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La Trilogie (Samuel Beckett) tome 3 sur 3
EAN : 9782707318916
212 pages
Editions de Minuit (01/10/2004)
4.05/5   153 notes
Résumé :
De même que Dante chemine de cercle en cercle pour atteindre son Enfer ou son Paradis, de même est-ce, chacun dans un cercle bien distinct, que Samuel Beckett situe les trois principaux protagonistes de sa trilogie, Molloy, Malone meurt et L'Innommable, afin qu'ils atteignent, peut-être, le néant auquel ils aspirent.
D'un roman à l'autre, ce cercle est de plus en plus réduit. Le cercle imparti à l'Innommable se réduit à un point, c'est le trou noir au centre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Qui parle ?
Eux ? Lui ? Moi ?
Que dire lorsqu'il n'y a rien à dire ?
Et cette voix... Omniprésente...

"Je ne poserais plus de questions, il n'y a plus de questions, je n'en connais plus. Elle sort de moi (cette voix), elle me remplit, elle clame contre mes murs, elle n'est pas la mienne, je ne peux pas l'arrêter, je ne peux pas l'empêcher, de me déchirer, de me secouer, de m'assiéger. Elle n'est pas la mienne, je n'en ai pas, je n'ai pas de voix et je dois parler, c'est tout ce que je sais…"

Déconcertant et troublant, L'innommable place le lecteur au coeur d'une écriture sans mesure. Pas d'auteur, ni de sujet. Une fragmentation, un régal. Un livre réjouissant...
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Où il est question d'un homme-tronc, moulé dans une jarre, placé sous le menu d'une gargote, dans une rue peu passante, donnant sur un abattoir. 

Ajoutez au disgracié, une figure ectoplasmique du nom de Worm et une voix qui semble sortir des limbes, et vous vous trouvez en présence des trois figures - qui n'en sont peut-être qu'une seule, ultimes avatars de la Trilogie. 

L'Innommable pousse jusqu'à ces dernières extrémités la démarche entreprise dans les deux premiers volumes du Grand oeuvre de Samuel Beckett. Il est par cela même, et sans contredit, l'opus dont la lecture est la plus exigeante. Les entités qui prennent en charge le propos, comment parler d'intrigue en la matière, se rendent coupables de logorrhée rarement vue de mémoire de lecteur. Ils ratiocinent, lance des questions comme des bouteilles à la mer, balancent entre le "peut-être", et le "peut-être pas" et tranchent par un "je ne sais pas". Les deux premiers tiers du texte sont en cela absolument douloureux. Il est fort à parier que, si on proposait, parmi d'autres oeuvres, l'Innommable - qu'on s'est surpris plusieurs fois à renommer l'immonde, à un panel bénévole et aguerri de contributeurs de notre site bien-aimé, celui-ci recueillerait le taux d'abandon le plus conséquent. Néanmoins, pour l'aventureux qui se serait acclimaté à l'objet, se serait frayé un chemin dans cette mangrove, le dernier tiers est assez fascinant dans la musicalité et le rythme ébouriffant auxquels sont débités ces torrents d'arguties. 

La Trilogie, et au premier chef l'innommable, sont des oeuvres qui ne manquent pas d'interpeller le lecteur. On est un peu déconcerté, sinon totalement dépassé; l'expérience n'est donc pas à proprement parler distrayante. Samuel Beckett est une figure singulière, mais c'est un fossoyeur du roman. Toutes ces grandes machines ne peuvent masquer une certaine incapacité à raconter tout bonnement une bonne histoire.
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Expérience inoubliable et inqualifiable, que cette lecture: mon premier roman de Beckett. Une lecture très difficile, d'un roman génial. Mais que reste-t-il du roman? Essayons de procéder en ordre. Il s'agit d'un monologue intérieur, mais, à l'encontre de l'exemple joycien, le flux de conscience du personnage est totalement méconnaissable. Car enfin, peut-on parler de flux de conscience chez un personnage (ou peut-être trois...?) qui parle en refusant la pensée - ou peut-être qui en est incapable? Il parle pour exister, en souhaitant se libérer de sa condition d'exister, donc peut-être parle-t-il pour cesser d'exister. D'autre part il s'agit du degré zéro de l'existence: immobile, sans membres ni véritables organes de perception, confiné dans un trou noir qui peut être l'espace à dimension zéro - le point... Un espace théâtral plutôt sombre. Inutile de préciser que le narratif est totalement banni: pas d'évolution, pas d'histoire. le seul roman que je connaisse qui ne dérive ni de l'Iliade ni de l'Odyssée (dérivation mise en évidence par Queneau).
Succession (qui peut être absolument infinie) de pures apories:
"Par pure aporie ou bien par affirmations et négations infirmées au fur et à mesure, ou tôt ou tard? Cela d'une façon générale. Il doit y avoir d'autres biais. Sinon ce serait à désespérer. Mais c'est à désespérer. A remarquer, avant d'aller plus loin, de l'avant, que je dis aporie sans savoir ce que ça veut dire"...
Cela donne le ton des 200 et quelques pages, qui, bien entendu, ne sont aucunement divisées en chapitres ni même en paragraphes... Je ne résiste cependant pas à omettre de citer le véritable incipit, qui m'a fait rêver (et prendre en main le livre):
"Où maintenant? Quand maintenant? Qui maintenant? Sans me le demander. Dire je. Sans le penser. Appeler ça des questions, des hypothèses. Aller de l'avant, appeler ça aller, appeler ça de l'avant."...
Je sais que l'influence de ces phrases sur moi sera durable. Pourtant je suis incapable de noter cette lecture. Parfois j'ai eu envie de hurler et de lancer le bouquin au plus loin de moi!
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Il y a suffisamment de critiques élogieuses de L'Innommable pour que je n'y ajoute pas la mienne. À aucun moment la lecture de ce dernier livre de la trilogie ne m'a semblé indispensable ; quasiment tout ce qu'on y lit Beckett l'a déjà fait dans Molloy ou dans Malone meurt.
Au lieu d'être prisonnier de sa chambre le personnage est prisonnier de sa propre tête ; et au lieu d'intervertir les récits narratifs de ses faux souvenirs avec des monologues intérieurs digressifs, nous avons ici presque uniquement du monologue intérieur, avec certes des passages intéressants où l'on suit une pensée chaotique dans un "courant de conscience", mais qui constitue surtout pour le personnage une manière de parler pour parler, pour se maintenir en vie, par peur de ce qui se passerait s'il s'arrêtait, et sa peur du silence le conduit à meubler, à occuper le terrain de la parole, du discours sur rien. Il lance des hypothèses sur la nature de sa situation (conscience sans corps, sans souvenir ni identité, et proche de la mort), des hypothèses sur ces hypothèses, encore d'autres sur ses hallucinations visuelles et auditives (à moins que ce ne soit le son de sa propre voix, mais a-t-il une voix ?), sur la nature de ces voix (à qui sont-elles, à lui ou aux autres, qui parle quand il parle, est-il lui-même, et que ce passerait-il s'il se taisait ?), mais quoi qu'il arrive il faut qu'il continue à parler, qu'il trouve quelque chose à dire et vite vite il trouve toujours de quoi remplir sa page. L'intérêt de la démarche est surtout conceptuel, c'est le fameux roman "avec le moins de matière" dont aurait rêvé Flaubert.
Plus concrètement, il s'agit de de 210 pages de babillages stériles. J'adore Beckett mais là c'est trop : lourd, indigeste, ennuyeux et gratuit.
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« L'innommable » est l'ultime volet de la trilogie sans nom, après « Molloy » et « Malone meurt ». Comme ses grands frères, il est obscur, opaque et surtout décharné. À chaque page ou presque le narrateur (Mahood, Worm, un autre ?) perd un bout de son corps. Pas sûr qu'en début de livre il était entier, mais certain qu'à la fin il ne reste plus rien. Sur ce point, ce roman difficile d'accès peut être placé près de « La peau de chagrin » De BALZAC, mais seulement sur ce point. Pour le reste, il est résolument original et tortueux et loin du classicisme.

Des personnages des deux premiers tomes de la trilogie réapparaissent, furtivement. Molloy et Malone notamment. Mais sont-ce bien eux ? Comme toujours chez BECKETT, une réflexion apporte une question, une réponse puis une contre-réponse. Nous ne sommes jamais sûrs de rien. le narrateur (qui ?) est immobile, dans une chambre, sur une île. C'est tout. « Je n'ai besoin de rien savoir sur moi ». Sa vue baisse. Ah, il est insomniaque. Et seul. Très seul. Encore que. Car il croise de nombreux personnages dans cette histoire (notamment ceux de sa toute première trilogie démarrée avec « Watt », ici entraperçus), mais n'est-ce pas uniquement en pensée, en souvenir ou en imagination ? N'a-t-il pas inventé ces formes humaines ? J'oubliais : il est unijambiste. Et peu à peu devient sourd. Muet. du moins c'est ce que l'on croit comprendre. On voit deux moignons à la place des mains. Choc ultime : son corps rétrécit. « Ayant déjà perdu une jambe, il est vraisemblable en effet que j'aie pu égarer l'autre. de même pour les bras. Transition facile, en somme. Même que dire de cette autre vieillesse dont ils m'ont gratifié, si j'ai bonne mémoire, et de cette autre maturité, auxquelles il ne manquait ni bras ni jambes, mais seulement la faculté d'en tirer parti ? ».

Dans ce roman on navigue en pleine opacité, pas de décor, pas de temporalité pour se repérer, quasiment pas d'espace, aucun repère géographique. Une île, mais cette information non plus n'est pas vérifiée. Ni vérifiable. Les phrases se font de plus en plus longues, voire presque interminables. Mais décharnées, ça me paraît définitivement le terme le plus approprié. BECKETT excelle dans la déconstruction de la littérature. Écrire un roman sans intrigue, sans dialogues, sans vis-à-vis, sans décor, sans à-côté, sans rien de palpable, c'est le génie de BECKETT. Des sensations, une perte progressive de tout aspect humain. Cette perte, inaugurée avec « Molloy », s'est poursuivie dans « Malone meurt », avant l'apothéose du néant dans cet « Innommable ». Cet « Innommable » qui, en plus de la déchéance du corps, peu à peu puis de plus en plus rapidement, perd parallèlement son humour ‘so british'. Il devient pesant, poisseux, comme nihiliste.

« À aucun moment je ne sais de quoi je parle, ni de qui, ni de quand, ni d'où, ni avec quoi, ni pourquoi, mais j'aurais besoin de cinquante bagnards pour cette sinistre besogne qu'il me manquerait toujours un cinquante et unième, pour fermer les menottes, ça je le sais, sans savoir ce que ça veut dire ». C'est peut-être cette phrase du livre qui reflète le mieux BECKETT et son univers.

« Faisons comme si j'étais seul au monde, alors que j'en suis le seul absent ». Trilogie clinique et mathématique, comme dénuée de fondement, et pourtant elle explique tellement. le dernier volet est sorti en 1953 aux éditions de Minuit, il est régulièrement réédité dans cette maison depuis.

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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
on s'est toujours raconté n'importe quoi.... ne cherchant plus, cherchant encore, ne trouvant rien, trouvant enfin, ne trouvant plus...... sans savoir quoi, sans savoir où, où est la nature, où est l'entendement...... où sont les autres ? qui est ce qui parle, ce n'est pas moi qui parle... que je sois cela, que je crie, que je bouge, que je sorte d'ici, que je naisse, que je meure, que j'écoute..... les mots sont partout, dans moi, hors de moi.... je suis fait de mots.... où que j'aille je me retrouve, m'abandonne, vais vers moi, viens de moi.... peur du bruit, peur des bruits, bruits des bêtes, bruits des hommes, bruits du jour et de la nuit..
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Ce sera moi, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu'il y en a, il faut les dire, jusqu'à ce qu'ils me trouvent, jusqu'à ce qu'ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c'est peut-être déjà fait, ils m'ont peut-être déjà dit, ils m'ont peut-être porté jusqu'au seuil de mon histoire, devant la porte qui s'ouvre sur mon histoire, ça m'étonnerait, si elle s'ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer.
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Moi, je ne parlerai plus de corps et de trajectoire, du ciel et de la terre je ne sais pas ce que c'est. Ils me l'ont dit, expliqué, décrit, comment c'est tout ça, à quoi ça sert, mille fois, les uns après les autres, aux propos les plus divers, dans une unanimité parfaite jusqu'à que j'ai eue l'air d'être véritablement au courant. Qui dirait à m'entendre que je n'ai rien vu, rien entendu que leur voix ? Les hommes aussi qu'est-ce qu'ils ont pu me chapitrer sur les hommes, avant même de vouloir m'y assimiler. Tout ce dont je parle, avec quoi je parle c'est d'eux que je le tiens. Moi je veux bien, mais ça ne sert à rien, ça n'en finit pas. C'est de moi maintenant que je dois parler, fût-ce avec leur langage, ce sera un commencement, un pas vers le silence, vers la fin de la folie, celle d'avoir à parler et de ne le pouvoir, sauf de choses qui ne me regardent pas, qui ne comptent pas, auxquelles je ne crois pas, dont ils m'ont gavé pour m'empêcher de dire qui je suis, où je suis, de faire ce que j'ai à faire de la seule manière qui puisse y mettre fin, de faire ce que j'ai à faire. Ils ne doivent pas m'aimer. Ah ils m'ont bien arrangé, mais ils ne m'ont pas eu, pas tout à fait encore. Témoigner pour eux, jusqu'à ce que j'en crève, comme si on pouvait crever à ce jeu-là, voilà ce qu'ils veulent que je fasse. Ne pas pouvoir ouvrir la bouche sans les proclamer, à titre de congénère, voilà ce à quoi ils croient m'avoir réduit. M'avoir collé un langage dont ils s'imaginent que je ne pourrai jamais me servir sans m'avouer de leur tribu, la belle astuce. Je vais le leur arranger, leur charabia. Auquel je n'ai jamais rien compris du reste, pas plus qu'aux histoires qu'il charrie, comme des chiens crevés. Mon incapacité d'absorption, ma faculté d'oubli, ils les ont sous-estimées. Chère incompréhension, c'est à toi que je devrai d'être moi à la fin. Il ne restera bientôt plus rien de leurs bourrages. C'est moi alors que je vomirai enfin, dans des rots retentissants et inodores de famélique, s'achevant dans le coma, un long coma délicieux.
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Je ne poserais plus de questions, il n’y a plus de questions, je n’en connais plus. Elle sort de moi (cette voix), elle me remplit, elle clame contre mes murs, elle n’est pas la mienne, je ne peux pas l’arrêter, je ne peux pas l’empêcher, de me déchirer, de me secouer, de m’assiéger. Elle n’est pas la mienne, je n’en ai pas, je n’ai pas de voix et je dois parler, c’est tout ce que je sais…
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Ah mais un petit filet de voix d’homme forcé, pour murmurer ce que leur humanité suffoque, aux oubliettes, garrotté, au secret, au supplice, un petit halètement de condamné à vivre, pour balbutier ce que c’est que d’avoir à célébrer la relégation, attention. Pah, ils sont tranquilles, je suis emmuré de leurs vociférations, personne ne saura jamais ce que je suis, personne ne me l’entendra dire, même si je le dis, et je ne le dirai pas, je ne pourrai pas, je n’ai que leur langage à eux, si, si, je le dirai peut être, même dans leur langage à eux, pour moi seul, pour ne pas avoir vécu en vain, et puis pour pouvoir me taire, si c’est ça qui donne le droit au silence, et rien n’est moins sûr, c’est eux qui détiennent le silence, qui décident du silence…
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Ce faisant, elle ouvre un espace de réflexion sur l'art. de Cabanel à Mia Khalifa, de Samuel Beckett à Grisélidis Réal, elle tisse des liens entre poésie, pornographie et oeuvres plastiques. Et dévoile ce que notre époque a de singulier et d'universel.
À lire – Rim Battal, x et excès, Castor Astral, 2024 – L'eau du bain, coll. « Poche poésie », Castor Astral, 2024.
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