AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782843241413
238 pages
Institut Synthélabo pour le progrès de la connaissance (16/03/2000)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
L'actualité ne cesse de nous envoyer des images contradictoires du public: tantôt admiratif et béat devant les prouesses scientifiques, tantôt contre-pouvoir qui défie l'autorité des experts. L'opinion est également perçue soit comme une masse amorphe qui se laisse manipuler ou intoxiquer, soit comme une puissance souveraine qui fait et défait les réputations, donne le pouvoir ou le retire. Tout aussi contradictoires sont les images de la science: tout à tour sérieu... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après L'opinion publique et la scienceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Face à la science, l'« opinion » représente-t-elle cet ensemble de préjugés qu'il s'agit de corriger par une connaissance certaine ? Telle est bien la position dominante des « experts ». Dans un parcours historique à partir des Lumières, l'auteur met bien en valeur le lien entre la pratique scientifique et l'émergence politique d'une opinion publique. Mais, dès l'origine, cette relation est contestée par l'idéologie, qui voit dans le savoir scientifique l'aboutissement d'un processus purement logique. le propos de l'ouvrage est donc de souligner la pertinence d'une opinion qui rappelle à la science qu'elle s'élabore en interaction avec l'ensemble de la société. Au clivage expert/masse se substitue un dialogue à trois partenaires : communauté scientifique, pouvoir politique, opinion publique.
François Euvé. Etudes Janvier 2001
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
p. 137 Une lecture de Bouvard et Pécuchet
Gustave Flaubert, observateur impitoyable de la culture et de la société de son époque, porte cependant un autre regard sur ce genre d'évidence dans les années 1860-70, quand il écrit son célèbre "roman de la bêtise". Publié à titre posthume, ce roman met en scène deux personnages, Bouvard et Pécuchet, qui se retirent en province pour cultiver leur amour des sciences. Du jardinage à la chimie, de la médecine aux fossiles, ils passent ensuite à la littérature, à l'histoire et enfin à la philosophie. Voyageant dans l'encyclopédie, ils s'enthousiasment à chaque station mais perdent vite courage et passent à autre chose. Ils touchent à tout sans rien approfondir. Serait-ce l'essence de la bêtise?
Par leur formidable appétit de connaissance, leurs déboires et déceptions, ces deux amateurs de science en disent long sur la mutation du statut de l'amateur de science. Bouvard et Pécuchet est comme la version dix-neuvième siècle du bourgeois gentilhomme. Ces amateurs de science se rendent ridicules parce qu'ils miment un mode de sociabilité scientifique aristocratique qui n'est pas le leur, qui n'est plus de leur époque. Hors-classe, puisqu'ils sont d'origine modeste ; hors-lieu puisqu'une petite ville de la province normande ne saurait imiter la vie parisienne ; hors-siècle puisque ces pratiques d'amateurs de science caractéristiques du siècle des Lumières sont devenues obsolètes au XIXe siècle.
Le voyage encyclopédique ne pouvait se conclure, s'arrêter que par la disparition des personnages ou l'usure de leur auteur. C'est Flaubert qui a lâché et laissé son roman inachevé. On sait toutefois, par ses brouillons, que l'une des fins envisagées consistait à présenter Bouvard et Pécuchet recopiant tout simplement des encyclopédies et livres de science. Après avoir fait le tour du savoir, les amateurs se font copistes. Quel peut être le sens de ce comportements? Que saisit-il et que dit-il du sort de l'amateur de science?
Ce que Flaubert perçoit avec un mélange d'ironie et de tendresse nostalgique, c'est une contradiction interne à la vulgarisation. En entretenant l'image d'une science aimable, source de promesses et de merveilleux, elle aiguise la curiosité, l'appétit de science. Mais à celui qui aime la science, elle ne permet pas de mener des investigations. Il ne lui reste plus qu'à satisfaire sa curiosité en achetant des livres, les centaines de livres de vulgarisation qu'on trouve chez les libraires, qui lui font miroiter un univers glorieux de recherches sans jamais lui permettre de passer à la pratique ni à la critique. L'amateur n'est plus qu'un consommateur de marchandises ou de spectacles.

Page 141
Retournons à Bouvard et Pécuchet, car une autre lecture du roman est possible. Bouvard et Pécuchet abordent les sciences dans un esprit pratique, utilitaire, intéressé, pour jardiner, pour faire une crème, un médicament… Leur préoccupation est utilitaire, l'esprit de lucre les anime, et leur barre l'accès à la connaissance scientifique. Ils veulent moins connaître que s'emparer du savoir comme on fait main basse sur un trésor. De plus, ils exigent des réponses immédiates, des certitudes substantielles. N'est-ce pas cette attitude de bon sens naïf, dogmatique, qui leur interdit de comprendre le relativisme des notions scientifiques? Ils font preuve d'avarice, puisqu'ils refusent de dépenser de l'argent en instruments. Ils refusent la médiation des techniques expérimentales, les détours de l'abstraction. Ils ne s'acharnent jamais à comprendre, se montrent paresseux et superficiels.
Bref, le roman de Flaubert peut être perçu comme une mise en scène des obstacles épistémologiques décrits par Bachelard dans La Formation de l'esprit scientifique : le pragmatisme utilitaire, l'immédiateté, le refus du travail et l'avarice… La "bêtise" de Bouvard et Pécuchet consisterait à jouer au scientifique avec un esprit pré-scientifique, à mimer la connaissance sans passer par le long processus de formation, jalonné d'obstacles à surmonter, pour acquérir l'esprit scientifique. Dès lors, la signification générale du roman serait celle qu'indique le sous-titre envisagé : "Du défaut de méthode dans les sciences". Ce serait une illustration romancée de la phrases de Comte : "le public a plus besoin de méthode que de doctrine, d'éducation que d'instruction". Il n'y a pas d'activité scientifique possible sans formation aux méthodes de la science, sans la longue course d'obstacles, de renoncements, de "non" au sens commun. La vulgarisation qui ne passe pas par toutes ces médiations semble illusoire, condamnée.
Telle est la lecture que Gaston Bachelard aurait pu faire du roman de Flaubert. Par le fait même qu'elle est anachronique, cette interprétation met en relief le changement de statut de l'opinion au XXe siècle. Tandis que l'essor de la diffusion scientifique de masse semble se poursuivre en toute continuité, avec les mêmes finalités qu'au XIXe siècle et les même procédés, simplement renouvelés et relayés par de nouveaux médias, en réalité, le sens de l'entreprise se trouve profondément transformé.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Bernadette Bensaude-Vincent (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bernadette Bensaude-Vincent
Conférence dans le cadre des Congrès scientifiques mondiaux TimeWorld : TimeWorld expose et anime la connaissance sous toutes ses formes, théorique, appliquée et prospective. TimeWorld propose un état de l'art sur une thématique majeure, avec une approche multiculturelle et interdisciplinaire. C'est l'opportunité de rencontres entre chercheurs, industriels, universitaires, artistes et grand public pour faire émerger des idées en science et construire de nouveaux projets. https://timeworldevent.com/fr/ ------------------------------------------------------------------------ Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe et historienne des sciences et techniques est professeure émérite à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle est membre de l'Académie des technologies et de plusieurs comités d'éthique. Lauréate de la Médaille George Sarton de la History of Science Society en 2021, elle est autrice d'une douzaine de livres et coordinatrice d'une vingtaine d'ouvrages collectifs. Parmi ses publications récentes : Temps-paysage. Pour une écologie des crises (2021), Between Nature and Society. Biographies of Materials (2022), Living in a Nuclear World. From Fukushima to Hiroshima coédité avec S. Boudia, K. Sato (2022).
Conférence : Transition écologique et innovation sont-elles compatibles ? Le 16 novembre 2023 au Cnam à Paris lors du congrès mondial TimeWorld Energie.
N'est-il pas illusoire de prétendre ménager une transition écologique grâce à des solutions techniques innovantes ? Pour réduire notre empreinte carbone et rendre le monde plus durable, il s'agit plutôt de sortir du culte de l'innovation, remettre en question la flèche du temps pour composer de manière plus harmonieuse les temporalités hétérogènes des objets techniques.
+ Lire la suite
autres livres classés : Opinion publiqueVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (2) Voir plus



Quiz Voir plus

Pas de sciences sans savoir (quiz complètement loufoque)

Présent - 1ère personne du pluriel :

Nous savons.
Nous savonnons (surtout à Marseille).

10 questions
411 lecteurs ont répondu
Thèmes : science , savoir , conjugaison , humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}