AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782742701889
Actes Sud (25/01/1994)
3.65/5   104 notes
Résumé :
Le Mal noir raconte l'exil vers les Etats-Unis d'un émigré russe dont la compagne est morte pendant un bombardement en France, alors qu'ils faisaient tendrement l'amour. C'est le sixième récit de Nina Berberova à paraître en français, et c'est de son propre aveu, le plus important. Jamais, en tous cas, elle n'avait, comme ici, poussé l'ellipse et la métaphore à ce point d'excellence où le moindre trait illumine l'obscure absurdité du destin. Le héros, cette fois, in... >Voir plus
Que lire après Le Mal noirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
3,65

sur 104 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis
Evguéni Petrovitch est veuf et il traîne sa brutale solitude comme un boulet. « Rien ne m'aide à surmonter ma perte, à accepter mon malheur, à m'accommoder avec talent de la catastrophe. » (p. 101) À Paris et à New-York, il rencontre Alia et Lioudmila, deux femmes phares prêtes à l'aimer. Mais rongé par sa peine, il est sourd à leurs appels d'amour. Plus que tout, il est convaincu que sa vie est marquée depuis toujours d'un mal noir, à l'instar de la pierre qu'il avait offert à son épouse. « Dès le début […], le mal était en elle. L'homme n'existait pas encore, mais la contagion avait déjà fait son oeuvre. » (p. 19) En mettant un océan entre sa perte et lui, saura-t-il s'inventer un avenir ?

Ce très court roman de Nina Berberova, à l'instar de L'accompagnatrice, est un texte d'une très grande puissance où l'ellipse est toujours plus éloquente que la description. En peu de mots, l'auteure écrit un superbe portrait en creux de l'épouse disparue. Elle ne dessine que la silhouette, laissant au lecteur le soin et la liberté de remplir les volumes. Quel dommage – quel grand dommage ! – que la quatrième de couverture, dès la première phrase, explique le veuvage d'Evguéni Petrovitch, révélation que le livre ne donne que dans ses dernières pages. Si ce livre vous tente, fuyez la quatrième !
Commenter  J’apprécie          201
De tous les livres lus jusqu'à présent de cette auteure, « le mal noir » est sans doute celui qui m'a le plus touchée. Sans doute parce que son héros est englué dans une sorte de fatalisme et de chagrin qui le ronge jusqu'à l'os et qui fait de lui un être à part et attachant.

Pour immigrer aux Etats-Unis, Evguéni Petrovitch se résout à mettre en vente le seul bien qu'il lui reste de sa femme, une paire de boucles d'oreilles en diamants. Mais celles-ci lui apportent beaucoup moins que ce qu'il en espérait : l'un des diamants est gâché par le mal noir...

Le mal noir est aussi quelque chose qu'il a en lui et que l'on découvre doucement au fur et à mesure de la lecture. Lentement, on pénètre au coeur et dans la tête du héros, sa quête est sans fond, sans frontière...

Une jolie parabole pour décrire l'absence, le manque, l'errance des immigrés russes à travers le monde.

Lien : http://mes-petites-boites.ov..
Commenter  J’apprécie          275
Difficile de parler de ce très court récit sans en dévoiler son ressort secret (ce que fait d'ailleurs sans vergogne Actes Sud dans sa quatrième de couv !) alors je ne dirais de ce livre que ceci : c'est une perle, éclatante et sombre à la fois, qui m'a fait penser au poème d'Antoine Pol "Les passantes", que Brassens a su si bien chanter :

Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais
(...)
Commenter  J’apprécie          192
Nina Berberova propose un très beau roman sur l'exil peut- être un peu trop désespéré pour moi.
Evguéni Petrovitch, le narrateur, vit seul à Paris et cherche à rejoindre les États-Unis. Pour cela, il lui faut de l'argent et la seule possibilité pour lui est de vendre une paire de boucles d'oreilles avec des diamants, laissée en gage il y a des années après la mort de sa femme. Malheureusement, il découvre qu'une des boucles ne vaut plus rien car le diamant est atteint du mal noir. C'est un mal invisible à l'oeil nu mais profondément ancré, un phénomène inexplicable et une belle métaphore du deuil qui le ronge, lui l'exilé qui n'arrive plus à aimer. D'ailleurs il dit "Je suis moi-même un miroir qui ne reflète plus rien".
Il va pourtant réussir à quitter Paris en hébergeant une compatriote Aléa Ivanova qui paye pour pouvoir récupérer son appartement en tant que locataire attitrée.
Quittant Paris pour New York, il trouve un travail de secrétaire chez Lev Lvovitch et se rapproche de sa fille Liudmila à qui il redonne l'envie de vivre mais qu'il fuit ne sachant plus aimer. Evgueni à peur, il part pour Chicago pour une nouvelle errance comme s'il était incapable de trouver sa place quelque part.
Le dernier roman écrit par Nina Berberova montre son extrême sensibilité et si la métaphore du mal noir d'un être tourmenté est très belle, la construction de ce texte autour de la géographie des lieux de l'exilé lui donne une dimension particulière.


Challenge Riquiqui 2021
Commenter  J’apprécie          130
Avec une économie de moyen assez rare et une précision quasi-chirurgicale, Nina Berberova dessine en quelques pages simples et fortes le portrait d'un homme, exilé russe à Paris, qui paraît assister à sa vie plutôt que de la vivre réellement. Entrainé par les événements, dénué d'affect, il possède pourtant un « désir vague ». Par « désir vague », j'entends qu'il poursuit un but, certes, mais sans se faire aucune illusion sur le changement que l'accomplissement de ce but apporterait à son existence. Il sait déjà que rien ne changera. Nulle volonté féroce dans ce désir, nul rêve naïf, nulle chimère, si bien que la force manque et que son errance paraît relever d'un ultime entêtement : se prouver à lui-même qu'il n'est pas encore mort.

Cet homme est intelligent et cultivé, sans agressivité, assez passif face aux événements, et possède un charisme doux qui attire les femmes. Deux d'entre elles vont tomber sous son charme, et lui-même, un instant hésitant et dubitatif, paraît croire qu'elles pourront peut-être le sauver et l'extraire du puits profond où il a été précipité. Jusqu'au moment où la cruelle vérité lui tape sur l'épaule pour lui rappeler qu'il n'en est rien. Il reprend alors son errance.

Au trois-quarts du livre seulement, on comprend que cet homme a vécu un drame insurmontable. Et ce n'est que vers la toute fin du roman que Nina Berberova nous en livre les détails. Ce portrait d'un désespéré est remarquable, car il ne tombe pas dans le pathos, nous ne refermons pas le livre avec les yeux humides, nous ne nous apitoyons pas sur son sort. Il n'en a pas besoin, personne ne peut l'aider. Cet être humain a déjà quitté la vie. En un sens, il n'est plus des nôtres et, si nous le plaignons, nous ne craignons pas que son muet désespoir nous contamine.
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Depuis des années tout m’est indifférent. Les gens n’aiment pas cela, ils cessent de vous remarquer. Les miroirs ne vous reflètent plus, l’écho ne vous répond pas. Je voudrais bien guérir ! Mais je ne puis venir à bout du mal noir, je ne puis ressusciter.
Commenter  J’apprécie          250
Le soir , nous écoutâmes la mer, assis dans les dunes, ou regardâmes le ciel, allongés.

- Non,je ne peux pas croire, dit-elle soudain, que les étoiles soient si loin : des millions d'années-lumière. Cela ne veut rien dire ! Un de ces jours on découvrira qu'elles sont beaucoup plus proches, et tout ce qui paraissait infini, immense, deviendra petit et proche.

- A Paris, lui dis-je, il y a des fêtes foraines dans la rue, avec un cirque, des monstres, des acrobates, des diseuses de bonne aventure, un tir. Une fois, un astronome malin s'est installé dans l'une des baraques avec son télescope. Le bonimenteur (il y en a partout, comme au siècle dernier) criait dans le porte-voix : " Allez ! Venez regarder les étoiles ! Pour cinquante centimes vous verrez les étoiles ! Espèces de taupes que vous êtes, vous ne croyez même pas en Dieu ! Et la beauté, savez-vous ce que c'est la beauté ? Alors au moins, regardez les étoiles !"

Elle rit gaiement, se souleva sur le coude et, comme j'étais assis à la regarder, elle me renversa doucement sur le dos. sans cesser de rire, elle me prit le menton et leva mon visage vers le ciel :

- Regardez au moins les étoiles !
Commenter  J’apprécie          30
Je retournai au mont-de-piété. Ce lieu sordide grouillait de monde. On me donna un numéro – le soixante-quatre – et je m'assis entre une femme qui tenait sur ses genoux une vieille couverture, et qui apparemment ne savait plus où aller, et un homme plus très jeune, vêtu correctement, qui ressemblait à Nicolas II. Il avait apporté un éventail en écaille. Je pensai alors qu'il n'y avait pas de pire endroit au monde.
Commenter  J’apprécie          40
À cet instant, la pendule sur la cheminée fit entendre une sonnerie si tendre et si fine qu'on se serait cru au Théâtre des Arts, pendant le troisième acte d'Un mois à la campagne. Je me levai d'un bond. Quatre heures avaient passé ! État-ce possible ? On avait causé de l'enfer et du paradis mettons vingt minutes, et de Chicago, tout au plus une heure et demie. Même si l'on comptait une demi-heure pour le grand-père couché, on n'arrivait pas à quatre heures. Qu'avions-nous fait du temps ?

- Où est passé le temps ? criai-je.

- Je n'y ai pas touché, je vous le jure. Ne criez pas, on va croire qu'il y a vraiment eu un vol.
Commenter  J’apprécie          10
- Il fut un temps, disait-il, où j'étais très expert en matière de femmes. L'offre et la demande, vous connaissez ? J'étais du côté de la demande, qui a son tour crée l'offre. Aujourd’hui, je suis abandonné de tout le monde, j'ai parfois besoin de prendre des mains chaudes dans les miennes. Mes mains sont toujours froides, d'est très désagréables, je voudrais me réchauffer, sentir une femme vivante près de moi. Vous me comprenez bien sûr. Les passions, la jalousie, le romantisme, c'est fini, mais le pauvre orphelin a besoin de la protection féminine.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Nina Berberova (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nina Berberova
Nina BERBEROVA – Documentaire ultime (France 3, 1992) Un documentaire en deux parties, intitulées "Le passeport rouge" et "Allègement du destin", réalisé par Dominique Rabourdin. Présence : Jean-José Marchand et Marie-Armelle Deguy.
autres livres classés : littérature russeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (251) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..