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EAN : 9782070120260
72 pages
Gallimard (03/04/2008)
5/5   2 notes
Résumé :
"Vous trouvez que je m'égare et que je vous perds en même temps, lieutenant ? Simplement j'essaye - avec une grande maladresse, je veux bien en convenir, mais cela personne jamais ne nous l'a appris -, j'essaye de vous faire comprendre ce que c'est Léa et moi, toute la tendresse et toute la passion, tout le désir et toute la patience, comme les Cucurucuc, les deux rochers à l'entrée de votre baie, qui sont à jamais unis par l'eau qui les sépare. Voilà ce que j'essay... >Voir plus
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La mer, et surtout les îles, sont au coeur de la poésie de Philippe-Marie Bernadou, qui a également consacré un roman chez l'Arpenteur-Gallimard à un des lieux qu'il affectionne : « Cadaqués, aller simple »

Non, Cadaqués n'est pas une île, et cependant Philippe-Marie Bernadou y est allé…. Souvent même, à l'en croire. Et pour des séjours qui sans doute l'ont ravi, au point d'en ramener un roman sans retour, son « Cadaqués, aller simple » (L'Arpenteur-Galimmard). Un polar. Avec une disparue, Léa, un homme qui la recherche (le narrateur) et vient s'expliquer au commissariat, etc.
Mais peu importe l'histoire, le vrai personnage, c'est Cadaqués, de la pointe de Sa Figuera au cap de Creus, avec la peinture et le souvenir de Dali, Port Lligat et surtout, surtout, ici encore, la mer, la « lumière intérieure » des pierres, un phare… ‒ un bout du monde, en somme.
Nous y revoilà ! Cadaqués n'est pas une île, mais pour cet amoureux de l'insularité, c'en est presque une !
D'accord, son premier recueil (1985) s'intitulait « Ailes » ; mais il était en partie inspiré par un séjour en… Polynésie. Fait de proses denses, solidement structurées et rythmées, où les mots sont utilisés à plein, il constituait déjà un hymne au grand large et au voyage. Pour dire le rêve de partir et le fracas qu'il fait dans nos vies, ce rêve.
L'île : « un regard vers l'intérieur »

Deux ans plus tard, j'éditais en marge de Texture une petite plaquette, « Littorales », s'inspirant de ces lisières, ces limites fragiles « où la terre et l'eau se dépassent ».
Le premier poèmes ? « Iles » :
« Ne rendre compte qu'à si peu de terre et tant de solitude.
« La mer, première, ne demande rien. Elle n'attend pas. Sait que nous viendrons. »
Le vertige métaphysique et la poésie font bon ménage. Ajoutez-y un peu d'eau, de sel et d'écume, et vous avez le mal de mer, la vague à l'âme. Un peu de terre, et vous avez une île : « un regard vers l'intérieur », écrit Philippe-Marie Bernadou dans « Baies », son deuxième recueil chez Rougerie. (notez, la baie évoque encore l'insularité en négatif : « Baies : L'île s'affirme. Elle isole la mer ».)
La mer est encore présente dans son troisième opus chez Rougerie, « Craie, cratère, créatures ». Car s'il y est question de terre, il y est aussi question d'« ancres » et ça sent l'iode. Mais les îles qui l'inspirent habituellement, ici sont peuplées. Des femmes, des hommes y passent, révélant un peu de leur intime lumière (avec cette belle image définissant, au fond, ce qu'est une culture : « Leur mémoire, plus ancienne qu'eux » ) et ces « ponts » qui parfois les relient (« Que c'est noueux, un homme »), tandis que le volcan exerce sa fascination comme une allégorie, de la vie et de la mort, d'un feu qui se hâte vers ses cendres, d'une terre qu'on désire et dont on redoute l'étreinte (« Volcans / prêts à me boire / qu'importe / si je les ai bus /d'abord »).
Ce voyageur jamais lassé s'écriant « Heureux îliens, qui ne peuvent fuir », a le sens de la déréliction. Il le rappelle de manière explicite avec son « Cadaqués… », sorte de voyage initiatique pour apprendre l'effacement, assumer l'oubli qui guette. Mais c'est dans ses recueils poétiques surtout, qu'en filigrane se dessine cette désespérance solaire qui fonde la pensée d'un Camus et, sans doute, la poésie d'un Char.
Sautant d'île en île, Philippe-Marie Bernadou constitue ainsi, lui aussi, sa « parole en archipel » en évoquant des terres brûlées de sel, des criques protégées, des paysages laissant l'impression d'être « enfermés dans l'immense ». Tel est son territoire de poète, un vide qui scintille, ce « paradis des anachorètes (…), de tous ceux qui rêvent d'extrême solitude et du bruissant silence des origines. »
Sans oublier l'ivresse de liberté qui va avec et qui peut s'exprimer, parfois, à travers une notation amusée, du genre : « Leur maison me plaît : ses chatières sont à hauteur d'homme ».

Michel Baglin / Revue Texture

*

«De notre balcon, Cadaqués est vivant.» Ce n'est peut-être pas le cas de Léa à la page d'où l'on vous parle (20), puisque le narrateur attend toujours qu'elle revienne, comme si la ville l'avait absorbée tendrement, sans violence : «Passé le jardin, je me suis retourné pour lui faire remarquer que la lune était à présent bien cachée et que cette obscurité donnait le sentiment que tout était possible. Elle n'était plus là.»

La folie siffle à la fenêtre dans ce bref récit qu'un homme fait à la police : «Lieutenant,aidez-moi à retrouver où je l'ai cachée.» Léa est de fait enracinée en lui, inséparable : «Nous vivons dans l'éternité de nos gestes. Vous voyez, c'est sans espoir.» Raison pour laquelle les recherches ne s'activent guère. le narrateur se lance alors dans une visite spirituelle de Cadaqués, et picturale, avec les fantômes de Dali, Duchamp, Gala. de Walter Benjamin, aussi, suicidé à Port-Bou, de Virginia Woolf en promenade au phare. Lorsqu'il traverse un carnaval, cette première fiction de Bernadou (après trois recueils de poèmes) se met à goder, à exhiber sa pulpe de rêve : «Un centurion dansait avec une mante religieuse, un cheik consolait un petit Zorro dont le vent avait emporté le chapeau entre les barques.»

Stationnant dans un tourbillon hypnotique d'où personne ne revient, ni Léa ni le sergent parti à sa recherche, Cadaqués, aller simple est à la fois une réussite dans l'ordre de la vieille littérature moderne (une fiction qui ne renvoie à rien, une enquête sur sa propre dépossession) et dans celui de la poésie descriptive, puisque Léa est peintre - ut pictura poesis. Une écriture simple, lumineuse, pleine de «chats alanguis sur les marches»et du «vent dans les branches du pin».

Pour retrouver Léa, il faudra passer par le jeu du «loridon», qui se joue «dans la salle vitrée du casino d'où l'on voit les passants arriver de loin. Il s'agit d'attendre un ami imaginaire et de détailler en quoi chaque personne qui entre ressemble ou diffère de l'idée que nous nous faisons de lui».

LORET Eric / Libération
http://www.liberation.fr/livres/2008/05/08/aleas-de-lea_71211

Lien : http://revue-texture.fr/La-v..
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