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Critique de nadejda


« Otages intimes » est un livre dont la lecture a entraîné le même bouleversement que lorsque j’ai découvert Jeanne Benameur avec « Les demeurées ».

C’est un livre charnel où tous les sens sont sollicités, il marque profondément. Si les mots vous enveloppent en douceur c’est pour mieux vous pénétrer vous fouailler, mettre à nu le noyau dur qui une fois atteint et brisé permettra au souffle de vie de circuler pour qu’à l’image de tous les protagonistes de cette histoire poignante vous vous incarniez enfin, que le sang circule et que vous tentiez de ne plus être otages de vous-même.
« Je pense toujours aux Chinoises et à leurs pieds bandés. Quand on enlevait les bandes qui avaient torturé ces pieds, la torture recommençait. Le sang qui circule à nouveau fait mal. »
Et pour remonter de cette descente au coeur de soi, remonter de l’obscur où la barbarie a entraîné Etienne, otage pendant de longs mois, il y a la musique celle que l’on joue pour se retrouver ou ne pas se perdre, apaiser et celle des mots
« Les mots où s’encorder ne pas sombrer. Les mots séparent et lient dans le même mouvement l’enfance et le monde. S’encorder aux mots. Ne pas peser sur ceux qu’on aime. »

et aussi ceux qui sont là Enzo et Joranska, les amis d’enfance qui ont mélangé leur sang à celui d’Etienne, qui accompagnent la remontée des profondeurs, comme Irène la mère, autour de laquelle tout tourne. Quelle souffrance et quelle beauté irradie cette femme qui accompagne et garde espoir malgré tout :

« Sous tous les gestes de mère il y a un soupir. Toujours. Et personne pour l’entendre. Pas même celle qui soupire. Les mères prennent tellement l’habitude de faire et faire encore qu’elles ne savent plus elles-mêmes le soupir suspendu dans leur cœur.
Il faut du temps vide pour en prendre conscience.
Irène l’a eu ce temps, d’abord avec le père puis avec le fils.

« Son pas aura désormais cette fragilité de qui sait au plus profond du cœur qu’en donnant la vie à un être on l’a voué à la mort. Et plus rien pour se mettre à l’abri de cette connaissance que les jeunes mères éloignent instinctivement de leur sein. Parce qu’il y a dans le premier cri de chaque enfant deux promesses conjointes : je vis et je mourrai. Par ton corps je viens au monde et je le quitterai seul.
Il n’y a pas de merci.

(…) Il faudra pourtant qu’elle réponde de cela toute sa vie dans la part obscure que les mères tiennent cachée. Et toute sa vie elle luttera contre la peur sourde de qui a voué un être au temps. Elle transportera la crainte d’abord sur les petits riens de l’enfance vulnérable : une chute possible, un mauvais mal. Mais la grande peur, celle qui traverse les rêves obscurs, elle n’en parlera à personne. Jamais. C’est l’ombre des mères.


M’est revenu le beau proverbe gitan « N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures » et c’est ce que fait Jeanne Benameur. Elle pénètre les coeurs avec précaution avec des mots qui relient et savent faire revivre la douleur pour la dépasser.

Lien : http://www.babelio.com/livre..
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