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EAN : 9782226240019
432 pages
Albin Michel (01/03/2012)
3.8/5   15 notes
Résumé :
Pierre Dumaine, prisonnier français dans la terrible Allemagne de Guillaume II, est envoyé dans un camp de représailles dans une région lugubre du nord de la Prusse durant l'hiver 1917. Le commandant du camp apprenant que ce dernier était ingénieur en électricité avant la guerre, on décide de l'envoyer à Reichendorf pour y réaliser des travaux dans une antique demeure seigneuriale, où tout semble être à l'abandon depuis trop longtemps et où les quelques habitants se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Pierre Dumaine est fait prisonnier au début de 14-18 et envoyé dans un camp de Prusse orientale («Le train s'ébranla à l'heure dite, ainsi qu'il sied à un train allemand» - déjà cette réputation). Des Russes les rejoignent au camp, mais seront libérés quand Lénine conclura une paix séparée avec Guillaume II. Comme Dumaine est ingénieur en électricité dans le civil et parle allemand, il bénéficie rapidement d'un régime spécial. Il est envoyé quotidiennement auprès du duc et général en retraite de Reichendorf pour y réaliser des travaux dans son château délabré, et rentre au camp le soir. Très vite, une certaine complicité s'installe entre le vieux général de 1870 et le prisonnier qui se fait remarquer aussi pour ses qualités humaines.
Le duc a recueilli sa nièce Axelle, orpheline, qui a accepté d'épouser après la victoire dont les Allemands ne doutent pas, son fils Dietrich, un fiancé qu'elle n'aime pas et qui est d'ailleurs peu présent dans le roman, sauf que... Dietrich, et Dumaine, découvrent qu'ils se sont battus l'un en face l'un de l'autre au même champ de bataille. Dans le même esprit, on verra les prisonniers français jouer aux cartes avec leurs geôliers allemands. L'auteur multiplie ainsi les contrastes entre les nations qui se combattent et les hommes qui se lient malgré ce qui les oppose.

Tout ce roman, très humain, qui date de 1928, 10 ans après l'armistice, est rythmé par les nouvelles du front, longtemps favorables aux Allemands. C'est parfois un peu long (374 pages - Nous sommes au pays de Wagner), mais il faut peut-être cette longueur pour que s'accepte peu à peu la complicité. le général condamne cette guerre qui fait tant de morts inutiles et déplore qu'on ait abandonné les méthodes efficaces de 1870, qui fut suivie par un boom économique au point que «La lecture de la Bible fut détrônée à Nikolaïken par celle des cours de Bourse» (p. 153).
Le vieux général est ruiné par les dettes de jeu de ses fils décédés, qu'il a accepté d'honorer, et vit dans une misère qu'il n'arrive pas à dissimuler entièrement, au point que Dumaine fait parfois bénéficier sa cuisinière des colis qu'il reçoit de France. le monde à l'envers ! On peut rappeler que la chute et la décadence de la noblesse sont un thème fréquent chez Pierre Benoît,
Dumaine est tellement épris d'Axelle qu'il refuse d'être libéré pour être soi-disant soigné en Suisse d'une maladie imaginaire, lors du passage d'une commission internationale, un ami étant intervenu en sa faveur. Il reste au camp. Pourtant, que peut-il espérer, lui prisonnier et ennemi, de la jeune aristocrate fiancée qui pourtant semble s'attacher peu à peu à lui, soulignant l'absurdité et les atrocités de la guerre. le contraste entre leurs situations est au maximum, mais illustre la règle selon laquelle les contraires s'attirent. Parfois froide par devoir et comme certaines héroïnes de Daphné du Maurier, Axelle est tiraillée entre le mariage qu'on lui destine et son attirance charnelle mais pudique, et longtemps mutique, envers le prisonnier. Distante, elle s'ouvrira peu à peu.
Pendant ce temps, la vie se poursuit au baraquement où Dumaine retrouve chaque soir ses camarades: Vandaele, Sylvestre, Audemard, Fichet et Gourrut (personnage qui figure déjà dans L'Atlantide). Certains s'évadent, et sont tués. Les destins individuels croisent ceux des nations, mais bientôt, la victoire change de camp. Il faut même mobiliser un vieil invalide allemand qui est renvoyé au front, mais c'est trop tard. L'armistice est signé et Guillaume II s'enfuit... comme aussi les gardiens du camp. L'illusion du «nach Paris», en six semaines s'effondre pour l'Allemagne.
Comme c'est la règle chez Tourguéniev, l'amour des deux jeunes gens est profond, mais senti comme impossible. Axelle explique à Dumaine qu'il est facile au vainqueur de tendre la main, mais pas au vaincu de l'accepter. Si l'Allemagne avait gagné, elle aurait osé prendre sa vie en mains et épousé Dumaine plutôt que Dietrich, quitte à scandaliser tout le monde, mais «Un français, une Prussienne» c'est difficile à faire passer.
Le vieux général est mourant, les créanciers se manifestent, et Axelle, sans ressources, devra accepter d'héberger une garnison au château. On devine que son destin ne lui réserve rien d'enviable.
Dumaine, rentrant en France l'âme en peine, rencontre par hasard à la gare de Königsberg un soldat allemand démobilisé. A Paris, il revoit Guérin, mais les anciens camarades ne veulent plus évoquer leurs souvenirs de misère.
Cinq ans après ce roman pacifiste et plaidant pour la réconciliation franco-allemande, Hitler prendra le pouvoir en 1933. Pierre Benoit a alors 47 ans. En 1932, il avait été reçu à l'Académie française.
On notera que le prénom de beaucoup d'héroïnes de Pierre Benoit commence par un A (Axelle, Antinéa, Allegria, Aurore,...), hommage dit-il à Albi, sa ville natale.
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Avec « Axelle » (1928), Pierre Benoit renoue avec l'ambiance allemande (prussienne, même) qui était celle de « Koenigsmark » (1918, exactement 10 ans avant).
Pierre Dumaine, le narrateur, a été fait prisonnier au début de la guerre et envoyé dans un camp aux confins de la Prusse orientale (Pologne occupée). Les conditions d'internement sont difficiles, non pas tant à cause des gardiens, avec qui les soldats fraternisent plus ou moins malgré les mauvais traitements, mais à cause du climat, des maladies et des restrictions. Pierre, germanophone, est envoyé chez un pasteur pour l'aider à préparer ses sermons, puis, comme il est ingénieur électricien de formation, il est affecté à la rénovation du château de Reichendorf. Dans cette vieille bâtisse, vit un vieux général, qui a combattu contre les Français lors de la guerre de 1870, sa nièce Axelle, et deux domestiques. Axelle est fiancée au dernier fils du général, Dietrich, qui est au front. Peu à peu, Pierre s'attire les bonnes grâces du général (notamment en réalisant l'éclairage de reconstitution historiques) et en jouant au kriegspiel, un jeu de stratégie (l'Age of Empires de l'époque), mais Axelle, lointaine et mystérieuse, reste inaccessible. le temps passe sans que pour autant les choses changent. La guerre est omni présente, et les Allemands comprennent que la fin est proche. Axelle semble un peu plus abordable, mais la guerre est la guerre...
Car si, comme souvent chez Pierre Benoit, il y a une intrigue amoureuse compliquée, avec une héroïne aussi belle que mystérieuse, le vrai sujet du roman, ici c'est bien la guerre : nous la vivons en direct, dans le camp des prisonniers, avec Pierre et ses compagnons d'infortune, avec un chef de camp, véritable tortionnaire qui n'hésite pas à exposer au froid des tirailleurs sénégalais, avec en contrepoint des gardiens avec qui on peut jouer aux cartes… La guerre, elle est présente dans le village, où les habitants, au fil du roman passent de l'allégresse à la consternation, comma l'armée allemande petit à petit passe de victoires en défaites. La guerre enfin elle est dans le château, non pas physiquement mais dans l'esprit des habitants : le général vit pour moitié dans ses souvenirs de la guerre de 1870, pour moitié dans la mémoire de ses trois fils morts au combat, et du quatrième actuellement au front. Dietrich, justement, on le voit le temps d'une permission. Et l'on ne peut s'empêcher de penser à « La grande illusion », le chef-d'oeuvre de Jean Renoir.
« Axelle », roman méconnu de Pierre Benoit, est peut-être un des meilleurs, non pas pour les qualités qu'on a déjà relevées dans ses ouvrages précédents, mais pour le regard lucide et pacifique qu'il pose sur le conflit : montrant que la guerre cause des ravages dans les deux camps, qu'elle meurtrit autant les civils que les militaires, qu'elle détruit les corps et les âmes, Pierre Benoit se révèle un militant pacifiste, partisan inconditionnel de la réconciliation franco-allemande « au-dessus de la mêlée » (comma disait Romain Rolland).
Pierre Benoit, dans ce roman, nous émeut bien plus que dans ses romans précédents. Il n'y a pas ici d'exotisme pour diluer les sentiments dans une apparence d'irréalité. Les personnages sont extrêmement vivants et attirent notre sympathie, même les allemands avec qui nous nous surprenons à compatir lorsque on leur ramène leurs morts, ou lorsqu'ils apprennent la capitulation et, pire, la fuite de l'Empereur.
Un très grand roman, qui aurait pu faire l'objet d'un scénario de choix pour un grand cinéaste. La seule adaptation pour l'écran est un film américain de 1931 « Surrender » de William K. Howard. Je ne suis même pas certain qu'il ait été diffusé en France.
Mais si vous vous sentez l'âme cinématographique, je vous promets que vous trouverez dans ce livre de quoi faire un beau film. J'ai parlé de « La grande illusion » de Renoir, j'aurais pu parler aussi du « Silence de la mer » de Melville, où les non-dits tiennent autant de place que les dialogues.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Il est facile au vainqueur de tendre la main. Il est moins aisé pour le vaincu d'accepter cette main.
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Les tristes survivants payent les notes des morts pleins de gloire.
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Vidéo de Pierre Benoit
Pierre Benoit, un auteur majeur à redecouvrir .Voir l'émission : http://www.web-tv-culture.com/pierre-benoit-un-auteur-majeur-a-redecouvrir-375.htmlDe 1918 à 1962, il fut un auteur incontournable et a vendu des millions de livres dans le monde entier. Mais qui se souvient de Pierre Benoît ?50 ans après sa mort, dans sa maison des Landes, redécouvrez l?auteur de «L?Atlantide » et « Koenigsmark ».
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