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Critique de Philemont


Alamut est une forteresse bâtie au IXème siècle dans le nord-ouest de l'actuel Iran. Réputée inexpugnable, elle a été prise à la fin du XIème siècle par Hassan Ibn Sabbâh pour servir de base à la secte chiite ismaélienne des Nizârites. Ces derniers sont des musulmans fondamentalistes qu'Hassan aimait appeler « Assassiyoun » que l'on peut traduire par « ceux qui sont fidèles au fondement de la foi ». Mais ce mot a aussi été mal compris des voyageurs étrangers et souvent traduit par « consommateurs de haschich ». C'est notamment ce que fit Marco Polo qui entamera le développement de la légende d'Alamut. Selon sa description en effet, la forteresse comportait un magnifique jardin secret imitant l'aspect des jardins du Paradis. Son rôle était de convaincre les futurs assassins de la secte — drogués notamment au haschich — qu'ils venaient de faire un bref tour au Paradis afin de les fanatiser avant qu'ils ne partent accomplir leur mission mortelle...

C'est cette légende que l'écrivain slovène Vladimir BARTOL romance dans Alamut. Bien que dirigeant une poignée d'hommes, Hassan Ibn Sabbâh parvint à faire trembler et plier maints dirigeants et personnalités de l'époque, en particulier grâce à sa capacité de manipulation de l'esprit des hommes. Il avait tout d'abord mis en place un système éducatif complet par lequel ses adeptes apprenaient à se battre avec plusieurs types d'armes, mais été aussi initiés aux langues, aux sciences et à la religion. Ensuite Hassan Ibn Sabbâh se faisait passer pour un prophète, ce statut lui permettant d'être l'unique détenteur terrestre des clés du paradis. Et c'est ainsi que la culture de son jardin secret, habité uniquement de très belles femmes vierges, lui permettait d'envoyer qui il voulait dans le « jardin d'Eden ». Les rares élus (ses adeptes les plus méritants), drogués au haschich, avaient ainsi un avant-goût de la « vie éternelle » qu'ils pouvaient rapporter à leurs coreligionnaires. Dès lors le fanatisme religieux était né puisque les adeptes d'Hassan n'avaient plus peur de rien, et surtout pas de la mort, celle-ci signifiant désormais un retour au paradis tant qu'ils demeuraient dévoués à leur maître. Ils faisaient notamment de parfaits tueurs capables d'agir tels des commandos suicides.

En s'appropriant cette légende, Vladimir BARTOL fait preuve d'une grande érudition et du sens de la narration. le roman est en effet très instructif sur le Coran et la religion musulmane, et s'il se lit réellement comme une légende, il fait aussi preuve d'une étonnante modernité. Il est vrai que le propos de BARTOL en 1938 était de dénoncer les régimes totalitaires, quels qu'ils soient, 14 ans après l'accession de Staline au pouvoir, et 5 années après la nomination d'Hitler au poste de chancelier. de fait son roman est très détaillé sur le processus qui conduit au fanatisme et met en garde contre la manipulation des masses (« je partage l'humanité en deux catégories fondamentalement différentes : une poignée de gens qui savent ce qu'il en est des réalités et l'énorme majorité qui ne sait pas »). Cynique, mais réaliste, BARTOL invite tous les peuples à ne jamais abdiquer leur souveraineté, à se méfier des populistes qui promettent un monde meilleur et à ne jamais dédaigner la raison, fondement de l'humanité. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le propos était tragiquement d'actualité ; il le demeure aujourd'hui pour d'autres raisons.
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