Pour enfin comprendre notre histoire à travers le comportement de nos ancêtres. Ce livre est une bouffée d'oxygène. J'ai redécouvert mes grandparents à la lecture de l'ouvrage, j'ai mieux compris pourquoi ils ne jetaient rien, pourquoi ils étaient si croyants, ...
Ce livre aura été pour moi bien plus instructif que l'Histoire de France qui m'a été enseignée à l'école en secondaire.
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Comment nos ancêtres pourraient-ils se sentir Français? Ils sont les hommes de tel seigneur, les ouailles de tel curé, se savent au mieux, habitants des terres des comtes de Champagne, d'Artois ou de Provence. Un paysan poitevin ne partage rien avec son homologue normand ou bourguignon, pas plus - comme on l'a dit - l'impression d'avoir un même roi ou une administration commune que le fait de parler la même langue. Chacun parle le patois ou le dialecte de chez lui, et parfois même de sa seigneurie, car de l'une à l'autre, même si elles sont voisines, leur peu de contact fait qu'une chose n'y a pas le même nom ou qu'un mot n'y a pas le même sens. Prenons le banal exemple de la chèvre, partout présente et familière. Au gré des influences des langues des populations établies au sein de chaque région, son appellation a varié à l'infini : nommée une "chieuvre" à Reims, une "kèvre" à Lille, une "krabe" à Pau, elle devient une "chieuve" au nord de Châteauroux, une "chieube" à l'est et une "chièbe" au sud...
Au sein du royaume, on parle une multitude de dialectes et des milliers de patois propres à de très petits terroirs, multitude qui se maintient d'autant plus facilement que nos ancêtres n'ont jamais de contacts avec l'extérieur.
Le français n'existe pas. Lorsqu'il se constituera, il ne sera que la promotion, plus ou moins involontairement orchestrée par les rois de France, du dialecte parlé dans leur domaine propre, à l'origine l'Orléanais... (...)
(Mais) ce n'est jamais à l'épouse "portant la culotte" que l'on s'en prend, pas plus, en fait, que l'on ne jette la pierre à la femme adultère. Dans toutes ces affaires c'est le mari qui est montré du doigt, c'est lui qui, parce qu'il n'a pas su se faire respecter et faire ainsi respecter l'ordre établi, doit être sanctionné. Il le sera publiquement par le charivari, aux formes diverses et variées, adaptées aux différents cas rencontrés en fonction de leur gravité.
Un couple mal assorti s'en tire avec un bon tapage nocturne assez folklorique. On choque des poêles à frire représentant les âmes des mariés. On brandit des tuyaux et des hérissons de ramoneur, en allusion évidente et crue au fait que la femme se fait indûment ramoner par un homme qui n'est pas le sien, à quoi l'on ajoute des bruits des clochettes évocateurs des testicules. Ce genre de vacarme s'arrête généralement lorsque le mari a payé à boire, façon comme une autre d'acquitter sa dette envers la société.
La farce est beaucoup moins drôle lorsqu'elle est destinée à l'homme battu ou trompé, en tous ces cas déshonoré. (...)
Nos ancêtres, des siècles durant, ne sauraient avoir la moindre conscience nationale ni patriotique. D'abord, ils ignorent le roi. Ce "seigneur des seigneurs", placé tout au sommet de la hiérarchie féodale, est une réalité qui leur échappe presque totalement. Lorsqu'ils en entendent parler, nos ancêtres manants ne pensent nullement au Capétien trônant à Paris. Même si ce Louis ou ce Philippe, numéroté VI ou VII, traverse parfois ses domaines pour aller faire la guerre ou partir en croisade. Il n'y a aucune place dans leur monde. Lorsqu'ils parlent du roi, nos ancêtres de ces époques évoquent leur voisin qui a été sacré "roi" du dernier jeu d'adresse organisé par leur seigneur un dimanche de printemps.
Et il y a les loups! Jusqu'à la fin du XIXe siècle, ils ont rôdé, en Limousin ou dans les Vosges. Ils peuplent les forêts, n'hésitant pas à s'approcher des bourgs et des villes lorsqu'un hiver trop rude les affame, ni à attaquer les hommes, mais surtout les animaux et les enfants, qui leur sont autant de proies faciles. Les archives des anciennes paroisses sont émaillées de leurs méfaits, décrivant des cadavres horriblement mutilés d'enfants que la bête avait surpris seuls, alors qu'ils gardaient les oies ou les moutons. Tapie sous les taillis, elle avait bondi dans le pré, et, le troupeau s'étant enfui, elle s'était rabattue sur l'enfant moins preste.
L'homme et la femme appartiennent longtemps à deux mondes sinon différents, du moins distincts. A l'église, comme ensuite à l'école, chaque sexe a son territoire, sa travée ou son bâtiment. A la ferme, dans bien des régions, hommes et femmes mangent séparément. Les hommes sont servis comme des hôtes, avec tous les égards dus aux invités, par les femmes, qui restent debout et quasiment au garde-à-vous.
A l'extérieur, chacun a ses espaces: seuls les hommes vont aux foires.
Jean-Louis Beaucarnot, généalogiste, écrivain et journaliste, confie aux utilisateurs de GeneaNet quelques règles de base pour démarrer leur généalogie (1ère partie).