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EAN : 9782844852861
124 pages
Allia (19/09/2008)
3.96/5   23 notes
Résumé :
La fin d’une époque – les conditions du vrai
L’enjeu des affrontements
“De plus en plus, les gouvernements dépêchent des psychologues sur tous les lieux du drame social afin de masquer ses origines non psychologiques.” “Ce n’est pas Orwell qui est désespéré, c’est le monde qui est, de plus en plus, désespérant.”
George Orwell est connu pour avoir écrit 1984 ou La Ferme des animaux, satires du totalitarisme. Il l’est moins pour la réflexion qu’i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cet essai avait un objectif prometteur : restituer la notion de common decency, généralement mal traduite en français mais concept fondamental de l'oeuvre d'Orwell. La décence ordinaire, c'est la qualité morale innée qu'a le peuple de savoir intuitivement ce qui est bon ou pas, et que les élites ont perdu en s'éloignant du peuple. Cette notion est développée tant dans les essais d'Orwell (que je n'ai pas lu), que dans ses romans sociaux. Pour Orwell, les décisions politiques devraient se baser sur ce sens primordial, issu de l'expérience concrète de la vie simple.

Malheureusement, on n'apprend pas grand chose passées les 30 premières pages qui cadrent le sujet, le contenu d'introduction semblant simplement ressassé dans le reste de l'ouvrage à des sauces différentes, sur le mode de l'éloge au maître. L'auteur décrit bien la genèse de cette notion de décence ordinaire au travers des textes d'Orwell, certes, mais jamais ne tente de la secouer, de la “challenger”. Voire d'approfondir les points laissés sans réponse par Orwell lui même, en s'appropriant la notion.

Par exemple, les principes moraux innés qui définissent cette décence ordinaire sont-ils les mêmes en fonction des pays ? Ou plutôt : comment réconcilier cette prétention à forger une morale universelle alors qu'on constate des moeurs et principes moraux différents en fonction des peuples ? Sont-ils donc vraiment universels ? S'ils ont une origine culturelle, d'où viennent-ils ? Sont-ils applicables seulement aux sociétés industrielles, ou par exemple aux sociétés tribales ? D'ailleurs, quel est le périmètre précis des ces principes ? Qu'est ce qui entre dans la common decency ? Des comportements sociaux ? politiques ? Les moeurs aussi ?

Par ailleurs, seul “le peuple” bénéficie selon Orwell de cette capacité à distinguer le bien du mal. Quel est le processus de perte de la common decency chez les élites ? Peut-on entrer dans le monde “d'élite” sans perdre ce sens de la common decency ? Et à quelles conditions ?

On pourrait donc se demander ce que le flou de la définition de la common decency dit de la vision du monde d'Orwell. Mais l'essai ne prendra jamais ce recul.

Toutes ces questions qui semblent aller de soi dès lors que l'on écrit un ouvrage sur la philosophie morale ne sont tout simplement pas abordées - sans doute d'une part par ce que l'objectif de Bruce Bégout est d'abord de rendre hommage à Orwell et à sa conception du peuple, pas de la remettre en question ou de l'insérer dans une analyse dialectique plus large. Et aussi parce qu'Orwell n'était tout simplement pas un philosophe de la morale, seulement un écrivain qui sentait très bien le monde - et c'est déjà exceptionnel. le concept de départ était flou, et il le restera à l'issue de ce livre.
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Eric Arthur Blair naît en 1903 à Motihari, ancienne Présidence du Bengale, actuel Bihar, dans une famille de la bourgeoisie anglaise, influente dans l'administration des Indes. Celui qui allait devenir l'un des écrivains majeurs de son siècle grâce à son roman « 1984 » passe ses diplômes à Eton et devient membre de la police impériale Birmane. Par quel processus Eric Arthur Blair est-il devenu George Orwell?

C'est à cette question, et au concept charnière autour duquel se changement s'articule, que Bruce Bégout, le philosophe et écrivain français consacre son essai « de la décence ordinaire« .

Il narre ainsi l'évolution du jeune homme au service de l'empire: « Voulant en quelque sorte se racheter du fait d'avoir appartenu aux deux plus hautes institutions de l'Empire britannique (la Public School et l'armée coloniale) qui représentent une autorité qu'il a toujours rejetée, il adopte une stratégie d'abaissement social. Il désire partager, de manière expiatoire, le sort de tous les êtres inférieurs et déchus: les coolies birmans, les trimards, les chômeurs, etc. ».

Mais George Orwell réalise vite la portée vaine de ce processus d'auto-avilissement en ce qu'il ne pousse qu'à la haine de soi. Croyant expier ses erreurs dans son rabaissement au près des classes les plus opprimées, il découvre tout autre chose, la « common décency« , ou « décence ordinaire« . Bruce Bégout résume: « La découverte fondamentale d' Orwell est que la décence ordinaire est le revers de l'apparente indécence publique. ».

Orwell exprime donc l'idée que par delà l'éducation, la morale publique ou la culture, il existerait une décence naturelle à l'homme, que l'on contacterait plus aisément dans les classes moins « contaminées » par l'indécence du pouvoir, de la civilisation et de l'argent: « c'est dire que la vie simple est la condition d'exercice immédiate de la simple faculté du sens moral qui, sans cette mise en pratique quotidienne, demeurerait une potentialité vide ». Sans être fondamentalement innée, cette faculté nécessite un bon environnement social. Non pas que l'homme naisse bon, à la manière rousseauiste, mais son sens du vivre ensemble ne peut correctement se développer que dans un environnement qui le rend possible.

Sans pour autant créer la figure utopiste du « bon pauvre », qui aurait en lui les capacités d'un homme juste, dans une conception manichéenne de l'humanité, Orwell suggère que cettecommon decency existe, et ne peut plus se développer dans l'indécence publique que nous connaissons, elle y est au contraire inhibée complètement. Cette faculté est donc commune chez chacun, « la vie ordinaire est le dernier refuge de l'universel ».

La décence ne se confond pas avec la dignité, qui fait appel à une conception rationnelle et supérieure de l'homme. Au contraire la décence n'est que sa tendance à être bon et juste, « elle n'est pas un droit ni ne fonde le droit, mais elle est pré-institutionnelle et, comme telle, ne peut jamais s'exprimer dans un cadre juridique ». C'est finalement un élan de confiance en l'homme, en ce qu'il peut être considéré en dehors du carcan des lois et du droit.

On s'étonnera de cette confiance, de la part d'un auteur qui dépeignait une vision de l'avenir de l'homme aussi noire dans un roman comme « 1984″. C'est la confiance socialiste d'Orwell, que la majorité silencieuse des hommes opprimés prennent un jour la responsabilité de leur avenir, et construisent enfin la révolution des hommes ordinaires.

Emma Breton

N'hésitez pas à visiter le site internet de notre édition: www.dubeditions.com
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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"Un court essai sur la pensée politique de George Orwell et son concept-clé de la décence ordinaire.
C'est instructif mais parfois trop académique pour un tel auteur."
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Si Orwell insiste tant sur la décence ordinaire ("common decency") des petites gens, c'est aussi pour dénoncer, par contraste, l'indécence extraordinaire des élites politiques et intellectuelles. Il en veut tout particulièrement à une catégorie de personnes qui auraient dû, plus que toutes les autres, faire preuve d'un peu plus de décence dans ses prises de positions publiques : les intellectuels. Tout au long de son œuvre, Orwell n'a eu de cesse de critiquer les intellectuels toujours prêts à braver la morale élémentaire pour légitimer des régimes notoirement tyranniques : «La plupart des intellectuels, pour ne pas dire tous, se sont ralliés à une forme de totalitarisme ou à une autre». Le constat est brutal, mais juste, et nous n'avons pas encore mesuré toute l'indignité intellectuelle et morale qu'il souligne.
Certes, Orwell considère que la richesse prodigieuse de l'aristocratie terrienne et le goût du pouvoir de la classe dirigeante sont en eux-mêmes également indécents, mais, par-dessus-tout, il ne peut supporter la trahison des intellectuels. Souvent issus des classes moyennes, voire du peuple, ils semblaient pourtant être les mieux placés pour préserver à tout le moins une once de moralité dans un monde voué à l'exploitation des masses :

«Lorsqu'on voit des hommes hautement instruits se montrer indifférents à l'oppression et à la persécution, on se demande ce qui est le plus méprisable, leur cynisme ou leur aveuglement.» (Essais, articles et Lettres vol IV).
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Là où Joyce et Miller représentent, avec une certaine crudité réaliste, la vie ordinaire, Orwell voit en elle plus qu'un simple matériau littéraire insolite : le modèle indépassable, dans sa fragilité et sa concrétude, de toute vie, ce sans quoi on ne peut concevoir l'humanité elle-même. Et c'est justement parce qu'il la valorise ainsi, qu'il jette sur elle un regard éminemment politique. À une époque qui entendait rénover en profondeur la vie humaine dans tous ses aspects quotidiens, par une mainmise de la technique, de la science et de la bureaucratie, à une époque qui promouvait un homme nouveau, que ce soit l'ingénieur rationnel à la H.G. Wells ou le surhomme totalitaire, bref à une époque qui prétendait dépasser sans scrupules la médiocrité de la vie quotidienne, la décision de valoriser cette vie exprimait déjà une forme d'opposition. Orwell a clairement vu dans le monde ordinaire un pôle de résistance. Car ce monde n'est pas simplement à préserver comme un territoire menacé, mais il est aussi ce qui nous préserve contre la destruction de l'expérience commune et la "mobilisation générale". Ce que les formes tyranniques du pouvoir moderne humilient en effet, ce sont justement ces valeurs ordinaires des gens simples, à savoir ce qu'Orwell nomme, à partir de 1935, la "décence ordinaire" (common decency).
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D'une certaine manière, ce sens moral ne dit jamais ce qui est bien ; il perçoit seulement la nocivité du mal et tente d'en prémunir ceux qui l'éprouvent. Pour cette raison, Orwell voit avant tout dans la décence ordinaire l'expression épidermique d'une résistance à toute forme d'injustice. Elle témoigne du fait que l'homme est mû par autre chose que le seul égoïsme de son auto-conservation. Elle est antithèse sensible de la volonté de puissance entendue ici, en un sens banal et non nietzschéen, comme volonté de dominer. C'est cette répugnance préverbale de l'homme ordinaire qui s'oppose, sous la forme de l'écœurement, à toute espèce de tyrannie. Telle est, pour Orwell, l'unique raison d'espérer en un monde meilleur. Car l'espoir ne se nourrit pas de belles théories sur les lendemains qui chantent, mais surtout sur la capacité humaine de conserver son sens moral en toutes circonstances. À quoi bon rêver d'une société juste et égalitaire si elle ne permet pas à la décence commune de s'y exprimer librement ?
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«Je pense qu'en conservant l'attachement de son enfance à des réalités telles que les arbres, les poissons, les papillons et (...) les crapauds, on rend un peu plus probable la venue d'un avenir pacifique et honnête, et qu'en prêchant la doctrine selon laquelle il n'est rien d'admirable hormis l'acier et le béton, on contribue à l'avènement d'un monde où les êtres humains ne trouveront d'exutoire à leur excédent d'énergie que dans la haine et le culte du chef.»

Citation de George Orwell mentionnée par Bruce Bégout page 38.
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L'homme d'aujourd'hui ressemble assez à une guêpe coupée en deux qui continuerait à se gaver de confiture en faisant comme si la perte de son abdomen n'avait aucune espèce d'importance.

G. Orwell - Essais, articles, lettres. I, 200
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Vidéo de Bruce Bégout
Avec Obsolescence des ruines publié aux Éditions Inculte, l'auteur Bruce Bégout se meut en une forme de grand architecte de la conscience lorsque son regard se pose sur les ruines de notre temps et les constructions urbaines de notre époque. Dans son essai, Bruce Bégout dresse une typologie des ruines qui démontre, à travers l'urbanisme, la distorsion violente et permanente entre le passé et le présent, qui modifie notre rapport aux souvenirs à l'histoire et qui révèle l'ambivalence de nos mondes urbains face au futur. En 2016, Bruce Bégout a reçu la prestigieuse bourse Cioran du Centre national du livre pour son projet d'essai intitulé « La Grande fatigue. Aphorismes pour la fin des temps ».
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