, il n'en n'est pas question.
A l'enterrement de mon père, j'ai réussi à lire un petit texte devant la foule, mais c'était comme une expérience extra-corporelle. Ce n'était pas vraiment moi. Je n'étais pas à côté du cercueil de l'homme qui m'avait élevé. J'étais tellement ailleurs que ça n'a pas été difficile.
Mais à cette unique exception, je refuse de prendre la parole.

Au collège, je me souviens pourtant que j'avais les meilleures notes en récitation.
Mais pour ne pas faire face à mes camarades de quatrième ou de troisième, je fermais les yeux, condition indispensable à la concentration.
Je ne voulais pas voir les autres élèves et je ne voulais pas qu'ils me voient. Comme pour m'effacer.

Aujourd'hui il est bien vu d'être sociable. Et pour appartenir à cette société il faut se fondre dans la masse, il faut savoir se mélanger.
Et professionnellement c'est un calvaire.
J'apprécie certains de mes collègues, mais me retrouver en groupe pour célébrer un mariage, une naissance, une mutation, une promotion, un anniversaire autour d'un verre de l'amitié, c'est devenu au-dessus de mes forces. Qui rejoindre ? Et de quoi parler ? Comment m'intégrer et passer inaperçu ?
Je vais en revanche aux enterrements. La présence suffit à montrer notre soutien et notre compassion. Nul besoin de s'exprimer autrement qu'avec le regard.
L'alcool délie les langues, c'est d'ailleurs un prétexte pour beaucoup à une bonne imbibition. Mais j'ai depuis longtemps rayé l'alcool de ma vie.
"L'alcool ordonne, l'ivrogne exécute."
Ne m'invitez jamais si vous souhaitez avoir un boute-en-train pour amuser la galerie.
Je ne sais pas parler. le groupe m'étouffe. Je me sens comme pris au piège. C'est la panique à bord quand on m'adresse la parole et que je ne trouve rien d'intéressant à répondre. Et c'est l'angoisse si je reste isolé. Je ne me sens jamais aussi seul que je suis en groupe.
Je pense pourtant apprécier les gens pris individuellement, je n'ai rien d'un misanthrope. Mais en meute l'homme perd souvent tout son intérêt.
"Il y a des bavards et il y a des discrets."
Depuis peu, je ne vais donc plus aux pots de départ. Et peu m'importe ce que l'on peut penser de moi.
Si vous appelez mon administration un des après-midis en question, vous avez une petite chance d'avoir quand même un interlocuteur.

Et que dire des oraux de concours ?
Les écrits n'ont jamais représenté de grosses difficultés pour moi.
"Je peux écrire, mais je ne peux pas parler."
Et sans surprise, mon nom a figuré la majorité du temps parmi ceux des candidats admissibles. Qui allaient avoir l'opportunité de marquer l'essai devant un jury qui allait juger de leurs compétences en une vingtaine de minutes. Au bout de deux leur avis est souvent fait.
Parler devant des inconnus devient alors source d'une terrible appréhension. Pas grand monde n'est à l'aise dans cet exercice, moi encore moins qu'un autre. Parce qu'il faut savoir se vendre comme à un entretien d'embauche et que je déteste ça. Parce qu'on nous demande d'être hypocrite dans nos réponses en scandant avec conviction des propos que personne de sensé ne peut avoir. Et je ne sais ni mentir ni inventer en quelques secondes pour satisfaire un auditoire.
La majorité du temps, je suis donc devenu celui qui avait échoué.
En persévérant, il semblerait qu'à deux reprises j'ai cependant réussi à convaincre tout en restant moi même.

Alors oui, je parle beaucoup de moi et très peu du roman de Franz Bartelt. Et pourtant, j'ai le sentiment de bien vous l'évoquer depuis la première ligne.
Le narrateur est un alter égo de Bartelt, il me ressemble tout autant et je me suis souvent reconnu dans toutes les réflexions de l'auteur, dont l'histoire flirte avec l'essai.
Bartelt a toujours été un auteur discret. Beaucoup de ses ouvrages ont été édités en très peu d'exemplaires et sont confidentiels, voire devenus introuvables. Et il n'est pas question pour lui de les rééditer. Il n'est pas du genre à multiplier les émissions de télévision pour faire parler de lui, ni à écumer les salons du livre sauf à la demande expresse de son éditeur. Il y a deux ans encore son nom m'était totalement inconnu alors qu'il devrait être incontournable.
Mais il est écrivain, pas orateur.

Le narrateur est auteur de critiques, un peu désabusé par son métier dont les longues analyses appartiennent désormais au passé.
"Il fut un temps où on parlait des livres qu'il fallait avoir lu. Maintenant, on parle seulement des livres qu'il faut avoir."
Il est également l'auteur d'un unique roman dans lequel il mêle autobiographie et imaginaire.
Et parce que dire non demande une argumentation dont il ne se sent pas capable, il va accepter de se rendre à Paris et de prendre la parole en direct dans une émission de radio.
"Pour refuser, il faut beaucoup de mots. S'il suffisait de dire non, ce serait simple."
Qui sera écoutée par des milliers de personnes, y compris des proches.
Et comme vous l'aurez compris, parler n'est pas son point fort. Et il est terrifié.
L'intrigue de Je ne sais pas parler ne tient qu'à un minuscule fil, allant de la préparation minutieuse de cette intervention sur les ondes jusqu'au jour J, en passant par toutes sortes de rencontres, de souvenirs et de réflexions.

C'est un Bartelt un peu différent des autres, beaucoup plus sombre, beaucoup plus décousu dans sa construction également ( d'autant qu'il n'y a aucun chapitre ).
Ce qui n'empêche pas de sourire parce qu'il y a une bonne dose d'autodérision, et quelques passages comme seul l'Ardennais peut les inventer. Je pense notamment à la discussion à la gare avec la dame-pipi, alors que nous sommes en plein contexte d'élections européennes, et des surprenantes raisons pour lesquelles cette femme dirait oui à l'Europe si elle prenait la peine d'aller voter. Ou avec ce fou excité en regardant des mannequins sur des affiches publicitaires. D'étranges personnes qui n'ont aucun mal à communiquer, aussi farfelues soient-elles.
Et on retrouve bien sûr cette écriture unique, cette aisance à manipuler les mots dans un style immédiatement reconnaissable.
"On peut ne pas parler et être un homme de parole."
"J'attire la confidence comme l'aimant la limaille."
"Il était gai comme un wagon dans un déraillement."
"On prend l'habitude de se taire comme on prend celle de boire."

Pour le côté sombre, c'est avant tout de la mélancolie, en rapport avec des secrets de famille et le décès de son père, à l'origine de son silence.
"C'est donc très jeune que j'ai découvert qu'il y a des choses qui ne se disent pas."
Une sorte de désespoir transparaît également, non seulement dans cette impossibilité de s'exprimer oralement, mais également dans celle de croire en Dieu. Il n'est pas du tout croyant mais voudrait l'être pour pouvoir croire à une puissance supérieure qui pourrait l'aider.
Son désespoir est palpable et les idées de devenir muet ou même de mourir transparaissent au fil des pages.
Sa vision de la société - et qui pourrait l'en blâmer ? - n'est pas non plus très optimiste, à l'image de ces hommes politiques qui maîtrisent quant à eux tellement l'art de parler qu'ils ne répondent jamais aux questions qui leur sont posées, ou n'hésitent pas à mentir allégrement pour dire ce que le public a envie d'entendre.
Et quel dédain également transparaît pour notre paysage audiovisuel.
"Ce qui me gêne à la télévision, c'est de voir et d'entendre trop de gens qui n'ont rien à montrer et rien à dire".

Un Bartelt un peu à part donc, assez brouillon, qui passe facilement du coq à l'âne au gré des rencontres et des pensées du narrateur qui arrivent un peu pêle-mêle, dévoilant chacun un peu de les raisons de sa personnalité effacée, de son manque de confiance en lui, et abordant tous les aspects de la prise de parole ou du mutisme, en passant par le mensonge.
"J'accepte mieux aujourd'hui que le monde soit composé de gens qui parlent - ce sont les plus nombreux - et de gens qui ne parlent pas : je fais partie de la seconde catégorie et il n'y a pas d'explication à cette évidence, que j'admets comme d'avoir les yeux bruns et la peau blanche."

Mais malgré ses défauts, c'est un roman qui m'a beaucoup touché, puique je me suis reconnu à maintes reprises dans la description de cet individu si réservé, si angoissé à l'idée de prendre la parole, et qui à l'inverse est à l'aise pour s'exprimer à l'écrit ... notamment au travers de critiques littéraires.
Et pourtant, quand deux alter-égos aussi peu bavards se rencontrent, que la conversation peut être riche !
Il y a un an, j'ai pu rencontrer Franz Bartelt avec lequel j'ai bien discuté une demi-heure, et nous avons parlé sans discontinuer de ses romans bien sûr, mais aussi de lui, de moi, avec une déconcertante facilité.
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L'auteur se retrouve à devoir parler à la radio et cela l'angoisse beaucoup. Plutôt taiseux et plus centré sur l'écrit par son métier de journaliste il se retrouve donc à devoir parler quelques minutes à la radio mais tente son possible pour rendre cette chose plus facile (gagner du temps).Il aime de plus beaucoup la radio où il trouve les spécialiste très éloquents et cela ne manque pas de l'inquiéter.S'ensuit des considérations sur sa relation avec une femme séparée Mioupe où chacun semble trouver son compte ou son histoire familiale, son penchant pour les musées lorsqu'il est déprimé. Pas complètement inintéressant mais très anecdotique et fouillis à mon sens, je n'ai donc pas terminé ce livre dont le style est pas mal mais qui saute trop souvent du coq à l'âne. Dispensable à mon sens.
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Habituée de l'auteur, j'ai trouvé ce livre différent, d'un ton plus grave, ce qui n'ôte rien au talent de F. B., bien au contraire...
Je n'ai pas chroniqué ce livre, mais d'autres de cet auteur...
Lien : http://laplumeardennaise.ifr..
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critiques presse (1)
Actualitte
08 janvier 2013
Ce sont ces moments d'angoisse que raconte ce livre : l'angoisse qui monte avec autant de certitude que la certitude de l'échec d'un homme de l'écrire qui ne sait pas être un homme du parler.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
C'est fantastique, la propension de notre époque à ratiociner . Ça en devient beau, comme un robinet qui coule.
J'admire ces gens-là. Comme j'admire les culturistes, ces masses de muscles qui se donnent des airs antiques sur les podiums. Il y a un culturisme des cordes vocales et de la parole. Chaque matin, j'écoute un de ces champions, sans prêter la poindre attention à ses propos. J'écoute seulement la musique. Un débit formidable. Il fonce en tête de course, prononce plus de mots en une minute que je n'en prononce en un mois. Je l'écoute depuis dix ans au moins et, tous les ans, il fait des progrès, il augmente sa vitesse, il améliore sa diction qui était déjà excellente au début. Jusqu'à où veut-il aller ?
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Suggérer, parce qu'il est scandaleusement mauvais, qu'un roman ou un recueil de nouvelles nous semble très légèrement imparfait, peut être considéré à juste raison comme une tentative de sabotage d'un secteur économique dont la misère est endémique et, accessoirement, présenter tous les caractères d'une atteinte au droit d'expression.
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Une minute quarante de Franz Bartelt à consommer sans modération, extrait du livre "Le bon temps" paru à L'Arbre vengeur.
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