Comme dans beaucoup de ses oeuvres, Bergounioux revient dans ce court texte a son enfance, sa jeunesse, son pays, la region qui l'a vu naitre. Ici il essaie de soutenir que le terroir physique, geologique, conditionne non seulement la facon de vivre, les comportements, mais encore et surtout le caractere et la personnalite de ses habitants. Je crois quant a moi que c'est surement vrai historiquement. de nos jours aucun terroir n'est plus cloisonne (en France. Ce n'est que sur la France que Bergounioux couche sa these) et les influences sont beaucoup plus diverses.
Mais je retiens quelques passages. Comme quand il lit les “classiques “ pour essayer de comprendre: “les classiques du matérialisme historique imprimés à Moscou, Leipzig et, depuis peu, Pékin. le mot qui résumait la vie antérieure – « Idiotismus » – m'a sauté aux yeux. Les traducteurs, pour ménager cette partie du lectorat qui avait grandi ou vivait encore dans les régions à vocation agricole, l'avaient rendu par une périphrase longuette – « l'étroitesse bornée de la vie rurale ». Toutefois, une philosophie de combat, qui se propose, non plus d'interpréter le monde mais de le changer, ne s'attardera pas à détailler les nuances de « la simplicité champêtre », pour user d'un autre euphémisme”. Ou quand il s'essaye a des considerations d'histoire economique: “Ce qui s'est passé, c'est que les « bonnes terres », avec le machinisme, les engrais, les semences de sélection, ont commencé à suffire aux besoins du pays – deux quintaux de blé par personne et par an. Les « moins bonnes » retournaient à la friche. […] Les moins bonnes terres soutiennent, on le sait, la rente foncière. Leur produit est nécessaire. Leurs coûts de production, élevés, fixent le prix de marché. En vertu de quoi, le produit des bonnes, obtenu à moindres frais, procure au propriétaire un profit indu, équivalant au travail épargné. […] Non contentes de tenir leurs occupants à la portion congrue de châtaignes et de blé noir, les « moins bonnes terres » rendent coûteux le superflu, les livres, par exemple”. Sans livres, qui peuvent rendre compte d'autres manieres de vivre, qui peuvent faire reculer l'horizon, on reste prisonnier, physiquement et mentalement, de son terroir. Et Bergounioux de temoigner: “Il existait trois librairies. L'une proposait surtout des articles de bureau, des sous-main en cuir, des stylos de luxe à corps d'ébonite et plume en or, dans des coffrets de satin, dont j'imaginais, au début, qu'ils devaient sécréter des phrases inouïes. L'autre s'était spécialisée dans la vente des livres scolaires, à la rentrée. La troisième n'était guère mieux achalandée parce que, en l'absence de demande, il n'aurait servi à rien de constituer un fonds”.
En fin de compte ce petit livre m'a laisse sur ma faim. Meme le style, le grand atout de Bergounioux, m'a paru plus lourd qu'a son habitude. Si je dois finir par un conseil, lisez plutot
Miette, ou
Une chambre en Hollande, ou meme
La mort de Brune. Cet opus peut etre laisse dans son etagere.