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André Gabastou (Traducteur)
EAN : 9782234052642
84 pages
Stock (01/09/2000)
3.74/5   19 notes
Résumé :
Un travesti transforme son salon de beauté en mouroir pour personnes atteintes d’un mal incurable. Un très beau texte où la naïveté flirte avec l’horreur qui n’est jamais dévoilée.

Une réflexion sur le corps et son dépérissement.

Publié en français chez Stock en 2000
Finaliste du Prix Médicis étranger
Texte révisé par l’auteur en 2013
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Quelques gouttes dans un verre, ou un côté "si-je-prenais-soin-de-mon-corps" conjugué à un "si-je-me-faisais-une-couleur" me poussent à pénétrer l'antre de ce Salon de beauté. Un accueil chaleureux, couleur chatoyante, calmitude et zénitude pour profiter des rayons de soleil qui se couchent avant la nuit chaude qui m'attend dans les ruelles mexicaines. Tenu par un travesti extravagant mais avec l'âge introverti, il a le sens de la déco et l'amour de son prochain.

Pour l'ambiance, des dizaines d'aquarium, les poissons ça calme, ça rend serein, ça rend zen ? Ça aide à oublier le monde et sa relative cruauté. Il m'explique qu'il a commencé avec des guppies, parce que c'était plus ou moins faciles à élever, avant de relever le défi sur des poissons plus colorés ou plus carnivores.

Un mal incurable, poisseux, quelques pestiférés tabassés dans les rues. Pour l'amour de son prochain, ses activités de « salon de beauté » ont dérivées pour prendre en charge des personnes dont personne ne voulait, des malades, des vieux, des fins de vie que l'on souhaite se décharger. C'est mieux qu'une décharge, mais cela reste quand même un mouroir. Mais un mouroir humain.

C'est un beau texte, auteur mexicain, qui pousse à la réflexion sur notre corps et notre déchéance, et par conséquent sur notre société. le pathos qui pourrait facilement s'écouler dans ce genre de sujet n'est jamais présent. A la place, je trouve de la compassion et de l'humanité. Quelques scènes autour de la tenue des aquariums et des différents poissons que l'on peut y trouver, comme un parallèle à la vie humaine. le dernier aquarium s'éternisera-t-il dans une décharge à ciel ouvert ? Je me dis d'ailleurs que ça pourrait faire un beau film chiant, et moi j'adore les films chiants, ça me repose et surtout il y a tant d'âme dans les films chiants, bref, je ne vais pas étaler ma vie cinématographique sur la place publique, j'ai mieux à faire comme de finir ce Diplomatico, place centrale, trompettes mariachis, vue sur les chiottes, au coin du mouroir, ce « salon de beauté » de dernière génération.
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Je, est celui qui raconte son histoire. Il n'a pas de nom, il est seulement Je, un travesti, coiffeur et propriétaire d'un salon de coiffure. Bien que celui-ci soit mixte, ce sont essentiellement des femmes qui viennent s'y faire coiffer, car elles semblent « indifférentes au fait d'être soignées par des stylistes portant presque toujours des vêtements féminins ».

Pour se démarquer des autres salons du quartier, et lui donner un peu de luxe, Je, a choisi de l'équiper d'aquariums ou évolueront des poissons. Différentes sortes de poissons, non fragiles ne nécessitant pas de soins particuliers, dont la vue et les circonvolutions détendront ses clientes, « qu'elles aient pendant leurs soins l'impression d'être immergées dans une eau cristalline avant de réapparaître à la surface, belles et rajeunies ».

Je, nous détaille ses choix sur les futurs occupants des aquariums, les soins prodigués, mais également leur mort somme toute assez tragique. Parallèlement, il se laisse aller à des confidences sur son passé, sa vie, et ses frasques avec les 3 autres coiffeurs. Sur le changement qui s'est opéré sur le salon et la tâche qu'il s'est donnée d'accomplir.

Ce salon initialement destiné à la beauté, s'est transformé, un peu par hasard, en mouroir, non pas en un hôpital ou une clinique, mais seulement en mouroir – le premier pensionnaire qu'il a accepté, l'a été à la demande d'un des compagnons qui travaillait avec lui. le jeune homme avait été abandonné par son ami dès que celui-ci avait appris sa maladie, aucun hôpital, ni sa famille ne voulaient l'accueil ni le prendre en charge. Privé de ressources, il ne lui restait qu'à mourir dans la rue -.

Les règles sont très strictes. N'y sont admis que les malades en phase terminale, les dons d'argent en espèces, les confiseries, et le linge de lit. Pour faire face à cette nouvelle étape du salon, tout le matériel professionnel a été vendu, pour acheter, des lits métalliques, des matelas de paille, des ustensiles. Les miroirs ont été retirés pour éviter la vue de la multiplication de l'agonie des occupants.

Je, s'active seul - Surtout pas d'associations, ni de soeurs de la charité, qui viendrait prier pour les malades, pas de femmes, aucun médicament. - auprès de ses pensionnaires, ceux-ci ne manquent de rien. Il va jusqu'à affronter les habitants du quartier qui veulent faire brûler le mouroir mais qui s'arrêtent à la porte, rebutés par l'odeur qui y règne. Un jour, Je se sens plus faible. Il découvre des taches sur sa peau, et comprend alors que son tour est venu, mais que lui sera seul, ses compagnons étant déjà morts. Il s'inquiète alors du devenir de son salon lorsqu'il sera trop faible pour se lever. Je, pense qu'il fermera toutes les ouvertures, n'ouvrira à personne. Et peut -être que les institutions pour qui aider est une forme de vie, défonceront la porte. On comptera parmi elles, « les Soeurs de la Charité » et les associations à but non lucratif. Mais le plus probable est que quelques jours plus tard, ils défonceront la porte et « me trouveront mort, mais entouré de la splendeur d'autrefois ».

Ce n'est pas un livre larmoyant, ni même triste. L'auteur maintient une distance entre l'écriture et le tragique de la situation. Son personnage semble indifférent et résigné à l'inéluctable. C'est beau, c'est fort, ça vous prend au creux de l'estomac. J'ai adoré ce récit, bien qu'il m'ait bouleversé !
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Salon de beauté est initialement paru chez Stock en 2000 et a été finaliste du Prix Médicis étranger, Christophe Lucquin le présente dans une version révisée par l'auteur et dans une nouvelle traduction faite par les soins de l'éditeur. C'est un beau travail, un beau texte, littérairement irréprochable -tant le texte originel j'imagine car je ne parle pas espagnol que la traduction, mais il me semble impossible de faire d'un mauvais texte une traduction excellente littérairement parlant-, court (75 pages) et intense. Ce qui est curieux c'est que l'on sort de ce texte avec l'idée qu'il était plus long, Mario Bellatin aborde pas mal de points, comme la création du salon de beauté, sa décoration avec de grands aquariums et les débuts et la progression du narrateur dans l'art d'élever des poissons (ces passages me rappellent une nouvelle tirée du recueil Les furies de Boras, d'Anders Fager, publié chez Mirobole, qui s'intitule Trois semaines de bonheur) et bien sûr l'arrivée des malades, les soins qu'il leur apporte, la malveillance et la peur des voisins, le désir de "récupération" de son activité par les institutions religieuses (à propos de ce dernier point, une phrase a résonné en moi immédiatement, la troisième de l'extrait suivant : "Pas comme les soeurs de la Charité qui dès qu'elles ont appris notre existence ont voulu nous aider dans nos tâches et prier pour nous. Ici personne n'accomplit aucun sacerdoce. le travail qu'on y fait obéit à un sens plus humain, plus pratique et réel." (p. 60/61) J'aime beaucoup et adhère à cette dernière phrase qui place l'humain au-dessus de la religion et précise que les valeurs religieuses sont d'abord et avant tout des valeurs humaines que les églises ont voulu préempter.
La maladie n'est jamais nommée, on peut raisonnablement penser qu'il s'agit du sida qui fait toujours des ravages, dès lors, on se doute que le texte ne sera pas léger au contraire de ce que pourrait laisser penser le titre du livre qui, effectivement évoque une certaine superficialité, un certain culte du corps et de la beauté, alors que le narrateur et le lecteur se confrontent directement à la mort et au dépérissement des corps, la réalité la plus tangible qui soit !
Rien n'est en trop dans ce roman, les passages sur les aquariums et les poissons qu'on pourrait juger plus légers parlent également de la mort, des corps sans vie dont il faut bien se débarrasser, le parallèle est saisissant. On peut parfois reprocher à des textes courts de l'être un peu trop, mais ce n'est pas le cas ici, car Mario Bellatin va à l'essentiel, et comme je le disais plus haut on a l'impression d'avoir lu un roman plus gros ; de fait, la densité d'un roman n'est pas forcément directement liée au nombre de pages. J'aurais pu citer moult extraits, mais je me suis vite aperçu que j'aurais voulu citer le texte dans son intégralité.
Que le thème général ne vous refroidisse pas, ce roman est d'une beauté rare.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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Un auteur s'attache-t-il à rendre ses personnages, sinon charismatiques, tout du moins attachants ?
Assurément pas Mario Bellatin.
Ce roman sombre narre l'histoire d'un travesti mexicain apathique qui a l'idée de transformer son salon de beauté en mouroir pour malades en fin de vie.
Les règles y sont strictes : que des hommes qui sont infectés par cette maladie que l'auteur ne nomme jamais.
A lire bien disposé moralement.
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C'est un véritable exploit d'arriver en seulement quelques pages à créer un univers aussi riche de détails et d'émotions, et à donner vie à un narrateur avec autant de dimensions. Une très belle réussite.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
J’ai acheté un aquarium de taille moyenne et j’y ai mis une femelle enceinte, une autre encore vierge et un mâle à la longue queue colorée. Le lendemain matin, le mâle était mort. Il était couché sur le dos entre les pierres multicolores que j’avais disposées au fond de l’aquarium. J’ai tout de suite pris le gant en caoutchouc avec lequel je faisais les teintures des clientes et j’ai enlevé le poisson mort. Les jours suivants, il ne s’est rien passé d’extraordinaire.
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Quelquefois, je me préoccupe de l’avenir du salon, quand la maladie se déchaînera. Jusqu’à présent je n’ai ressenti que quelques signes, surtout externes, comme la perte de poids et la baisse de moral. Je n’ai développé aucun signe interne. Il y a un instant, j’ai fait référence à la puanteur et à l’habitude, car mon nez ne sent quasiment plus les odeurs. Je m’en rends généralement compte quand je vois les grimaces de dégoût que font les gens de l’extérieur, après avoir mis à peine un pied ici. C’est pourquoi j’ai conservé l’un des aquariums en eau avec deux ou trois poissons rachitiques dedans. Même s’ils ne reçoivent pas autant de soins qu’avant, j’ai l’impression que quelque chose de frais persiste dans le salon. Néanmoins, on dirait qu’une raison inconnue m’empêche de m’occuper d’eux comme il faut. Hier, par exemple, j’ai trouvé une araignée morte qui flottait les pattes en l’air.
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"Il y a quelques années, mon intérêt pour les aquariums me conduisit à décorer mon salon de beauté avec des poissons de différentes couleurs. Maintenant que le salon est converti en un mouroir où vont terminer leurs jours ceux qui n'ont aucun autre endroit pour le faire, il m'est très difficile de constater que les poissons ont peu à peu disparu." (p.7)
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Il est curieux de constater que les poissons peuvent influer sur l’humeur des personnes. Par exemple, quand je me suis pris de passion pour les carpes dorées, en plus du calme que m’apportait leur contemplation, j’étais en perpétuelle quête de quelque chose de doré pour orner les robes que je portais pour sortir la nuit. Ça pouvait être un ruban, des gants ou des hauts en maille. Je pensais que quelque chose de cette couleur pouvait me porter chance. Peut-être m’éviter de tomber sur la bande de petites frappes qui rôdaient dans le centre-ville. Beaucoup ne sortaient pas vivants des attaques de ces malfrats, et je crois que si quelqu’un s’en tirait, c’était encore pire. Dans les hôpitaux où on les acceptait, ils étaient toujours traités avec mépris. Bien souvent, on ne voulait pas les recevoir, de peur qu’ils ne fussent contaminés. À compter de ce moment-là, la compassion qui me poussait à recueillir ces compagnons blessés qui n’avaient aucun lieu où aller vit le jour. C’est peut-être ainsi qu’est né ce triste mouroir que j’ai le malheur de tenir.
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La campagne de dénigrement fomentée dans le quartier où se trouve le salon a fait que, plus d’une fois, j’ai craint pour ma vie quand je sortais dans la rue.
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