Eric Arthur Blair naît en 1903 à Motihari, ancienne Présidence du Bengale, actuel Bihar, dans une famille de la bourgeoisie anglaise, influente dans l'administration des Indes. Celui qui allait devenir l'un des écrivains majeurs de son siècle grâce à son roman «
1984 » passe ses diplômes à Eton et devient membre de la police impériale Birmane. Par quel processus Eric Arthur Blair est-il devenu
George Orwell?
C'est à cette question, et au concept charnière autour duquel se changement s'articule, que
Bruce Bégout, le philosophe et écrivain français consacre son essai « de la décence ordinaire« .
Il narre ainsi l'évolution du jeune homme au service de l'empire: « Voulant en quelque sorte se racheter du fait d'avoir appartenu aux deux plus hautes institutions de l'Empire britannique (la Public School et l'armée coloniale) qui représentent une autorité qu'il a toujours rejetée, il adopte une stratégie d'abaissement social. Il désire partager, de manière expiatoire, le sort de tous les êtres inférieurs et déchus: les coolies birmans, les trimards, les chômeurs, etc. ».
Mais
George Orwell réalise vite la portée vaine de ce processus d'auto-avilissement en ce qu'il ne pousse qu'à la haine de soi. Croyant expier ses erreurs dans son rabaissement au près des classes les plus opprimées, il découvre tout autre chose, la « common décency« , ou « décence ordinaire« .
Bruce Bégout résume: « La découverte fondamentale d' Orwell est que la décence ordinaire est le revers de l'apparente indécence publique. ».
Orwell exprime donc l'idée que par delà l'éducation, la morale publique ou la culture, il existerait une décence naturelle à l'homme, que l'on contacterait plus aisément dans les classes moins « contaminées » par l'indécence du pouvoir, de la civilisation et de l'argent: « c'est dire que la vie simple est la condition d'exercice immédiate de la simple faculté du sens moral qui, sans cette mise en pratique quotidienne, demeurerait une potentialité vide ». Sans être fondamentalement innée, cette faculté nécessite un bon environnement social. Non pas que l'homme naisse bon, à la manière rousseauiste, mais son sens du vivre ensemble ne peut correctement se développer que dans un environnement qui le rend possible.
Sans pour autant créer la figure utopiste du « bon pauvre », qui aurait en lui les capacités d'un homme juste, dans une conception manichéenne de l'humanité, Orwell suggère que cettecommon decency existe, et ne peut plus se développer dans l'indécence publique que nous connaissons, elle y est au contraire inhibée complètement. Cette faculté est donc commune chez chacun, « la vie ordinaire est le dernier refuge de l'universel ».
La décence ne se confond pas avec la dignité, qui fait appel à une conception rationnelle et supérieure de l'homme. Au contraire la décence n'est que sa tendance à être bon et juste, « elle n'est pas un droit ni ne fonde le droit, mais elle est pré-institutionnelle et, comme telle, ne peut jamais s'exprimer dans un cadre juridique ». C'est finalement un élan de confiance en l'homme, en ce qu'il peut être considéré en dehors du carcan des lois et du droit.
On s'étonnera de cette confiance, de la part d'un auteur qui dépeignait une vision de l'avenir de l'homme aussi noire dans un roman comme «
1984″. C'est la confiance socialiste d'Orwell, que la majorité silencieuse des hommes opprimés prennent un jour la responsabilité de leur avenir, et construisent enfin la révolution des hommes ordinaires.
Emma Breton
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