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Critique de Jahro


A partir d'un destin hors du commun, Tahar Ben Jelloun se lance dans une étude originale de la perception et de sa retranscription.

On découvre Ahmed, né femme dans un monde tournée vers l'homme, masculinisé de force et de ruse par son père pour tromper l'ennemi, l'autre, la communauté.
Mais vivre un autre que soi n'est évidemment pas si simple.

Pour raconter cette histoire, l'auteur multiplie les styles et les tons à travers plusieurs couches de récits. Il y a sa propre voix, anonyme et détachée ; il y a le conteur virtuose vers qui toute la rue converge. Il y a le héros, qui se révèle dans sa correspondance entretenue avec lui-même. Il y a enfin ces badauds qui écoutent, tentent de comprendre et reformulent avec leurs mots. de proche en proche, le message se propage et s'altère, s'imprègne des sensibilités, force ici ce qui s'efface là, devient un mythe tantôt raillé ou vénéré.
La vérité, elle, attend son heure. de l'être au centre de tout, de ses souffrances et des joies, ses fiertés, ses doutes, il ne reste pas grand-chose. Débarrassée des rêveries des uns et des excès des autres, la plume n'offre plus que traces, impressions, tromperies.

Et c'est dommage. Car dès les premières pages, quand c'est l'absent qui narre, on est happé par ce style que maitrise si bien l'Orient depuis des millénaires, cette approche faite d'aventures, de dépaysement et d'amours qui fait le charme des contes des Mille et une nuit et que préservent encore quelques héritiers, Amin Maalouf par exemple.
On aurait aimé passer plus de temps avec cette atmosphère, s'abandonner au souffle du désert que hante la voix du muezzin, entrer dans les souks et partager le pain de l'habitant. On aurait aimé creuser la souffrance de cet homme-femme respecté pour un autre et rejeté pour ce qu'il est. On aurait aimé disséquer cette société unijambiste qui n'a d'intérêt que pour le sexe fort et méprise le faible comme un ersatz nécessaire.

Mais là n'est pas l'objet du livre.
Ben Jelloun se borne à mimer chaque tonalité, s'amuse avec les genres et s'abandonne dans les songes les plus confus. Et il nous perd. Sans doute ne suis-je pas assez rompu à la poésie mystique pour apprécier, n'empêche que tout cela laisse une impression gênante de vain narcissisme.
Et pourtant il y a quelque chose. Un vrai talent peut-être mal dirigé mais qui promet, une maestria des mots qui laisse la porte ouverte au sceptique et l'invite à retenter la chance par la suite.

Cette suite, elle existe : La nuit sacrée. Rendez-vous dans quelques jours.

2,5/5
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