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Critique de michfred


"Laver les ombres, en photographie, signifie mettre en lumière un visage pour en faire le portrait"

Laver les ombres, c'est aussi s'abandonner à la tempête des mots, laisser déferler les lames, couler les larmes, se laver, s'épancher, s'épurer, se retrouver.

C'est habiter les yeux ouverts l'espace de l'amour maternel, c'est donner à son corps d'enfant jeté dans la vie sans un mot, à ce corps contrôlé, contraint à la discipline et rompu à l'exercice impitoyable de la danse, tout entier adonné au mouvement, une place enfin stable dans l'espace.

C'est lui ouvrir l'espace du coeur.

Laver les ombres, c'est "avoir le coeur net", au propre et au figuré. C'est permettre au coeur de battre de nouveau à l'unisson d'un autre.

Encore une fois, un secret de famille-lourd, très lourd- mure une mère dans le silence, et emmure sa fille dans une danse élégante, épuisante, excluante. le dire enfin ouvre les deux prisons, intérieure et extérieure.

Mais l'originalité de ce très beau récit tient en deux mots: Léa, la fille, est danseuse et Romilda, la mère, est italienne.

Et la langue de Jeanne Benameur, claire comme une épure, tranchante comme le rasoir, juste comme un accord, sait si bien dire le mouvement contrôlé de l'une et l'effroi de l'autre, étrangère à sa langue, étrangère à son corps, étrangère à sa vie,- qu'elles ne peuvent que se rejoindre, une nuit de tempête mémorable et cathartique, dans la petite maison près de la falaise vive, celle qui continue de crouler dans les vagues de la mer..

"Est-ce qu'aimer , ce n'est pas vouloir rejoindre sans relâche?"
"Aimer c'est juste accorder la lumière à la solitude. Et c'est immense"écrit joliment Jeanne Benameur

Un roman au sujet classique- un secret de famille qui , délivré de sa gangue de silence, renforce encore les fils tissés entre la fille et la mère et surtout donne à la danseuse encagée et à la mère mutique une liberté nouvelle, d'aimer, de nommer, de chérir...- mais surtout un poème rythmique comme une danse..

"Un rond de danse et de douceur" disait Eluard: oui, au final, un ballet de douceur retrouvée.

Une chorégraphie où tous les corps peuvent prendre place - le corps jeune et sculptural de Léa, le petit corps vieilli, presque effacé par la honte et la douleur, de la mère - mère et fille unies dans la même sarabande.

Laver les ombres, c'est un "rêve dansant" comme le merveilleux ballet de Pina Bausch, où les corps , tous les corps, les maigres et les lourds, les jeunes et les vieux, les gracieux et les maladroits, sont beaux et émouvants, parce qu'ils disent leur histoire en s'inscrivant humblement dans l'espace, avec les autres...

Merci à Moovanse et à Latina, qui m'ont fait découvrir Jeanne Benameur...

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