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Critique de Heval


J'aime bien Azouz Begag. L'auteur du Gône du Chaâba, que j'ai eu l'occasion de lire au collège, me semble sympathique et sincère. Il est drôle aussi. C'est l'image qu'il me donne à voir lorsqu'il apparait sur les quelques extraits d'émissions télé que j'ai pu visionner par curiosité sur Youtube, faute de les regarder sur un poste de télévision dont le contenu ne m'intéresse plus vraiment. C'est aussi l'image qu'il m'invite à construire lorsque je lis son livre Un mouton dans la baignoire. Mais pas seulement…

Dans ce récit, l'auteur raconte son entrée en politique et ses deux années passées dans le gouvernement Villepin, sous la Présidence de Jacques Chirac. C'était en 2006. Informé du rêve politique de l'écrivain, le Premier ministre l'appelle et lui propose une fonction, celui de Ministre de l'égalité des chances. Azouz Begag est heureux, une porte s'ouvre et – il ne cesse de le répéter tout au long du livre- c'est une formidable ascencion sociale pour un homme issu de l'immigration. le bonheur ne dure qu'un temps. le nouveau ministre de l'Egalité des chances fait très rapidement face à la réalité du monde politique, brutal et sans pitié. Un monde où évoluent des hommes et femmes – plus d'hommes que de femmes tout de même – aveuglés par l'ambition, où les mots “sincérité” et “fidélité” sont pratiquement inconnus du langage. Azouz Begag fait également connaissance du monde médiatique- un monde pitoyable, selon lui, qui surf sur les vagues de ragots et de mensonges pour le faire couler, lui, le fils d'immigré; qui tente de faire le jeu politique en exercant des pressions pour la démission de Villepin, affaibli par le CPE et l'affaire Clearstream, et qui veut une confrontation plus ardue encore entre le Ministre de l'Egalité des chances et le Ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy.

Ce passage de deux ans au sein d'un Ministère, Azouz Begag nous le raconte sincèrement, comme il l'a vécu. Il le raconte sous sa forme littéraire, humaine. Il nous livre ses impressions, ses sentiments, ses doutes, ses joies, son inquiétude, les insultes et mépris dont il a fait l'objet. Cet écrivain devenu politique retrouve sa plume pour nous faire part des difficulés qu'un homme de la société civile, sensible comme lui, peut rencontrer dans le monde politique.
Sensible, Azouz Begag semble l'être à grande dose. L'auteur accueille avec difficultés les critiques faites par les journalistes, hommes et femmes politiques ou ce qu'il appelle les réels gens. Il en ressort quelque chose de désagréable. Azouz Begag savoure les compliments lorsqu'ils lui sont fait, ce qui est chose normale, mais s'offusque à la moindre critique, parlant presque de complot, de racisme, de communautarisme. Les journalistes l'insultent et n'y connaissent rien lorsqu'ils précisent qu'Azouz Begag est un Ministre qui n'a pas de poids politique, faute d'administration et de moyens financiers. Les gens réels arabes ou autres l'insultent ou jalousent sa position lorsqu'ils font le même constat. Azouz Begag refuse ces critiques. Non, il sert à quelque chose dans ce gouvernement. Non, il n'est pas l'Arabe de service. Peut être. Peut être qu'en effet, nous, les gens réels, n'avons ni saisi, ni compris ses fonctions. Peut être, qu'en raison de toute absence de communication médiatique, nous nous sommes construit une opinion erronée et loin de la réalité à son propos. Peut être. J'aurais aimé alors qu'il nous explique plus précisemment ses fonctions, ses travaux. le travail d'un Ministre de l'Egalité des chances se résume-t-il à des conférences et à la signature de Chartes? Sur la question de l'efficacité de ses fonctions, je n'ai pas été convaincue. Mais convaincre, est-il le propos de ce livre? Ce livre est-il un outil de communication politique? Difficile à dire. Il n'en reste pas moins que son extrême sensibilité, qui le pousse à tenir des raisonnements peu convaincant, en devient lassant.

L'auteur fait effectivement dans la victimisation constante, en expliquant les critiques par son origine. Journaliste, homme politique ou homme civil lui font une critique? C'est parce qu'il est Arabe. Un Arabe lui fait une critique? C'est par jalousie ou par manipulation. Oui, parce qu'un Arabe qui critique Azouz Begag c'est un arabe jaloux de sa position ou un Arabe manipulé par la gauche et SOS Racisme. Il en ressort un certain ego chez Azouz Begag qui beigne, pourtant, dans une confusion et une incohérence manifeste. L'homme lutte contre le communautarisme mais dénonce l'absence de solidarité entre les Arabes, n'ayant pas accepté les propos sans conséquence de Jamel Debbouze. L'homme refuse que l'on mette en avant son origine algérienne mais ne cesse d'évoquer les autres par leurs origines. Lui, c'est Azouz Begag, Ministre de l'Egalité des chances en France. Les autres? Les autres, c'est les Turcs, les Arabes, les Noirs, les “d'origines maghrébines”. Alors, je n'ai pas bien compris. C'est assez confus. Les désignent-ils ainsi parce qu'ils ne connaient pas leurs prénoms? Pas certaine puisqu'il continue à préciser leurs origines même lorsqu'il les connait. Leurs origines servent-ils d'informations nécessaires pour la communication d'une idée? Est-il, oui ou non, correct de préciser les origines d'une personne? Je n'en vois pas d'inconvénient mais alors pourquoi s'offusquer quand une tierce personne précise son origine, à lui, Ministre?Faut-il crier à un comportement forcément raciste ou discriminatoire lorsqu'on évoque l'origine d'un Ministre?

Et puis, impossible de ne pas remarquer l'incohérence politique de l'auteur. Son livre n'est certes pas un essai politique mais tout de même… Il nous laisse – ou me laisse car chacun son opinion- entrevoir une certaine incohérence dans les idées. Azouz Begag juge invraisemblable les manifestations anti-CPE, se moquant de ces jeunes qui parlent de misère sans jamais l'avoir connue. Azouz Begag explique et raconte qu'on ne connait pas la misère en France, pays riche. Azouz Begag, pourtant, reconnait dans un passage de son livre que des gens vivent dans la misère. Alors? Y-a-t-il de la misère ou pas en France? Et ces jeunes, quand bien même ils n'auraient jamais connu la misère, n'ont-ils pas raison de lutter contre un projet de loi qui, selon eux, leur apporterait la précarité? Doit-on connaitre la misère pour la dénoncer? Ne doit-on pas au contraire lutter pour ne pas avoir à la connaitre? Azouz Begag semble plus enclin à approuver des solutions politiques par pure fidélité pour son auteur, Dominique de Villepin, alors en conflit avec Nicolas Sarkozy. La fidélité est belle, davantage lorsqu'elle est rare, à condition de ne pas conduire à l'incohérence.

En résumé, s'il accueille ma sympathie, Azouz Begag, par son incohérence et ses idées politiques, n'obtiendra pas mon vote…
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