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EAN : 9782844853493
152 pages
Allia (15/04/2010)
3.44/5   45 notes
Résumé :
L’île éveille d’ordinaire tout l’imaginaire des fictions utopiques. Or, ici, elle devient le lieu idéal du ParK, condensé insolite de toutes les formes de parcs imaginés par les hommes. Le cerveau du projet, Litch, y vit dans une tour d’ivoire. Il est le théoricien de ce qu’il nomme la neuro-architecture, fondée sur les ressorts les plus subtils de la psychologie humaine. Le ParK est un laboratoire à ciel ouvert où s’expérimentent, à la vue de tous, les pratiques fu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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«Tout ce qui peut caractériser en général un parc se retrouve dans le ParK, mais sous une forme inédite et quelque peu fantastique. D'aucuns diront abominable.»

On pénètre dans le ParK sans vraiment le comprendre, dans une ambiance flottante, faites de considérations ambigües qui indiquent l'atroce mais sans le définir. le ParK se trouve sur une île privée, au large de Bornéo. Né du cerveau dérangé d'un architecte fou, d'un business man avisé et aboutissement d'une civilisation malade, le ParK va nous être dévoilé, cocktail abominable du divertissement, du voyeurisme et du mal, Disneyland et Auschwitz unis en un même lieu.

Le narrateur nous expose tout cela avec une distance et une objectivité qu'il veut de bon ton, et qui amplifient encore les cauchemars éveillés qui naissent de ce récit glaçant. Élitisme du ParK, loin de l'affadissement du divertissement de masse, pour une clientèle triée sur le volet ; Visites d'hommes politiques, spectateurs passifs comme des enfants naïfs - on dirait le compte-rendu d'une visite officielle dans les pires dictatures ; Réussite commerciale sur le terreau de l'horreur, avec le langage de l'entreprise et la logique du compte d'exploitation ; Visites détaillées de certaines « attractions », et le clou du spectacle, la parade du soir, « défilé grandiose et apocalyptique ».

On ne peut même pas se rassurer en se disant qu'horreur et perversion sont les maux de demain ; l'histoire se déroule vers l'année 2010…

Spectacle et ordre, distraction et sadisme, dans l'ombre de Ballard, et rappelant Hugues Jallon ou bien Alain Wegscheider (État dynamique des stocks), on ne quittera pas le ParK sans un souvenir fort : « L'expérience du ParK ne nous laissera jamais en paix. »

«Dans les campements, quelques loupiotes surveillent comme les yeux rougis d'un maton insomniaque le sommeil difficile des prisonniers harassés par le travail. Dans les poches d'ombre, les animaux sauvages vadrouillent, maraudent et chassent. le rugissement terrifiant d'un lion se fait parfois entendre jusqu'aux parvis illuminés des boîtes de nuit et glace le sang des clients sortis quelques minutes prendre l'air loin du dancefloor irrespirable.»
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Sur une île au large de Bornéo vous attend le ParK, étrange fusion entre le parc d'attraction et le camp d'internement, lieu exprimant « l'essence de tous les parcs réels et possibles », témoin et vitrine de toutes les tentatives de ghettoïsation et d'enclavement produites par l'espèce humaine. Vous êtes invités à défiler dans un délire forain où les horreurs les plus absurdes du XXe siècle s'accouplent à sa volonté acérée de divertissement. Venez observer la parade, véritable freak show où défilent les mutilés de guerre, venez voir nos zoos, nos prisons, notre hôtel Todeskamp 1 et jouer au casino dans une ambiance stalag, venez admirer de pauvres cols blancs se faire dévorer par des pythons et, peut-être, contre supplément, assister à des exécutions ou scènes de tortures en privé !

Le ParK, c'est l'abominable synthèse de notre société, entre horreur et règne de l'hyper- festif, un rapport sur la banalité quotidienne de la violence et du Mal. Bruce Bégout nous balade entre ses diverses attractions, dans un style neutre, presque clinique, nous transformant en improbables voyeurs, spectateurs plus ou moins réactifs à ce fleuve de tableaux grotesques qu'il nous présente. Il s'inscrit dans la démarche d'un Haneke, qui, avec Funny Games, nous invitait à nous questionner sur le spectacle de la violence au cinéma (ah ! cette terrible scène du coup de fusil où, le temps de quelques minutes, avant rembobinage, le spectateur jubile d'un crime, qui lui semble tout à coup moral) ou d'un Amenabar qui, avec le terrible Tesis, nous demandait jusqu'où nous pouvions voir et accepter l'horreur.

Tout en nous décrivant le mode de fonctionnement du ParK, son architecture improbable, il interroge la probabilité d'une telle galerie des horreurs et les réactions qu'elle pourrait ou non susciter. Qui serait apte à payer 25 000 dollars pour une telle attraction ? Quel genre d'esthète y trouverait goût ? Y-a-t-il une place pour la moralité dans une telle excroissance grotesque de la société ? L'horreur est-elle la prochaine attraction, le divertissement ordinaire des temps à venir ? Quand la normalité ne parviendra plus à ressentir le moindre frisson face aux films d'horreur qu'on lui propose ou aux émissions de télé-réalité dégueulant de bêtise et de sursauts programmés, viendra-t-elle s'abreuver aux marécages ordinaires du ParK ?

Le lecteur ne peut se raccrocher à la figure d'un visiteur en particulier, sur lequel il pourrait projeter ses interrogations, fantasmer d'improbables projections de ses propres réactions. le ParK est central dans ce livre qui ne propose aucun récit, juste une série de descriptions : le « je » qui intervient vers la fin du livre est trop neutre et fuyant pour que l'on s'y (r)accroche. Seul demeure le lieu et ses circonvolutions macabres, dans lequel on promène notre esprit, intrigué et pensif à la fois, visiteur malgré nous.

Les quelques personnages développés – Licht le mal nommé (comment nommer lumière celui qui met en scène de telles obscurités ?), architecte réfugié dans sa tour d'ivoire au loin des contingences mortelles, Kalt, l'homme d'affaires à l'argent aussi froid que son nom, ou Lady W. aux passions reptiliennes- nous semblent être autant d'échos exhibés du ParK. Nous restons seuls et perplexes devant le réalisme de cette architecture du futur, hésitant entre le malaise et la fascination face à cette tumeur trop probable de notre société

Servi par un style froid et analytique, cette courte dystopie est à lire comme un reportage sur les déviances familières de notre société. Indispensable.
Lien : http://www.delitteris.com/in..
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Voici un roman qui n'est pas vraiment un roman. Je ne connaissais pas du tout Bruce Bégout, et voilà une découverte (personnelle j'entends bien) intéressante.
Le Park est un court roman très original. Voici une description assez clinique d'un parc d'attraction d'un nouveau genre. Parc qui attire et révulse en même temps. Son thème? Non pas les dessins animés ou un héros moustachu (quoique) sympathique. le Parc offre à ses rares visiteurs des amusement autour de la question du parcage humain. Toutes les horreurs dont l'homme est capable sont ici présentes pour son plus grand plaisir. Jouer au casino dans un baraquement d'un camp de concentration? C'est possible. Faire des auto-tamponneuses avec des accidentés de la route? C'est possible. Torturer comme à Guantanamo? Mais oui, aussi. Et tout est tellement amusant!!
Le livre pointe du doigt l'attraction que nous pouvons avoir pour les horreurs que sont capables de commettre les hommes contre les hommes. Il y a aussi tout un travail sur l'architecture, que, personnellement, j'ai adoré.
Pas d'action, ou si peu (seul un chapitre raconte une petite histoire), tout le reste n'est que description. Un journaliste fait un travail sur ce parc qui attire les foules, mais qui reste encore assez confidentiel. Il décrit de manière froide les attractions, le mode de fonctionnement du parc, l'organisation, les travailleurs et leurs conditions de vie. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, avec la découverte des Camps de Concentration, nous avions dit "Plus jamais ça". Et pourtant... Ici nous nous amusons avec ces camps, nous n'en sommes plus seulement les témoins qui ne veulent pas voir. Nous y entrons de notre plein gré, nous en profitons, et nous retournons à notre vie. Ce n'est qu'un jeu.
Le lecteur n'est-il pas lui aussi acteur de cette horreur?

J'ai adoré ce livre. L'écriture de Bruce Bégout y est vraiment travaillée, vraiment littéraire. Mais cela reste tout de même un livre un peu difficile à aborder.
Pour lecteurs avertis.
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En 150 pages, un chef d'oeuvre glaçant montre l'âme noire de l'industrie du loisir.

Publié en 2010 chez Allia, "Le ParK" est parfaitement représentatif du superbe et étroit chemin, entre essai et fiction, que pratique Bruce Bégout depuis plusieurs années.

Construit sur une île de tous les fantasmes glaçants (Wells, Bioy Casares, Schoedsack & Pichel, voire Kinji Fukasaku, ne sont pas si loin), oeuvre fantasque et néanmoins pensée dans les moindres détails d'un milliardaire russe et de son âme damnée d'architecte aux visées panoptiques, "Le ParK" matérialise en 150 pages d'une rare densité le nec plus ultra contemporain de l' "entertainment" destiné aux "happy extremely few", et rejoint ici largement les thématiques développées par La Spirale de Laurent Courau sur les divergences désormais essentielles au sein d'une humanité devenue à deux vitesses et demie. Pour les ultra-riches, "Le ParK" met en scène le concept même de "parc d'attractions", et exprime dans toute sa splendeur glauque la nature fondamentalement concentrationnaire de l' "industrie du loisir", la formidablement nommée.

Merveille de langue désincarnée, précise, technocratique, alliant la précision de ceux dont la mort pourrait être le métier au scrupule apparent du journaliste aux ordres, dans un registre voisin du travail langagier d'un Hugues Jallon, "Le ParK" en dit infiniment plus long que bien des essais sur ce qui, ayant fini de menacer, est là.

Une lecture peut-être éprouvante dans sa noirceur chirurgicale à la légéreté toute affectée, mais extrêmement salutaire.
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Le Park est une dystopie très clinique, dans laquelle l'auteur semble pousser l'équation de l'époque contemporaine pour voir où elle nous mène. Destination ? Une île (on pense à un Thomas More renversé ici), où un parce d'attraction concentre divertissements, satisfaction pulsionnelle, et organisation concentrationnaire. En somme, un savant mélange d'absurde, de jouissance, et de normalisation des comportements, gérant les cobayes que nous sommes tous devenus pour nous-mêmes. Pas inutile de connaître aussi bien Foucault que Nietzsche ou Heidegger pour saisir les intentions de l'auteur. Mais cela reste un roman accessible, clair, et qui se lit facilement. Glaçant et intéressant. Pas mal.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Peut-être est-il temps de dire, à ceux qui ne l’auraient pas déjà compris, en quoi consiste exactement le ParK. Le principe en est très simple. Son concepteur a voulu rassembler en un seul parc toutes ses formes possibles. Le ParK associe ainsi, en une totalité neuve, une réserve animale à un parc d’attractions, un camp de concentration à une technopole, une foire aux plaisirs à un cantonnement de réfugiés, un cimetière à un Kindergarten, un jardin zoologique à une maison de retraite, un arboretum à une prison. Mais il ne les associe pas de manière à ce que chacun de ces éléments maintienne son autonomie et continue de fonctionner à part. Il les combine entièrement, joint tel caractère à tel autre, jette des ponts, mélange les genres, confond les bâtiments, agrège les populations, intervertit les rôles. Il s’agit donc de mettre en rapport ce qui n’a justement pas de rapport, hormis sa référence minimale au parcage. De là naît un paysage synthétique qui mixe fête foraine et dystopie urbaine, un terrain d’essais pour l’hybridation architecturale et sociale.
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C’est que, si l’on y réfléchit bien, l’homme a du mal à supporter son ouverture absolue au monde. L’absence de limites lui saute à la gorge et l’étrangle fortement. C’est cette expérience douloureuse de l’abîme sans bord ni fond qui le pousse à refouler continuellement l’espace infini et à se calfeutrer derrière les barrières matérielles et symboliques de sa propre production artificielle. L’homme ne croît et ne prospère qu’à l’intérieur de limites qu’il a lui-même érigées comme autant de murs d’enceinte qui le protègent contre l’indétermination du dehors. Le parcage est la solution pratique à la crainte paralysante de l’Illimité. Parquer les hommes comme des bêtes, c’est avouer par là même le besoin urgent de l’autodomestication.
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En un sens, tous les qualificatifs suivants peuvent à bon droit s'appliquer au ParK : étonnant, horrible, révoltant, merveilleux, capitaliste, totalitaire, impie, bouleversant, cyclopéen, ignoble, américain, utopiste, délirant, mystique, écœurant, éloquent, hypermoderne, inquiétant, impressionnant, vulgaire, nihiliste, stupide, magique, prophétique, extraordinaire, abject, actuel. Mais quels que soient l'idée que l'on se fait de ce lieu, le jugement favorable ou défavorable que l'on émet à son égard, l'impression agréable ou désagréable que provoque aussitôt son évocation, demeure éternellement vrai ce simple état de choses : il existe, et est tel qu'il se présente. Ni plus, ni moins. Il est cependant vain d'escompter que les éclats effervescents de cette architecture imaginaire suggèrent autre chose que de terribles révélations chuchotées à une oreille inquiète par la voix caverneuse d'un être malfaisant. Une fois entreprise, nul ne peut se soustraire à l'épreuve du ParK, et à ses effets perturbateurs sur le long terme. Et tandis que nous essayons de reprendre notre esprit et de le convaincre du caractère somme toute puéril de ces faux cauchemars orchestrés par la main d'un "Entertainer" facétieux, les souvenirs hideux de lectures horrifiques nous reviennent en mémoire et accréditent, sans la moindre hésitation, les premières impressions infâmes. Décidément, l'expérience du ParK ne nous laissera jamais en paix.
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" Sa majuscule signale sa singularité absolue. Ce lieu exprime en quelque sorte l’essence universelle des parcs réels et possibles. C’est le parc de tous les parcs, la synthèse ultime qui rend tous les autres obsolètes. "
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Le besoin de délimitation configure notre être au mépris de notre désir d'infini.
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Vidéo de Bruce Bégout
Avec Obsolescence des ruines publié aux Éditions Inculte, l'auteur Bruce Bégout se meut en une forme de grand architecte de la conscience lorsque son regard se pose sur les ruines de notre temps et les constructions urbaines de notre époque. Dans son essai, Bruce Bégout dresse une typologie des ruines qui démontre, à travers l'urbanisme, la distorsion violente et permanente entre le passé et le présent, qui modifie notre rapport aux souvenirs à l'histoire et qui révèle l'ambivalence de nos mondes urbains face au futur. En 2016, Bruce Bégout a reçu la prestigieuse bourse Cioran du Centre national du livre pour son projet d'essai intitulé « La Grande fatigue. Aphorismes pour la fin des temps ».
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