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Critique de Luniver


Pourquoi les gens s'obstinent-ils à fumer de la marijuana alors que la société n'arrête pas de leur répéter que c'est mal ? Pourquoi certains jeunes se lancent dans des carrières hasardeuses de musicien alors que tout le monde sait que médecin, avocat ou ingénieur sont de bien meilleures carrières ? Les gens biens sont nombreux, ils savent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, alors pourquoi ne pas tout simplement les écouter ? le monde ne s'en porterait que mieux !

Intelligemment, l'auteur inverse la question dès les premières pages du livre : qui fixe des normes, et pourquoi ? Quand on prend un peu de recul, on s'aperçoit que les normes bougent beaucoup : ce qui était acceptable il y a un siècle provoque des scandales aujourd'hui, et inversement. Et à moins de penser que notre époque a atteint la sagesse absolue, ces normes vont continuer d'évoluer.

Becker montre que ces normes nécessitent des actions énergiques de deux groupes. le premier instaure la norme : il faut « créer un problème » et convaincre la population de le prendre très au sérieux. L'essai contient l'exemple de la marijuana, et de l'explosion du nombre d'articles qui lui est consacrée en quelques mois, juste avant son interdiction.

Le second groupe doit pourchasser les déviants. En effet, l'existence d'une norme n'implique pas forcément son application dans la vie courante. La population est généralement plus tolérante que la loi et ferme les yeux si les apparences sont sauves. Exemple classique, la sexualité hors mariage a longtemps été prohibée, mais les amants étaient rarement pourchassés. Si une grossesse survenait, on attendait des coupables qu'ils se marient vite fait. Il n'y a que sur les mères célibataires que l'opprobre s'abattait, parce qu'il n'y a plus moyen de faire semblant de ne rien voir. On comprend alors l'importance pour les normes de groupes qui attirent l'attention de la population sur les méfaits qu'ils veulent combattre, qui les mettent en lumière et forcent chacun à prendre position.

Pour l'auteur, les normes sont imposés par une minorité qui détient le pouvoir à la majorité. Là où l'essai est pris en défaut, c'est qu'il est souvent difficile de comprendre quel est ce pouvoir et son intérêt réel. Pour la drogue, on cite les organismes de santé public, la police et les avocats, qui tentent de justifier leur existence en créant de nouveaux problèmes au fur et à mesure que d'autres disparaissent. Pourquoi pas, mais il me faudrait des explications plus concrètes sur le sujet. Pour les homosexuels ou les musiciens de jazz, on a déjà beaucoup plus de mal à comprendre quel groupe aurait intérêt à les montrer du doigt et pourquoi.

Les normes favorisent également l'apparition de « ghettos » : une fois un déviant découvert, il doit faire un choix radical, rentrer dans le rang ou se couper définitivement de la société. S'il fait le second choix, il perd généralement tout : famille, ami, travail, … La seule option valable pour vivre correctement est alors de vivre uniquement avec les gens qui partagent la même passion coupable.

Essai plutôt intéressant et assez fourni en exemples. Il me manque cependant une couche de profondeur supplémentaire pour être pleinement convaincu : j'ai un peu de mal à faire le lien entre toutes les explications théoriques de l'auteur et les illustrations qu'il donne en exemple. Apparemment, l'essai reprend des parties de thèses ou d'autres publications. C'est sans doute ce qui donne cette impression de manque de continuité dans le discours.
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