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Carl Gustaf Bjurström (Traducteur)Lucie Albertini (Traducteur)
EAN : 9782070385447
224 pages
Gallimard (16/10/1992)
4.34/5   22 notes
Résumé :

Les dialogues quotidiens d'un couple presque parfait. L'ordinaire d'une vie conjugale idéale avant l'orage. Puis la vie calme tourne à l'ennui, la platitude tourne au drame. La plaie vive de la rupture, l'espoir vite déçu d'une vie nouvelle, la culpabilité et la violence font vivre à Johan et Marianne les plus difficiles moments de leur existence. C'est seulement bien plus tard, au terme d'un tumultueux parcours, qu'ils pourr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dans d'autres temps, en d'autres lieux, la télévision grand public proposait à son audimat des productions de qualité qui ne se targuaient pas forcément d'être obscures. Il suffit de voir les Scènes de la vie conjugale pour s'en rendre compte. Cette réalisation d'Ingmar Bergman fut d'abord diffusée sous forme de feuilleton de six épisodes sur la télévision suédoise. Entre avril et mai 1973, les spectateurs découvrirent chaque semaine une nouvelle étape du cheminement du couple formé par Marianne et Johan. Plus tard, le feuilleton fut condensé en un film permettant d'apprécier une évolution d'ensemble, au détriment du temps de réflexion que laissait à disposition la vacance d'une semaine. Qui souhaite à nouveau s'imprégner des Scènes de la vie conjugale, miroir réfléchissant des réflexions inhérentes à la vie de couple, ressentira rapidement la nécessité de lire le scénario original d'Ingmar Bergman. Tout y est. Sous la forme d'une pièce théâtrale, on retrouvera les dialogues et les scènes du film. Surtout, on pourra enfin prendre le temps de la réflexion. Les Scènes de la vie conjugale sont trop denses pour faire l'objet d'une seule visualisation. Sous la forme feuilletonnesque, il manque encore le temps nécessaire à la compréhension de certaines phrases qui ne révèlent toute leur complexité qu'à la lecture. Ingmar Bergman écrit de manière simple mais le sens de ces phrases révèle finalement beaucoup plus d'acuité qu'il n'y paraît.


La construction de ces Scènes est finement réalisée de manière à ce que chaque spectateur, qu'il soit en couple, qu'il l'ait été voire qu'il l'image seulement, puisse se reconnaître dans l'un ou l'autre des personnages à un moment de leur évolution. Ingmar Bergman balaie un large spectre des rapports de domination et de contrôle, évoquant les sentiments liés à cette hiérarchie tacite et les solutions de fuite auxquelles recourent les personnages. Qu'on soit clairs : la vie conjugale partage peu de choses avec l'amour tel qu'on le définit sous sa forme passionnelle. Tout au plus en reste-t-il des souvenirs qui s'épanouissent en tendresse ou en complicité ou qui se morfondent en perfidie et accusations injustifiées.


Dans la première scène, Marianne et Johan sont confrontés à une journaliste qui les interroge sur leur apparent bonheur conjugal. Ici, cette expression se résume surtout au foyer familial et à la qualité des relations liant réciproquement les parents aux enfants, et les parents face aux enfants. Les repas sont joyeux, les activités se partagent dans la bonhomie, papa et maman se partagent les tâches et les enfants ne les font pas tourner en bourrique. Malgré quelques corvées familiales –un repas chez belle-maman, des fêtes d'anniversaire trop récurrentes, un séjour avec la belle-famille-, la vie semble plutôt réussie. Peut-être pourrait-elle l'être encore davantage ? Mais la suggestion heureuse fait bientôt déborder le vase de ce qui n'était en fait qu'une tolérance de mascarade. La suite des épisodes révèle les failles d'une vie conjugale moins parfaite qu'elle ne voulait bien le laisser croire.


Ingmar Bergman parvient à rendre compte des jours, des mois ou des années passées entre ses scènes par de simples dialogues à la force d'évocation puissante. Il réussit à captiver par l'imprévisibilité du cheminement de ses personnages. La complexité psychologique d'un être humain est telle qu'elle se suffit à elle-même pour brouiller puis surprendre les attentes. Marianne et Johan ne sont jamais enfermés dans des profils stéréotypés servant à l'illustration d'une thèse. Ingmar Bergman leur a laissé une liberté individuelle toute relative –celle de s'imaginer faire des choix raisonnables et profitables- mais il s'agit de la même liberté que celle que nous possédons. La possibilité de la contradiction leur est également laissée et on voit Marianne et Johan tâtonner les yeux fermés vers un idéal qu'ils ne connaissent pas, empruntant une voie qui se révèle être un cul-de-sac, retournant en arrière à reculons, se cognant parfois à des portes qui se sont définitivement refermées. La démonstration est nulle ; la compréhension est immédiate. Après s'être vus dans l'interview de la journaliste, Marianne et Johan se sont révélés à eux-mêmes. Ainsi en est-il du lecteur : après s'être reconnu tour à tour dans Marianne et Johan, son couple ou son idéal de couple devient figure mouvante jamais établie, édifice bancal qui peut s'effondrer à cause de soi ou à cause de l'autre du jour au lendemain.


Il est difficile d'imaginer que cette oeuvre a pu être réalisée dans les années 1970. Son ton audacieux étonne et donne parfois l'impression qu'il ne serait pas possible de tenir ouvertement les mêmes propos que Marianne ou Johan. S'il est toujours permis d'avouer l'ambivalence de ses sentiments à l'égard de son conjoint (« J'éprouve soudain une telle haine à l'égard de Peter que je pourrais le torturer à mort. Parfois, quand je ne peux pas dormir, je reste dans mon lit à imaginer les méthodes les plus extravagantes pour le faire souffrir »), que dirait-on des propos parfois misogynes de Johan (« As-tu jamais entendu parler d'un orchestre symphonique féminin ? Tu imagines cent dix bonnes femmes avec leurs ennuis de règles devant interpréter ensemble l'ouverture de la Pie voleuse de Rossini ? ») ou de cet aveu de l'insatisfaction sexuelle (« Tu te souviens après la naissance de Karin ? Quand tout à coup, on n'a plus pu faire l'amour. Eh bien on s'est gentiment assis et on s'est réciproquement démontré qu'il n'y avait rien de plus naturel que ça. Que c'était évident après ces deux grossesses coup sur coup. Et ensuite, tous nos raisonnements pour trouver une explication au fait qu'on n'avait plus aucun plaisir à faire l'amour ensemble ») ?


Ingmar Bergman transcende ces Scènes et révèle pourquoi le sentiment conjugal révèle des enjeux d'une telle importance. Après tout, si Marianne et Johan ne sont pas contents, ils n'ont qu'à se séparer. Mais ce n'est pas aussi simple… Lorsqu'on bâtit sa vie sur le concept du couple, on ne peut pas y renoncer sans reconnaître en même temps la vacuité d'une philosophie de vie. En quelques répliques, Ingmar Bergman applique le solipsisme, le fatalisme et le stoïcisme à la vie quotidienne. Mais est-ce seulement pour ces raisons que les Scènes de la vie conjugale édifient avec une telle puissance ? Je crois que sa puissance de fascination tient surtout à son audace. On aimerait pouvoir s'exprimer aussi librement que Marianne et Johan mais on ne le fait presque jamais parce qu'on craint les conséquences de certains aveux –et ainsi que nous le montre Ingmar Bergman, ces craintes sont parfaitement fondées.


« Il y a longtemps qu'on aurait dû commencer à se battre. Tout aurait été beaucoup mieux. »

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En refermant ce livre (lu sur les conseils avisés et argumentés de Colimasson) je ne peux m'empêcher de sourire. Quelle révélation ! Moi qui pensait qu'Ingmar Bergman risquait d'être un auteur un peu torturé, un rien pédant et difficile à saisir, je réalise comme je me suis trompée. En vérité, c'est un incroyable romantique. Car c'est bien une histoire d'amour qui se déroule ici sous nos yeux. Ce n'est pas du Douglas Sirk, on est bien d'accord. Mais tous les ingrédients de la passion sont là, une passion "moderne" qui s'inscrit dans un contexte de libération des femmes, des moeurs et de la parole tout simplement. Un livre indispensable dans la vie d'un couple et que chacun devrait avoir lu avant de s'engager, pour garder les yeux ouverts sur l'autre mais surtout sur lui-même...
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Je ne connaissais ni la série, ni le film de Bergman (je ne savais même pas que c'était autre chose qu'une pièce). Je l'ai donc lu sans aucune pré-connaissance ou attente particulière.
J'ai trouvé fortes et fines ces scènes de détricotage d'une vie de couple. Nous les rencontrons après 10 ans de mariage. La lassitude est là, elle en est à faire des efforts pour faire l'amour. Pourtant ils ont tout. mais cela ne suffit pas.
Puis il retombe amoureux, la quitte, elle et les enfants. C'est plus fort que lui, et elle semble détruite.
Puis, il n'a finalement pas ce qu'il espérait. le temps a passé. Il l'aime toujours en fait. Mais elle redevient forte, recommence à être heureuse, veut divorcer. Même si elle l'aime toujours aussi. C'est violent.
Dix ans plus tard, ils ont divorcé, se sont remariés. Mais un lien toujours fort les unit.
J'ai trouvé ça beau, puissant et effrayant à la fois. Une forme d'exigence de l'amour, de volonté de dépasser la routine, au risque de tout perdre. Une contrainte moderne en fait, qui exige que l'on fuit la routine, érigée en ennemi de l'amour. La force demandée pour surmonter la violence de la séparation. Et enfin l'acceptation de quelque chose qui les dépasse.
Cela date des années 70, mais pas sûre que le couple de Bergman ait pris beaucoup de rides...
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C'est très violant psychologiquement comme livre.
Notre couple n'est jamais à l'abri de l'évolution de la personne avec qui l'on vit et de notre propre évolution personnelle. Qu'une colossale surprise peu survenir un matin, un soir, n'importe quand. Peut-être cela fait-il parti du cours de la vie mais pourtant, nous le refusons au fond de nous.

On a tendance à se dire qu'un humain n'est pas fait pour vivre avec la même personne toute sa vie même si un amour peut perdurer.

Je ne suis pas certain qu'il soit bénéfique de prendre connaissance de ce genre de situation qui peut nous arriver à nous-même un jour. On prend le risque d'appréhender au lieu de laisser faire les choses avec une certaine spontanéité.
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Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
Johan : Je vais dire une banalité. Mais pour tout ce qui touche aux sentiments, nous sommes des analphabètes. Et c’est un fait regrettable qui n’est pas seulement valable pour toi et pour moi, mais pratiquement pour tous les hommes. Nous apprenons tout sur notre anatomie, tout sur l’agriculture en Nouvelle-Zélande, la racine carrée de pi, tout ce que tu voudras, mais sur notre âme, pas un mot. Nous sommes d’une ignorance stupéfiante tant en ce qui nous concerne qu’en ce qui concerne les autres. De nos jours, on dit un peu vaguement qu’il faut élever les enfants dans des idées d’humanité et de compréhension, des idées de coexistence, d’égalité, enfin tous les mots du vocabulaire à la mode. Mais personne ne s’est jamais dit qu’il fallait que nous apprenions d’abord quelque chose sur nous-mêmes et sur nos propres sentiments. Notre peur, notre solitude, notre colère. Sur ce chapitre nous sommes abandonnés, ignorants, remplis de mauvaise conscience et d’ambitions déçues. Il est presque inconvenant de donner conscience de son âme à un enfant. C’est tout juste si on ne nous regarde pas comme un vilain monsieur. Comment pourra-t-on jamais comprendre quelque chose aux autres, si on ne sait rien sur soi.
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Sais-tu ce que tu as tout le temps fait ? Tu as exploité ton sexe. C’était devenu la monnaie d’échange. Si je te faisais l’amour un jour, il était sous-entendu que le jour suivant, cela te serait épargné. Si j’avais été bien gentil, bien mignon, si je t’avais donné un coup de main, j’avais ma récompense : une petite récréation au lit. Si j’avais été désagréable et si j’avais osé critiquer quelque chose, alors on se vengeait et tu te retirais dans ton coin. Et je me résignais ! Quand je pense à ton comportement avec moi, c’était parfaitement grotesque. Tu étais pire qu’une putain.
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Pourquoi se priver de tout ce qui est bon en ce monde. Pourquoi ne pas avoir le droit d’être grands et gros et joyeux. Imagine un peu ce qu’on serait bien tous les deux. Tu te souviens de tante Miriam et oncle David. Rappelle-toi comme ils étaient bien et comme leur vie était douillette et comme ils étaient gros. Et tous les soirs, ils allaient se coucher dans leur grand lit qui grinçait en se tenant par la main et ils étaient contents d’être l’un avec l’autre tout gros qu’ils étaient.
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"Toute mon éducation et toute celle de mes sœurs ne visaient qu'à nous rendre agréables. J'étais plutôt laide et gauche et on n'arrêtait pas de me le dire. Petit à petit, je me suis rendu compte que si je dissimulais mes pensées, si je me faisais insinuante et prudente, cette attitude me rapportait. Mais le grand mensonge eu lieu à l'époque de la puberté. Tout ce que j'éprouvais, tout ce que je faisais, tournait autour de l'érotisme. Je n'en ai rien laissé paraître ni à mes parents, ni à personne. […] Et depuis, c'est toujours pareil. Dans les rapports avec les autres. Dans mes rapports avec les hommes, toujours la même dissimilation. Toujours les mêmes efforts désespérés pour plaire. Jamais je n'ai pensé : Voilà ce que je veux, moi. Mais : Que veut-on que je veuille ? Autrefois je croyais que c'était de l'altruisme, mais non, c'était de la lâcheté et pire encore, cela prouve que j'ignorais absolument qui je suis. Ma vie n'a jamais été un drame. Je ne suis pas douée pour ça. Mais pour la première fois tout mon être est passionnément tendu à l'idée de savoir ce qu'au fond, je veux faire de moi. Dans ce monde protégé où nous avons tous les deux vécu, Johan et moi de façon tellement inconsciente, comme si tout allait de soi, existait implicitement une cruauté, une brutalité qui plus j'y pense m'effraie. Pour s'acheter une sécurité extérieure, ce monde exige un prix très élevé : accepter la destruction permanente de sa personnalité."
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Chaque jour, chaque heure, chaque minute de notre vie est quadrillé. Et dans chaque petit carré, il est inscrit ce que nous devons faire. Les carrés se remplissent au fur et à mesure et bien longtemps à l’avance. Et qu’il y ait soudain un carré sans rien de prévu, nous voilà pris de panique et nous nous dépêchons de le remplir avec toutes sortes de pattes de mouches.
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