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Marc Amfreville (Traducteur)
EAN : 9782267021554
547 pages
Christian Bourgois Editeur (07/04/2011)
3.79/5   61 notes
Résumé :
Témoignage le plus abouti et le plus mature que Rick Bass livre de sa vie dans la vallée du Yaak, Le Journal des cinq saisons reprend une réalité on ne peut plus tangible de la vie du Montana : entre la rudesse glaciale de l'hiver et l'explosion du printemps se glisse une cinquième saison, la "saison brune", où les glaces ont déjà fondu pour se transformer en boue mais où la végétation n'a pas encore repris ses droits. Journal de bord quotidien et hommage à un écosy... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Après un passage par l'étape Walden, qui était une bonne idée de lecture préliminaire à un nouveau tome de Bass, nous y voilà donc.
Ce livre est un peu plus long et à la fois proche et différent des autres contes de Bass sur la vallée de Yaak et son quotidien dans cet environnement rare et sauvage. J'ai beaucoup aimé ce journal de l'année, mois après mois, dans le Yaak, tout comme j'avais aimé ce type de découpage, beaucoup moins linéaire, ressemblant plus à une mosaïque pas vraiment chronologique, par saison, dans les Grizzly Years de Doug Peacock (mon héros !).
Le passage des mois au fil de la prose de Rick Bass offre comme une vision double, d'un temps qui passe et de mois qui se succèdent sans accroc, en une progression douce, et d'un contraste merveilleux des spécificités de chaque mois, de la nature et de l'impact des saisons et de l'environnement sur l'homme.

On retrouve cette poésie qui reflète si bien l'amour de Bass pour sa vallée, mais également sa mélancolie face à la quasi-certitude de sa disparition et son émerveillement inépuisable face à une nature à la fois chaotique et ordonnée.
Et puis il y a de longues réflexions philosophiques sur l'homme et la nature, l'influence et l'impact de l'environnement dans lequel l'humain grandit et évolue (à travers l'observation de ses filles et leur interaction avec le Yaak, ses saisons, sa faune et sa flore... et ses quelques humains) sur la construction du coeur de sa personnalité et sa manière de voir le monde.
Et ces anecdotes, moins nombreuses que dans Winter ou The Book of Yaak..., savoureuses, touchantes, hilarantes, pleines d'auto-dérision, mais toujours liées à l'environnement immédiat de Bass, sa réflexion sur ses interactions avec cet environnement, son questionnement sur ce qu'il veut transmettre à ses filles sans jamais leur imposer ses propres passions et lubies. Je me suis régalée de courtes retrouvailles avec Homer (triste passage), Point & Superman, les chiens de l'auteur, après les avoir rencontrés dans Colter.

Mais ce qui a eu le plus d'effet n'était ni le plus évident ni le plus attachant dans le récit de Bass. Je trouve fascinant la manière dont ce scientifique de formation conte les motifs qu'il semble apercevoir dans divers éléments de la nature, motifs se répétant comme la déclinaison d'une forme à l'infini, par exemple le motif des bois des cerfs et des branches, motif le plus évident. Mais pas seulement. Celui des flammes, entre les flammes réelles des feux du mois d'août et les aiguilles des mélèzes au mois de septembre. Rick Bass se laisse surprendre au beau milieu d'une analyse logique des rythmes naturels de la forêt par la soudaine presque-révélation d'un tel motif.
Et là se trouve ce que j'aime le plus chez lui : cette capacité à communiquer des faits scientifiques complexes de manière claire et presque poétique puis soudain à laisser place à la magie de la nature, considérant l'homme et ses progrès scientifiques comme étant toujours si proche de la compréhension, de la révélation, le bras tendu vers cette étincelle, sans jamais pouvoir la toucher, mais révélant une magie aussi merveilleuse que nécessaire. C'est cette notion de magie, de merveilleux, que je retrouve toujours avec autant de plaisir à chaque nouvelle lecture, qu'il soit question de géologie, de stockage de bois pour l'hiver, de chien de chasse ou de grizzlis. Ah, mais j'oubliais, il y a toujours cet appel à ralentir, à prendre le temps, regarder, respirer, aimer, vivre... autant de choses que l'homme semble avoir quelque peu oubliées.
Contrairement à Thoreau dans Walden, même si Bass chante le même refrain quant au merveilleux et à la logique de la nature, sa qualité d'intégration et d'interconnexion de chacun de ses éléments, il y intègre l'homme, même si celui-ci, dans son culte du nombril et de sa supériorité mettant, dans sa logique, le reste de l'univers à sa disposition, s'en est décroché. Il nous présente un environnement où l'humain est mineur et semble reprendre, malgré tout, une place dans les rythmes de la nature et leur logique, un monde où l'homme doit adapter son point de vue et tourner son oeil vers une grande toile de laquelle il ne distingue que quelques coups de pinceau sans pouvoir saisir la magie qui les lie, ou vers un détail qui permet de faire un pas vers la compréhension de cette grande toile dont il n'est lui-même qu'un des détails les plus infimes, ni plus ni moins important que les autres.

(boudu, c'est du lourd pour un lundi matin au petit dèj' ! du coup, pour conclure :)

Encore un bel opus, un peu plus long, un peu (beaucoup) plus abstrait et contemplatif, mais d'une richesse exceptionnelle. J'ai oublié de parler de la cinquième saison, à laquelle Bass donne une magie certaine, mais je vous laisse la découvrir de vous même.
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Un journal de bord au coeur du Montana,celui de Rick Bass, d'un janvier où le silence et la neige ensevelissent tout à un décembre où la survie s'enclenche, en passant par la boue de l'entre deux, les fluctuations cycliques du regain et la suspension de l'été estival.
Témoignage de vie "où l'âme est parfois mise à l'épreuve" mais où l'être, qu'il soit homme ou animal s'adapte.
Ode à la nature souveraine.
Célébration, galerie de portraits bonheur.
Hymne à la joie,la paix et la sérénité, puisque "Dieu est partout".
Message écologique pour préserver l'harmonie et s'en soucier avants que ses joints disjoints, elle ne s'effondre.
Une superbe leçon de vie,d'un auteur américain que je ne connaissais pas et qui vaut le détour!

"Comme le monde est étrange, avec le murmure de ses cycles, à la fois beaux et dangereux" confie Rick Bass dans Le journal des cinq saison, son propre journal de bord durant une année.
Cinq saisons?
Oui, celles qui se déroulent de janvier à décembre dans la vallée "élégante et sereine" du Yaak dans le Montana, celles qui reviennent et repartent et reviennent encore inlassablement,celle de la tempête hivernale et de "l'ensevelissement silencieux" dont la sève est prête à remonter car "rien ne dort éternellement",celle de la boue où "tout est marron" et que "la vie s'unit à la terre",celle de la lumière qui sourd et de la tendre furie des pousses,celle de l'éternel recommencement qui repose,déssèche et assèche,celle des "négociations" de la nature avec Dieu pour recevoir la pluie salvatrice.
Dieu?
Lorsque sous "la terre les choses bougent, Rick Bass, la cinquantaine s'interroge:""Quel rêveur nous a rêvé pour que nous puissions à notre tour commencer à rêver?"
Etrange rêve aborigène perdu dans la magie floconneuse qui goutte et fertilise.
Célébration de la vie. Vivaldi composerait-il son printemps aux limites du Canada, à travers bois?
"Il faut bien un Dieu quelque part?"
Rick Bass "redevient-il païen?"," se place-t-il lui au lieu de Dieu au coeur des choses?"
"Qui fait jaillir l'étincelle de paix,de joie et de vénération dans son coeur?"
Beaucoup d'interrogations d'un auteur au mitan de sa vie, qui retourne un peu sur son passé,ses propres souvenirs,pioche son bonheur au jour le jour dans son entourage familial, amical et la beauté des paysages qui l'entourent.Plénitude,joie,paix,insouciance de la vie qui s'unit à la terre,des arbres qui, un jour verdoient, un jour roussissent, des animaux qui s'accouplent, engendrent, meurrent.
Humeur mystique?
Vénération.Mais adaptation aussi, à la neige,aux silences,aux longs hivers,au manque de lumière qui engendre la dépression. Il faut alors hiberner.
Ode à la nature, ce livre est un témoignage fort, celui d'un homme émerveillé,:"Qu'est-ce qui compte le plus celui qui donne la sérénade ou celui qui l'entend?", mais Les cinq saisons délivre aussi un message écologique: "Cette harmonie commencerons nous à nous en soucier lorsque ses joints branlants s'effondreront?"
Les cinq saisons, voilà qui donne envie de découvrir le Montana et de passer dire un bonjour à cette famille Bass attachante dont la petite Lowry, après avoir questionné son père "Où est Dieu?" et avoir obtenu la réponse: "Dieu est partout!" ...sourit aux arbres.
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Le journal des cinq saisons, où la transcription empirique, proche du relevé scientifique, d'une année passée à contempler l'exceptionnelle nature de la vallée du Yaak dans le Montana. Rick Bass prend le partie de tout collecter, afin, dit-il, "[que] les naturalistes et les hommes de science qui tomberont amoureux du Yaak en 2100 [aient] le même désir intense de pouvoir profiter d'un état des lieux fiable sur les conditions dans lesquelles se trouvait cet écosystème - les données fondamentales et la façon dont tout ça fonctionnait - en l'an 2000". Il ajoute, "j'avais imaginé - et d'ailleurs, je continue à imaginer - une expédition de plusieurs années, à moitié privée, à moitié publique, au cours de laquelle les plus grands scientifiques du pays et même du monde - spécialistes des papillons, des mammifères, des reptiles, des poissons, etc. - conduiraient des groupes de recherche saisonniers qui se rendraient sur place pour collecter et inventorier des données afin de les cartographier, en utilisant des méthodes et des protocoles aisément reproductibles".
Ne vous y trompez pas, il s'agit d'une déclaration d'amour à la vallée du Yaak, que l'auteur habite depuis 20 ans. Clinique dans son approche, il collecte la moindre information, le petit détail, allant même jusqu'à tenter de reproduire une idée du silence, du vent, du souffle opaque de cette nature. Rick Bass est un styliste, le journal des cinq saisons se parcourt donc facilement et avec grand plaisir. Malgré tout, cette approche scientifique peut sembler parfois trop poussée, même si le lecteur familier de Bass retrouvera sans mal ce souffle épique si propre à l'auteur, le texte manque cependant d'intensité, nous sommes loin de Winter (le récit de sa première installation dans le Yaak) qui offrait aux descriptions un étalage davantage tourné vers l'homme et le virage que prenait sa vie. Ici, l'amour porté au Yaak se matérialise par une domination sans partage de la chose naturelle, au détriment des explorations de la vie familiale.
C'est un livre dans lequel il faudra aimer replonger comme dans une bible du vivant, une mystique de la chose que sept milliards d'êtres humains partagent : la vie.
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Rick Bass, écrivain et écologiste américain engagé, est né en 1958 à Fort Worth (Texas).
En 1987 il déménage avec sa famille dans la vallée du Yaak, à l'extrême nord-ouest du Montana. Là, il oeuvre à la protection de sa région d'adoption, en particulier contre les routes et contre l'exploitation forestière. C'est ainsi que Rick Bass a été l'un des fondateurs de l'Association de sauvegarde des forêts de la vallée du Yaak. Il a également fait partie de plusieurs associations écologistes comme les Round River Conservation Studies, le Sierra Club ou la Montana Wilderness Association.
Son dernier bouquin paru, le journal des cinq saisons, nous décrit sa vie dans cette région sauvage du Montana, à la frontière avec le Canada, où il réside désormais avec sa femme et ses deux petites filles. Comme l'indique le titre, il s'agit d'un journal mais rédigé à l'échelle des mois.
Non loin de sa demeure, Rick Bass a aménagé une cabane en rondins, en bureau où il écrit ses romans et ce journal. Sa fenêtre donne sur le marais et il se trouve aux premières loges pour admirer le paysage et la faune qui l'habite. Pour autant, ne croyez pas que le lieu soit réellement confortable, quand il gèle à l'extérieur, son feu de bois ne suffit pas à le réchauffer et il doit écrire avec des gants aux mains.
Ecologiste passionné, Rick Bass nous fait vivre une année entière dans cette vallée reculée du Montana, l'un de ces derniers endroits où la nature est presque restée en l'état originel. Avec lui nous vivrons l'hiver rigoureux fait de neige épaisse et d'un froid glacial inhospitalier qui le font s'interroger, « vous en venez invariablement à ce stade à vous demander si les humains, ou au moins votre race d'humains, sont faits pour vivre à longueur d'année sur une terre aussi sombre et privée de lumière ». Par contre en été, ce sont les feux de forêts du mois d'août qui sont redoutables et nous valent de belles pages écrites à sueur de son front, suées d'efforts et de craintes devant l'incendie qui progresse vers sa maison.
Les mois défilent, chacun ayant ses caractères propres et bien connus par l'auteur, la vie est rude comme on l'imagine, mais s'y intercalent des périodes magiques, le temps de la cueillette des airelles et des confitures, l'époque de la chasse au cerf où la quête vaut plus que la proie. Il y a aussi la solidarité entre les voisins, les repas entre amis qui passent au moment des fêtes et les longues randonnées en solitaire dans ces immensités sublimes.
Si le sujet m'intéressait, les premières pages du livre m'ont paru décevantes, il ne s'y passait pas grand-chose, il y avait aussi beaucoup de répétitions et des longueurs, rien de brillant dans l'écriture. Et puis j'ai compris, ce rythme faussement lent, c'est celui qui temps qui s'écoule inexorablement. Ce temps autre, qui distingue l'homme des villes de celui des campagnes. Alors la lecture devient apaisante et notre rythme interne se calque sur celui de la nature, ce flux temporel qui fait que le monde est monde depuis la nuit des temps.
Quant à la cinquième saison évoquée par Rick Bass dans le titre de son ouvrage, elle ne sera révélée qu'à ceux qui prendront le temps de lire ce bouquin remarquable.
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Dans ce journal d'une année générique, sorte de livre d'heure écologique et humaniste, Rick Bass propose au lecteur, mois après mois, telle une offrande, la somme de vingt ans d'expériences, d'émotions et de réflexions dans la vallée du Yaak, où chaque jour est "un jour de plus au paradis".

Au premier degré, c'est tout simplement le récit sublime et enchanteur de la Vallé du Yaak, une description par les cinq sens de cet espace sauvage à la limite de la frontière canadienne, où l'auteur habite depuis 20 ans avec femme et enfants. Rick Bass se décrit comme un rustaud, maladroit et glouton, mais il ne trompe personne. Il dévore avec un appétit jouissif et une gratitude sans limites, les cadeaux de cette nature et leur éternel retour, dans un mélange incessant d'action et de contemplation. Son écriture est d'une telle générosité que le lecteur, courageusement installé dans un canapé moelleux, thermostat à 19, charentaises bien accrochées, plaid bien calé sur les genoux, se voit communiquer une exaltation jubilatoire, et s'interroge sur ses choix de vie (il est bien clair que comparé à Rick Bass, le lecteur a tout faux).

Si le journal des cinq saisons est l'histoire d'un lieu et d'un paysage, c'est aussi le portrait d'un homme fondamentalement attachant, un grand naïf à "l'esprit d'innocence", mais qui garde les pieds sur terre, qui ramasse à chaque minute, chaque heure et chaque jour, avec les yeux, les poumons, et le coeur, mais aussi les mains du cueilleur et le fusil du chasseur, maillon du cycle de la vie. Car comment remercier mieux ce lieu qu'en jouissant de chaque instant : tous les écueils sont aussi enrichissants que les épanouissements. Mais il faut aussi se battre, pour la protéger et l'enrichir, et aussi la raconter, qu'il reste au moins cela, aux générations futures.

La nature, perpétuellement renouvelée année après année, dans des cycles inexorables offre à chacun une sécurité, confortée par le lot de surprises qu'elle sait aussi réserver. Y répondent les rituels des humains, passage obligé de cet accomplissement du soi, point d'attache face aux mystérieuses interrogations qui s'imposent dans ce monde tout à la fois éternel et éphémère: le pourquoi et le comment, l'existence probable d'un grand ordonnateur...

Rick Bass n'est pas un ermite égoïste. S'il est persuadé que l'homme est insignifiant dans le paysage du monde, il est aussi convaincu que ce même homme est unique, indispensable, irremplaçable dans sa relation à l'autre. La famille, l'amitié et la solidarité sont la seule réponse digne à la générosité de la nature. Les pages qui décrivent les relations avec ses 2 filles, où il réfléchit sur la transmission, l'éducation, la nécessité de transmettre des valeurs, mais sans les imposer et en laissant des choix, montrent toute la chaleureuse tendresse et les doutes du personnage.

Le journal des cinq saisons est une lecture passionnante, donc, unique, qui réconforte d'une certaine façon, à porter en soi au fil des jours.
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critiques presse (3)
Lexpress
04 juillet 2014
Derrière le diariste subtil, on devine le militant écologiste résolu (plutôt tendance Edward Abbey que, disons, Jean-Vincent Placé...), sans que jamais les combats du second n'altèrent le talent du premier.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
30 novembre 2011
D'une digression à l'autre, de flâneries en randonnées, Bass raconte comment il accorde sa vie à la musique des grands espaces, comment il règle son horloge biologique sur celle de la nature: ses confidences sont un pur bonheur, le bréviaire enchanté d'un hédoniste au cœur vert qui sait aussi entrer en résistance pour défendre l'environnement, aux côtés des écologistes américains.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
18 juin 2011
Avec ce Journal, d'une maturité exceptionnelle, Rick Bass est au summum de son art. Avant tout chroniqueur - dans le sens étymologique du terme -, il demeure le défenseur le plus convaincant d'une nature en voie d'extinction.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Certains jours, rien ne se produit. Mais au cours des dizaines de milliers d'heures que j'ai passées assis sur cette chaise, à la lisière d'un des écosystèmes les plus riches de la planète, il semble qu'il y a peu de choses que je n'ai pas vues, à un moment ou à un autre, au fil des années. Des ours noirs errant dans le marais, un orignal qui passe sous ma fenêtre, des aigles royaux fondant sur des bernaches, des tétras à collerette tambourinant sur ma table de pique-nique à l'ombre du grand aulne, un couguar traversant les bois un jeune daim moucheté entre les mâchoires, un troupeau de wapitis marchant en file indienne dans la neige, etc. : tout ce spectacle entrevu par l'une de ces deux grandes fenêtres, deux immenses périscopes qui me donnent accès à un monde plus sauvage et plus plein que je tiens à distance durant la première partie de chaque jour afin de pouvoir m'enfoncer dans le pays des rêves de l'écriture, un monde plus sauvage et plus plein dans lequel je peux à nouveau pénétrer durant la seconde partie de chaque jour et marcher horizontalement et latéralement.
C'est une étrange dynamique que de me tenir assis à attendre en contemplant une belle image, impatient déjà de sortir la rejoindre - pour la goûter, la sentir, la humer, m'y promener, y camper et l'explorer -, et pourtant, durant la première partie de chaque journée, me contenter de rester comme au bord, levant les yeux de temps à autre pour la regarder et tenter de m'immerger dans un lieu imaginaire, qui ne ressemble pas exactement au paysage, au relief, à l'humeur du soir précédent juste avant que je ferme les yeux...
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Chaque matin, je prenais alors le chemin de la cabane, par tous les temps, et, installé à mon bureau devant la fenêtre, je regardais le marais, si près de la berge que les herbes ondoyantes venaient caresser la vitre. Ces hautes herbes formaient un océan, et ma cabane une péniche ou un bateau à l'ancre. Je restais longtemps à regarder par la fenêtre et à musarder plutôt qu'à écrire.
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Mais comme chaque saison révèle la mise en place d'une nouvelle vague de coupes claires - deux cents et quelques années de tout un univers de beauté et de grâce soudain réduit à néant -, je me demande quelle espèce d'individus prédateurs et ineptes peut permettre qu'on fasse pareille violence non seulement à leur terre, ou à tout autre terre, sans songer aux paysages qui vont par la suite envahir notre champ de vision en découvrant jour après jour ses versants dénudés, toujours plus dépuoillés. Ces paysages empliront désormais la vie de leurs enfants, jusqu'à ce qu'un jour advienne une génération qui n'aura rien connu d'autre et qui acceptera ce spectacle comme normal et juste, alors que chaque année le dégel montrera l'avancée de l'érosion et que les montagnes peu à peu disparaîtront, le mystère cédant la place aux escarres.
Certains jours, je me dis que ce moment de bascule n'est plus très loin - deux ou trois coupes claires de plus et l'émerveillement s'effacera devant la rage, la joie devant le désespoir, au point de non-retour où nous n'éprouverons pratiquement plus que les seconds, alors que les premiers se seront évanouis, ou presque.
A quel moment se dit-on que trop, c'est trop ?
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Quel est notre but, notre rôle dans ce monde - préserver et protéger, ou bien détruire, consommer et raser ? Est-ce que le plan, la force qui nous a façonnés sait ce que nous sommes en vérité : des créateurs et des protecteurs, ou des destructeurs ? Cette force veut-elle que nous soyons l'un ou l'autre ?
A quoi sert cette guerre qui se livre à l'intérieur de nous ? Ces conflits produisent-ils, forgent-ils quelque chose - quelque chose de gracieux, digne de la beauté de ce monde - ou bien ont-ils pour conséquence une perte, quelque chose en moins pour chacun de nous comme individus, en tant que nous formons une communauté, que nous possédons une culture ?
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Est-ce que nous sommes arrivés les derniers dans l'histoire, dans la métaphore, parce que nous avons quelque chose de spécial, et ce monde merveilleux et régi par une loi unique a-t-il été créé pour nous , Ou bien restaiot-il simplement à peine assez de place pour une chose de plus, après que tous les coins et recoins eurent été remplis par des trésors variés de vies, minéraux, d'eaux vives et de feux pétillants ?
Avons-nous été ajoutés en fin de course, encore une fois comme en un test dicté par l'ennui - ou par défi - où il s'agissait de savoir si, ou pour combien de temps, nous réussirions à maintenir, à préserver et à protéger la gloire de cette incroyable création, ce palais vibrant d'énergie, dans lequel nous errons ?
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Vidéo de Rick Bass
La Fête du Livre de Bron propose chaque année une journée de réflexion sur des enjeux majeurs de la littérature contemporaine. le vendredi 8 mars 2019, nous proposions un focus sur les liens entre littérature, nature sauvage, grands espaces, sciences humaines et environnement. Lors de cette 33ème édition, nous avions la chance d'accueillir Oliver Gallmeister, éditeur spécialisé dans la littérature des grands espaces, pour un grand entretien exceptionnel, animé par Thierry Guichard, à revivre ici en intégralité.
De Henry David Thoreau à Jim Harrison ou Rick Bass, la littérature américaine est depuis un siècle et demi étroitement liée à la nature sauvage et aux grands espaces. Regard sur cette tradition du « nature writing » en compagnie d'Oliver Gallmeister, fondateur des éditions du même nom, l'un des passeurs d'une littérature américaine contemporaine ancrée dans son environnement avec un catalogue comptant notamment des auteurs comme Pete Fromm, Jean Hegland ou David Vann.
En partenariat avec l'Université Lyon 2, la Médiathèque Départementale du Rhône et Médiat Rhône-Alpes.
©Garage Productions.
Un grand merci à Stéphane Cayrol, Julien Prudent et David Mamousse.
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