Cortège d'impatiences: poésie et prose

Le Néant

Avec sa face stupide

Ne me regardait pas

Le Néant

Ne me regardait pas

Et moi je le regardais

Je lui ai parlé doucement

Lentement

Dans sa langue

Avec patience

Comme à un animal qu'on apprivoise

Mais il n'a rien répliqué

Le Néant

Était calme

Et ne me regardait pas

J'ai pris un couteau

Que j'ai aiguisé

sur la meule du livre

En prenant bien soin du côté

Droit de la logique

Je l'ai affûté longtemps

Et j'ai déchire avec

LA grande toile du Néant

Qui n'a pas fait de crissement

La peur au cœur j'ai regardé

Bien regardé

Derrière

Tapi

Le Néant

De plus en plus morne

Ne me regardait toujours pas

J'ai recommencé

Et recommencé

Maladroit

Me coupant plusieurs fois les doigts

Il ne m'a jamais regardé

J'ai fini par jeter le couteau sur la plage

Et je suis devenu galet

Qui n'a même plus la mer

Pour raison d'exister.
Kiev, Avril 1980

Extrait de "Cortège d'impatiences, poésie et prose"

Dimanche soir n'a jamais dit que le soleil de printemps chatouille la belle façade rose brique d'en face
Non
Dimanche soir dirait plutôt que le soleil épuisé s'ennuie à ce labeur inutile
Dimanche soir en effet n'est pas poète
Dimanche soir est bête et il n'est pas loin de le savoir
Mais Dimanche soir sait qu'il existe et c'est là toute sa force.
Kiev, Mai 1981