Ô roi de ce temps, unique en son siècle et jamais égalé, je suis ta servante et depuis mille et une nuits je te rapporte les récits des Anciens et les enseignements de ceux qui nous ont précédés. Puis-je espérer que, dans ta grandeur, tu me permettes de formuler un souhait ? – Oui, et tu seras exaucée, Shahrâzâd.”
Elle fit appeler nourrices et eunuques et ordonna qu’on lui amenât ses enfants, ce qui fut fait immédiatement. Ils étaient trois : le premier marchait déjà, le deuxième se traînait sur les genoux, le troisième était toujours au sein. Lorsqu’ils furent là, elle les prit, les déposa aux pieds du souverain et baisa le sol devant lui :
“Sire, roi de ce temps, lui dit-elle, voici tes fils. J’émets le vœu que tu sois généreux envers eux et que tu m’accordes la vie sauve. Si tu me mettais à mort, ils perdraient leur mère, et ne trouveraient nulle autre femme pour savoir les élever.”
Le souverain fondit en larmes, serra les petits contre sa poitrine et s’écria : “Shahrâzâd, je jure par Dieu que j’avais décidé de te laisser en vie avant même de les voir, pour avoir constaté à quel point tu étais chaste, pure, bien née et pieuse. Bénie sois-tu ainsi que tes père et mère, tes aïeux et tes descendants ! Je prends Dieu à témoin que je t’ai pardonnée et qu’il ne te sera fait aucun mal.
Lorsque ce fut la sept cent vingt-troisième nuit, elle dit On raconte encore, Sire, ô roi bienheureux, que la vieille femme remit à Ardashîr, dans sa boutique, le billet de Hayât an-Nufûs, avec ces mots « Lis la réponse, et sache bien qu'en lisant ta lettre, la princesse a été prise d'une violente colère. Mais je lui ai parlé, je l'ai cajolée, et elle a fini par consentir à te répondre.» Ardashîr prit la lettre, d'abord heureux, mais après avoir lu et réalisé le sens de ce message, il fondit en larmes.