Alexandre est un jeune garçon de 17 ans qui vit à Nancy. Son héros : Karim Kemal, 22 ans. Cet immigré maghrebin s'est forgé une solide réputation de tombeur de femmes. Beau gosse, adepte des années 50 dont il a adopté le look, Karim fascine Alexandre par sa classe et son audace. Un soir, la chance sourit au jeune adolescent mal dans sa peau : Alexandre croise Karim et ce dernier accepte de passer la soirée avec lui. Aussi, quand Karim le quitte pour aller lutiner une femme mariée, Alexandre ne résiste pas à l'envie de suivre son héros et de l'espionner. Alexandre découvre que sa maîtresse n'est autre que la femme du docteur Raoul Faurissier, activiste de "l'Elan National Français". Malheureusement le mari débarque et surprend les 2 amants. Alexandre qui a tenté de donner l'alerte aide Karim à s'enfuir. Voilà nos 2 compères désormais poursuivi par Faurissier et toute sa clique, bien pressés de bastonner du "raton". La course-poursuite s'éternise et mène les 2 fuyards sur les routes de France où un véritable road-movie les attend.
A l'image d'un de ses albums précédents (
Cours camarade),
Baru a construit son histoire autour de 2 jeunes un peu barrés poursuivis par des fous-furieux fascistes. Les personnages principaux nous sont tout de suite présentés pour mieux entrer dans le feu de l'action. Basé sur l'action, la fuite et les nombreuses rencontres qui vont emmailler leur parcours, "
L'autoroute du soleil" s'inscrit donc dans la lignée des road-movies. le rythme est trépidant, Karim et Alexandre n'ont pas le temps de se poser qu'ils doivent déjà reprendre la route, traqués inlassablement par Faurissier et toute la cohorte d'amis qu'il réussit à entrainer dans son sillage.
Les différentes personnes que les 2 amis vont croiser sur la route sont d'une grande diversité : le politicien raciste, le VRP un peu beauf qui trompe sa femme, l'auto-stoppeuse peu farouche, le routier obsédé sexuel, le patron de casse pourri par l'appât du gain, l'homosexuel coincé, le gros dealeur de drogue planqué en vieil hippie, ... et j'en passe ! On verra défiler toute une brochette de salopards égoistes et intéressés qui donneront du fil à retordre à Karim et Alexandre.
Alors qu'Alexandre apprend à devenir adulte (il connaitra sa première exéprince sexuelle) et responsable de ses choix, Faurissier, de son côté, devient complètement aveuglé par la haine et se lâche dans une violence accrûe et extrême qui fait craindre le pire. Karim, lui, cherche toujours à respecter le plus possible ses congénères et refuse toute violence non justifiée, allant ici à l'encontre du cliché de méchant arabe.
On découvrira également en arrière-plan le portrait social d'une France et d'une région qui va mal. Les hauts fourneaux miniers de Lorraine ferment les uns après les autres. Chômage et racisme se développent et certains politiciens fascistes n'hésitent pas à utiliser l'argument pour leurs propres thèses nationalistes. Les émeutes gagnent les banlieues et la répression se fait sévère.
Graphiquement, on reconnait de suite la touche de
Baru : des personnages assez caricaturaux qui possèdent des gueules bien marquées. Les corps sont parfois déformés par le mouvement que l'auteur s'applique à rendre de la manière la plus vivante possible.
Comme toujours avec
Baru, pas de pudeur excessive : les dialogues et les situations peuvent être crues. On appelle un chat un chat. On baise sans scrupules dans les voitures ou dans les trains. Loin de tout romantisme franchouillard, l'album donne dans le réalisme pur et dur.
Néanmoins, cet album sombre ne se dépare pas d'un certain humour et d'un comique de situation. On relèvera par exemple le pauvre automobiliste qui, pour son malheur, croise à de nombreuses reprises Karim et Alexandre sur sa route.
"
L'autoroute du soleil" au final se révèle un très bon crû qui reprend des idées scénaristiques précédemment débutés dans "
Cours camarade". Plus dense, plus dur et malgré tout moins léger que son prédécesseur, l'album s'inscrit dans la lignée de ces albums sociaux dont
Baru est désormais la marque de fabrique. Malgré tout, cet album qui a reçu le prix du meiller album à Angoulême ne restera pas dans mes préférés de l'auteur. le côté un peu rocambolesque et répétitif des embrouilles frise un poil l'overdose et je regrette que l'humour franchement jouissif de "
Cours camarade" ait quelque peu disparu ici.
"Ma génération a été marquée par les mythes de la route (Kerouac, etc...) et cela s' est imposé dans mon écriture. graphiquement, je suis obsédé par le mouvement et son rendu par des images fixes. Les personnages bougent et tout doit aller de l' avant."
Baru
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