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EAN : 9782081293656
255 pages
Flammarion (07/01/2015)
4.19/5   85 notes
Résumé :
Emma Picard et ses quatre enfants se sont installés entre Sidi Bel Abbes et Mascara à la fin des années 1860. Le gouvernement tentait de peupler l'Algérie récalcitrante et offrait aux colons des terres agricoles. L'auteur fait revivre cette période effroyable pour les colons pauvres confrontés à une avalanche de catastrophes naturelles.
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 85 notes
"Tu te souviens, Léon?"

Une mère, harassée, veillant dans l'ombre son dernier fils, retrace en monologue et incantations de malheurs répétés, les épouvantables années de l'installation familiale comme colons agricoles sur terre algérienne.

Les colons de la première heure: forts de leur bon droit de propriétaires de terres françaises, ils font face hargneusement, armés de courage à revendre, de volonté de se battre et de résister à la chaleur infernale des étés, à la sécheresse, au froid glacial des hivers neigeux et venteux, à la vitrification de leur champs par les sauterelles, au déluge, aux tremblements de terre et aux maladies.

Mais le combat semblait perdu d'avance pour la jeune veuve Emma Picard, et ses quatre fils, venus d'Alsace, confiants dans le discours du gouvernement français du second Empire qui leur offre 20 hectares de terres dans un pays de cocagne.

"Seigneur Dieu qu'avions nous fait nous autres pour être punis de la sorte?"
Un Dieu enragé pour une femme pétrie de culpabilité.

Avec le lyrisme d'une tragédie antique, Mathieu Belezi clôt ici sa trilogie sur l'Algérie Française et fait revivre les débuts de la colonisation, dans les destins bien différents des grands propriétaires terriens venus exploiter le pays. Une vie de chien et de misère assez proche de celle des autochtones, une vie de malheurs due à l'entêtement, à la persévérance destructrice et à l'attachement viscéral à la terre. Une tragédie humaine dans une période où le pays subit famine et catastrophes naturelles majeures.

La narration ne lâche pas un instant le lecteur, oppressante, sans chapitre et paragraphe, partagée entre les souvenirs de femme vieillie avant l'âge, qui ressasse à la frontière de la folie, et le récit vibrant et dramatique du quotidien de la ferme dans les collines.

Dans la nuit africaine, tout est dit... le fils n'a pas prononcé un mot et la femme s'est tue.

Sombre et magnifique!
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« Mais avant de me taire, il faut que je dise dans quel enfer on nous a jetés, nous autres colons, abandonnés à notre sort de crève-la-faim sur des terres qui ne veulent et ne voudront jamais de nous. »
À qui s'adresse Emma ? Tour à tour, à Dieu, aux hommes ? Qui prend-elle à témoin de la vie de misère qu'elle et ses quatre fils connaissent sur cette terre d'Algérie, qu'un jour « un homme à cravate assis derrière son bureau de fonctionnaire » lui a fait miroiter comme la chance de se construire une nouvelle vie ? Vingt hectares dont elle serait propriétaire, elle qui n'a jamais rien possédé, rien décidé : une telle promesse ne se refuse pas, alors qu'il faut qu'elle subvienne seule aux besoins de ses enfants en cette deuxième moitié du XIXe siècle. Mais, dès leur arrivée, les terres révèlent leur hostilité et l'absence d'eau en quantité suffisante pour espérer des récoltes satisfaisantes. Qu'à cela ne tienne, Emma n'a pas traversé la Méditerranée pour baisser les bras. Une lutte à mort s'engage contre les éléments pour faire de son carré de poussière un lieu de vie digne pour ses enfants, aidée en cela par Mékika, l'Arabe qui s'est mis au service de la famille dès le premier jour.
Mais c'est surtout à Léon qu'elle parle, le plus jeune de ses fils, « allongé comme un mort vivant », que son récit semble avoir pour but de maintenir éveillé.
Au fil du roman la voix d'Emma bouscule et bouleverse. Cette femme qui se tient debout pour elle-même, pour ses enfants, malgré la déception, la souffrance, le désespoir et le deuil. Tout au long du livre j'ai eu envie de lui crier de partir, de se mettre à l'abri de toute cette hostilité, de tout ce malheur, mais pour aller où ? Elle, Emma savait bien qu'il lui fallait continuer de tomber et de se relever encore et toujours sur cette terre qu'elle espérait pouvoir faire sienne.

"Un faux pas dans la vie d'Emma Picard" est un grand roman, de ceux dont on ne ressort pas indemne.
Mathieu Belezi nous livre le portrait d'une femme courageuse, forte et vulnérable à la fois, prête à tout pour trouver un peu de sérénité pour elle et ses fils à défaut de bonheur.
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Emma raconte.
Un long, répétitif et douloureux récit.
Une partie de l'Histoire que je ne connaissais pas : l'envoi de français en Algérie par le gouvernement français. Une ferme et une vingtaine d'hectares de terre leur sont offerts. Mais c'est un cadeau empoisonné. C'est sans compter sur la rudesse du climat, la sécheresse, le vent, les vols de sauterelles, les pluies, les tremblements de terre….. mission quasiment impossible.
Du labeur… de la sueur… pour si peu de résultats.
Emma est touchante, pathétique. Quitter son Alsace natale, seule avec ses quatre fils pour cet hypothétique Eldorado ! Que n'a-t-elle enduré !
La forme du récit est particulière. Pas de points, pas de majuscules. Un long monologue entrecoupé de paroles en italique adressées à son fils Léon qui jamais ne répond..
Déstabilisante au début, elle rajoute finalement de la force aux paroles d'Emma. Elle nous tient en haleine pour ne rien perdre de cette désespérance d'une femme vaincue.
C'est un fort beau roman que nous offre là Mathieu Belezi
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Quand ça veut pas, ça veut pas… cela pourrait être un résumé simpliste de la vie d'Emma Picard.
Lorsqu'Emma se retrouve veuve avec ses 4 enfants, le gouvernement français et l'administration coloniale lui offrent 20 hectares de terres à cultiver, là-bas, en Algérie : un rêve inespéré pour une pauvre veuve sans avenir !
Mais le destin est parfois cruel, s'acharne, et les efforts inhumains d'Emma et de ses fils pour rendre fertile une terre aride sous un climat infernal ne seront jamais couronnés de succès : dans une litanie tragique, Emma rappelle au dernier fils qui lui reste l'accumulation implacable de catastrophes dont sa famille a été victime.
Tragique est un doux euphémisme pour décrire le séjour d'Emma Picard sur ces terres algériennes où les colons s'efforcent de bâtir un empire. Certains réussiront, d'autres non. Et Emma fait partie de ceux-là dont le destin était scellé dès le départ par une administration coloniale indifférente au sort des colons qu'elle a expédiés braver la sècheresse, le froid, la canicule, les sauterelles et autres calamités africaines.
Un récit magnifique et puissant qui prend aux tripes et rappelle ce qu'était la colonisation : pas toujours un jackpot pour les heureux gagnants…
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Emma Picard n'a pas eu une vie facile, c'est le moins que l'on puisse dire. Nous sommes dans les années 1860. Seule avec ses quatre fils, elle entreprend un voyage vers l'Algérie où l'attend une ferme de 20 hectares. «La France» a promis à Emma une vie d'apprentie-colon, prospère et heureuse. Une promesse fabuleuse qui se ternira au fur et à mesure du trajet et dont l'infime espoir s'envolera à la vue de sa terre, misérable. Elle nous raconte son périple et ses années algériennes. Pour être plus exacte, elle les rappelle à la mémoire de son plus jeune fils qui agonise sur un lit. Nous sentons très vite qu'elle regrette son choix. Elle se lamente sur cette décision qui a ruiné sa vie. Emma Picard va aller de désastre en désastre, un cercle sans fin rythmé par des saisons impitoyables. Sécheresse, nuage de sauterelles, maladies,.. rien ne lui est épargné.
L'auteur nous offre le portrait d'une femme qui, malgré les coups durs du sort, tente de rester debout. Portée par une opiniâtreté et un besoin de croire en des jours meilleurs, elle avance coûte que coûte, jusqu'où ses forces pourront la porter.
J'ai été touchée par cette héroïne courageuse, par sa voix dure, ses propos fatalistes dans lesquels ne transparaît aucune compassion envers elle-même. Coupable, elle le revendique jusqu'à en perdre la foi.
Le style de l'auteur, à la ponctuation rare, nous aide à écouter cette femme par sa fluidité. C'est un roman que j'ai lu pratiquement d'une traite, emportée par cette triste confession et par l'évocation d'un pays qui se laisse difficilement apprivoisé.

J'ai reçu ce livre dans le cadre de "Masse critique", je remercie Babelio et les éditions Flammarion pour ce cadeau.
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critiques presse (6)
LeSoir
16 avril 2015
L’écrivain voyage dans l’Algérie de 1860.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Telerama
18 mars 2015
Ce texte, qui clôt une trilogie romanesque sur l'aventure coloniale française, aurait pu aussi bien l'ouvrir. Il en est, en tout cas, par ses qualités formelles, une forme de couronnement.
Lire la critique sur le site : Telerama
LeFigaro
09 mars 2015

Un grand chant panthéiste, comme Giono en composa pour la Provence. Une magnifique célébration claudélienne de la terre d’Afrique et de ses divinités maléfiques, acharnée à repousser les hommes venus d’ailleurs.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
09 mars 2015
Le style éblouissant de Mathieu Belezi
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lhumanite
09 mars 2015
Une nouvelle fois, en laissant se dévider ce flux de conscience, l'écrivain réussit le tour de force d'élever l'une de ses figures en véritable allégorie de la perversion coloniale. Plus qu'une performance littéraire de haute volée, une façon révolutionnaire de reprendre le récit historique
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LaLibreBelgique
03 février 2015
"Un faux pas dans la vie d’Emma Picard" de Mathieu Belezi est un roman bouleversant, d’une écriture éblouissante. Il raconte comment la terre algérienne a englouti Emma et ses quatre fils. Et rappelle l’époque oubliée, censurée, de la colonisation de l’Algérie.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Et moi qui ne voulais pas me taire, qui voulait au contraire dénoncer la rouerie des discours des hommes en cravate assis derrière leurs bureaux de fonctionnaires, je me suis laissée tomber sur une chaise, mère foudroyée, mère anéantie, mère vaincue peut-être.
Mais femme portant encore en elle des restes de fierté qui me commandaient de poser les mains à plat sur mes cuisses, et de redresser la tête, et de raconter.
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Est-ce votre première expérience en Algérie? Oui ça l'est, leur ai-je répondu, alors ils ont voulu me mettre en garde contre l'Arabe avec qui j'allais devoir vivre au quotidien, Comment hélas faire autrement ? se sont-ils lamentés, et puisque nous tous Français de France, Espagnols, Italiens avons la lourde tâche de mener à bien l'entreprise d'aménagement agricole et industriel de ce malheureux pays, il ne faut jamais oublier de garder un œil, et le bon! sur l'Arabe qui travaille à nos côtés, car l'Arabe, voyez- vous madame, est un être imprévisible sur lequel nous ne pouvons absolument pas compter, menteur tout autant que voleur, paresseux, sournois, il est capable des pires violences, et ce au moment où l'on s'y attend le moins alors prenez garde!
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j’espère que tu as fini par t’endormir, et que tu ne m’entends pas te raconter tout ça, mon pauvre fils, j’espère même que tu dors sur tes deux oreilles et que tu ne m’entends pas te déballer dans le détail l’histoire de notre aventure coloniale, comme si c’était vital pour moi de forcer ma nature et d’accepter le grand déballage de mes fautes, car fautes il y a

les grillons ont beau chercher à m’entortiller la mémoire en répétant la note têtue de leur rengaine nocturne au seuil de la porte qui marque la frontière entre eux et moi, ils ne sauraient me convaincre du contraire

oui fautes il y a, dans la mesure où je n’ai pas su comprendre que je n’avais rien à faire sur ces terres africaines, rien à conquérir, rien à construire, rien à espérer, surtout pas une vie meilleure, car l’Algérie était bien incapable de m’offrir quoi que ce soit

Léon, si je ne m’étais pas laissée berner par la France, vous seriez tous encore en vie et tous autour de moi, alors ne m’en veux pas de te raconter ce qui se raconte et ce qui ne se raconte pas dans la vie d’une femme, c’est l’heure de mon grand déballage

l’heure de forcer ma nature, de ravaler mes pudeurs, et de ne pas avoir peur d’être grossière si c’est nécessaire

mais j’espère quand même que tu ne m’entends pas te raconter tout ça, mon pauvre fils
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dans la lumière indifférente de ce soir d'Algérie le temps paraissait s'être immobilisé, et nous autres, pris sans le savoir dans cette immobilité de marionnette, avions comme cessé de vivre, cessé de respirer, cessé d'être, alors que le soleil n'en finissait pas de chuter au-dessus de l'horizon, et que les hirondelles avaient les ailes clouées au ciel (p.121)
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Ils se sont assis, chacun avait sa place après quatre semaines de vie à la ferme, moi à un bout de la table, deux fils à ma droite, deux à ma gauche, et Mékika à l'autre bout, car jusqu'à la fin Mékika a mangé avec nous, les gens avaient beau me dire qu'un Arabe n'a pas à s'asseoir à la table de ses maîtres, que ma façon de faire me vaudrait un jour ou l'autre les pires ennuis, j'ai toujours considéré qu'un homme qui travaille dur dans mes champs, soigne mes bêtes et entretient mes outils, a le droit de manger à ma table ce que je mange, qu'il soit Breton ou Arabe
et je n'ai jamais changé d'avis
même si les couteaux des congénères de Mékika ont souvent menacé la vie des colons, même si ces mêmes couteaux ont égorgé d'épouvantable façon des familles entières
non, je n'ai jamais changé d'avis
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