A la fin de sa vie, la mère de
Tahar Ben Jelloun a été atteinte par la maladie d'Alzheimer. Pendant des journées entières, alors qu'il venait le plus souvent possible passer du temps à ses côtés et la veiller, l'auteur l'a écoutée dans ses moments de lucidité comme dans ceux où elle perdait pied et où la réalité n'avait plus de prise sur elle. Malgré la souffrance ressentie face à sa propre impuissance, il a pu découvrir celle qui lui a donné la vie. Les souvenirs qu'elle lui offrait au fur et à mesure de ces longues heures douloureuses ont permis à l'écrivain de reconstituer sa vie dans la ville de Fès des années trente et quarante et de plonger dans les ressentis de la fille, de l'épouse et de la mère qu'elle avait été. Il nous confie lui-même que ce récit est celui d'une vie dont il ne connaissait rien, ou presque.
Mon avis : Quel roman biographique grave et douloureux que celui que nous livre ici
Tahar Ben Jelloun . Et quel magnifique hommage à cette mère qui a voué sa vie aux siens, oeuvrant sans cesse pour leur bien-être, attentive à leurs avancées dans l'existence, priant pieusement pour leur sécurité et leur bonheur. Quand la maladie d'Alzheimer frappe Lalla Fatma, l'auteur se rend compte de tous les non dits et de toute la pudeur qui a toujours été de mise entre sa mère et ses enfants. Il découvre également plus nettement qu'avant le poids des traditions et des coutumes du Maroc qui pesaient sur les épaules des femmes, il comprend à quel point leur soumission cachait leur force et leur courage et se représente plus justement la place prédominante qu'elles tenaient au sein de leur foyer. Les conséquences de la maladie sont décrites sans concession, la souffrance de l'entourage est sous nos yeux, de façon vibrante, et on ne peut s'empêcher de se demander « et si je vivais ce qu'il vit, je pense à mes parents, s'ils étaient malades de la sorte ? et si cette saleté d'Alzheimer me touchait moi aussi, qu'en serait-il pour les miens ? ». Une déchéance dont on ne veut pas être le témoin et qu'on ne voudrait surtout pas infliger à ceux que l'on aime...Vous l'aurez compris, ce livre est à lire avec un moral d'acier… Il est absolument poignant. Il nous déchire à la lecture mais, en ce qui me concerne, je suis contente de l'avoir lu. Il nous montre si bien la cruelle solitude de tous ceux qui côtoient quotidiennement cette terrible maladie et qui doivent s'y confronter, avec courage et patience...
Public : roman pour les adultes.
Si vous voulez vous rendre sur le site de l'auteur,
Tahar Ben Jelloun, vous pouvez suivre cette adresse :
http://www.taharbenjelloun.org/