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Bernard Frank (Préfacier, etc.)Michel Estève (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782253933021
414 pages
Le Livre de Poche (01/07/1998)
3.57/5   37 notes
Résumé :
Dans La Grande Peur des bien-pensants, Georges Bernanos raconte la vie d'Edouard Drumont.

Pourquoi veut-il évoquer pour la jeunesse de 1930 ce journaliste né en 1844, mort en 1917? Pour l'honorer, écrit-il.

Et aussi parce qu'il y a entre eux une communauté d'idéal.

Encore monarchiste comme le fut Drumont et profondément nationaliste, l'écrivain catholique en parlant de lui parle de ce qui lui tient le plus au coeur.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Premier écrit politique de l'écrivain, la grande de peur des bien-pensants est un hommage à un homme politique français, Edouard Drumont. Ce dernier est auteur de « La France juive », pamphlet qui dénonce entre autre la main-mise des juifs sur tout le système financier (thème hautement original), et fondateur de la « Ligue nationale antisémitique de France ». Tout un programme.

Cet hommage est l'occasion de revenir sur les événements politiques qui ont secoué la France 50 ans plus tôt. Quand on est monarchiste et catholique, on ne vit pas forcément très bien l'instauration de la troisième république et la séparation de l'église et de l'état. Surtout que pour l'auteur, il y avait plusieurs situations qui auraient pu faire rebasculer le pays dans la « bonne » direction, mais qui ont échouées par lâcheté, par naïveté, par mauvais calcul, au moment de faire le dernier geste. Ces situations sont d'ailleurs toujours amèrement remâchées aujourd'hui par les successeurs du mouvement : le boulangisme, l'affaire Dreyfus, le décret Crémieux, ...

Même s'il faut reconnaître que Bernanos écrit très bien, il donne dans ce livre dans l'exagération à outrance. Peut-être que le décalage de ses écrits avec notre époque s'est encore creusé ? Toujours est-il qu'on a l'impression de voir quelqu'un vider en vain ses poumons pour tenter de redonner forme à une baudruche crevée.
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Je suis entrain de lire "Antisémythes " de Marie-Anne Matard-Bonucci; dans sa préface, l'auteur reprend la déclaration de Bernanos selon laquelle Hitler aurait "déshonoré l'antisémitisme. Cette déclaration se retrouvetrouve dans les annexes de "la grande peur...", édition du Livre de Poche, particulièrement la deuxième et la troisième. Certaines de ces annexes ont été écrites après la Guerre, ce qui établit bien que Bernanos n'a rien renié. Il essaie laborieusement de distinguer l'antisémitisme chrétien de l'antisémitisme nazi, alors que toute la recherche récente en histoire des idées établit le contraire.
C'est pourquoi j'ai eu envie de faire du sort à "la grande peur des bien-pensants", n'ayant jamais compris, qu'on ait si facilement pardonné le livre à son auteur, médiocre écrivain mais excellent antisémite
Car n'est ni plus ni moins que l'apologie d'un des pires théoriciens de l'antisémitisme français, auteur de l'immonde "la france juive",qui se fit tristement connaître lors de l'Affaire Dreyfus. Mais pour lui Drummond a des excuses: il était chrétien; Bernanos aussi d'ailleurs. Cela change tout évidemment!
Bernanos lui-même n'a jamais renié son antisémitisme de jeunesse. Il est vrai que son catholicisme l'a quand même tenu à l'écart du national-socialisme, ce qui, joint à sa condamnation du franquisme dans "les grands cimetières sous la lune" lui a permis de revenir après la guerre de son confortable séjour au Brésil avec une auréole de quasi-résistant (la résistance est plus facile à quelques milliers de kilomètres de l'armée allemande).
Mais cela ne l'empêcha pas de conclure, comme rappelé ci-dessus, qu'"Hitler avait déshonoré l'antisémitisme". Pour le reste ce grand penseur a commis quelques essais violemment antiprogressistes et anti-lumières, dont on ne sait s'il faut admirer le plus la naïveté ou la stupidité. Il rejette le progrès en bloc, qu'il soit social ou technique, au nom d'une Chrétienté médiévale en grande partie imaginaire
Et à vrai dire, on ne comprend pas trop quel régime politique et quelle organisation sociale aurait sa faveur.
Cette condamnation n'a rien d'original et on la retrouve sous la plume de beaucoup d'autres écrivains réactionnaires, y compris chez les idéologues de la Révolution Nationale
Ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant, puisqu'on trouve dans les deux cas l'influence de l'Action Française
Pour les"Grands Cimetières sous la lune", tellement loués qu'en leur nom on excuse tout le reste, il faut les replacer dans leur contexte. Installé à Majorque, Bernanos était à origine favorable à la rébellion. Son fils était d'ailleurs phalangiste (dans le contexte de l'époque, ces engagements n'avaient d'ailleurs rien de deshonorants). Les Baléares ayant été rapidement occupés par les Franquistes, Bernanos eut l'occasion d'assister en première ligne aux excès de la répressions (ces excès d'ailleurs équitablement partagés entre les deux camps, comme dans toute guerre civile qui se respecte). Cette dénonciation est d'autant plus honorable que l'auteur appartenait au départ au camp responsable de ces exactions. Il fut apprécié en tant que tel par les gauches européennes. C'est bien, mais cela ne va pas au-delà et n'a nécessité aucun courage particulier, l'auteur étant protégé par son passeport de citoyen français, et les Franquistes évitant tout ce qui aurait pu être un casus belli pour la France
Quant à son oeuvre romanesque, elle est médiocre, ennuyeuse, et empreinte d'une vision si sectaire et exaltée du catholicisme qu'elle en est insupportable et ne rend pas service à cette religion. le style heurté en rend la lecture pénible. Et l'auteur semble haïr tous ses personnages avec une belle equanimite

Du moins, le pauvre Léon Bloy, tout aussi exalté dans son genre, mais doté malgré tout d'une véritable verve polémique, et ne manquant pas d'un certain sens de l'humour, avait lui, écrit "le salut par les juifs"
Je ne suis pas certain que, sur le plan des idées, Bernanos vaille beaucoup mieux que Céline, le talent en moins.

Le sieur Lapaque, à qui j'ai déjà fait un sort, déclare dans sa préface à La Grande Peur qu'il n'y a pas lieu de distinguer le bon Bernanos des romans et le méchant Bernanos des pamphlets : Bernanos est un tout, qu'il faut prendre ou laisser en bloc. Je suis bien d'accord. Je laisse
Voilà bien du temps consacré à un méchant livre. Mais c'est oeuvre utile vu l'aura dont il bénéficie encore.
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Pour ceux qui connaissent et apprécient le Bernanos opposé au nazisme, ce texte a de quoi surprendre. Oeuvre de jeunesse, l'écrivain y fait l'apologie à peine nuancée d'Edouard Drumont, son maître à penser et célèbre auteur de la France juive.
Evidemment, l'oeuvre est difficile à saisir pour nos yeux qui lui sont trop peu contemporains : les événements recensés paraissent inimaginables ou à tout le moins orduriers, les succès de tels livres en feraient bondir plus d'un et les points de vue sont si excessifs qu'ils nous atterrent. Cependant, tout l'intérêt de cette lecture est de saisir la complexité de ces temps si peu manichéens. Bernanos est un homme pensant plus que bien-pensant. Il se trompe, il se corrige, il se nuance et toute la profondeur de sa dialectique passe aussi par la découverte de ses errances. Ainsi, on ne saurait comprendre La Grande peur des bien-pensants sans découvrir Les Grands cimetières sous la lune, autre tournant de sa réflexion politique sur les idées extrêmes. Les deux ouvrages apparaissent alors comme les deux pans d'un même diptyque, où les idées même les plus éloignées des nôtres nous paraissent étayées et pertinentes, pour être aussitôt après mises à mal par de nouveaux éléments.
Un livre passionnant d'un point de vue historique et indispensable d'un point de vue dialectique !
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Il me fallut une année pleine et entière pour lire ce pamphlet, pas parce que je n'avais pas envie, mais parce que j'étais pris dans une course, quasi boulimique, de lecture. J'ai privilégié de plus petits livres de Péguy, Maurras, Voltaire, Rousseau et d'autres. Ainsi donc je n'ai pris mon courage à deux mains que en ce début de décembre 2019 et qu'elle ne fut pas mon erreur d'avoir attendu si longtemps.

Georges Bernanos (1888-1948) nous livre, nous donne à voir, un héritage que beaucoup de nos contemporains refuseraient. Il nous permet de suivre, de la chute du Second Empire à une froide journée de février 1917, Edouard Drumont. Tout de suite, ce nom éternellement associé à Clemenceau, mais surtout à l'Affaire Dreyfus devrait, par un réflexe pavlovien, vous faire hérisser le poil. Drumont, c'est l'antisémite, c'est le calomniateur, c'est l'auteur de l'immonde "La France Juive", c'est la personnification même du sentiment antisémite français d'avant-guerre, c'est un personnage que nous devrions tantôt oublier et rayer de nos listes d'écrivains et tantôt mettre au pinacle de l'antisémitisme, héritier d'une vieille tradition catholique. Son antisémitisme est avéré, les nombreux extraits dont Bernanos nous fait grâce, l'attestent. La préface nous prévient aussi, qu'importe, j'ai acheté ce livre, je le lirais.

Ce livre, comme "l'Argent" de Péguy, nous fait voir la fin d'une France, pas de la France, mais d'une certaine France. L'Ancienne France, que le Péguy enfant dans les années 1880 croît avoir touché du bout des doigts. En vérité, Drumont nous montre que la Révolution a permis l'entrée d'une nouvelle classe de personne, des personnes qui étaient tenues à l'écart du temps de nos Rois et qui ne se montraient que rarement. Une classe qui s'est immiscée dans les couloirs du pouvoir sous la Monarchie de Juillet pour n'apparaître pleinement que sous la IIIème la République. « Qui sont ces gens ? », devez-vous vous demander, ce sont des personnes n'ayant pour seul Dieu que l'argent, et pour évangile tous les moyens possibles et inimaginables permettant d'en obtenir. Personnellement j'aurais dit "la Bourgeoisie", lui, Drumont, nous répond "les juifs". Il s'est attaqué à ces personnes par antisémitisme oui et c'est une erreur. Leur obédience religieuse n'est pas la conséquence de l'utilisation de la spéculation comme manière de vivre. Il aurait pu s'attaquer à la bourgeoisie, peu importe la religion de celle-ci, et avoir la même conclusion. Mais voilà, Drumont était antisémite. Et quand il s'attaquait au "Capital cosmopolite", il n'attaquait pas les multinationales naissantes qui permirent le scandale de Panama, mais les juifs, erreur.

Drumont s'évertuera, Bernanos le peint comme un croisé ou un paysan gaulois, à dénoncer le pouvoir de l'argent au sein de la politique française de cette fin du XIXème. le « vieux maître » comme aime à l'appeler Bernanos a dénoncé bien avant les autres le scandale de Panama. Il s'attaque à la puissance financière qui fait et défait des gouvernements, qui paye des pots de vin pour faire voter telles lois et surtout qui oeuvre à la destruction de la France.

Bien entendu, Drumont qui est catholique, royaliste, a été immensément déçu par le légitimiste Mac-Mahon, Président de la République, qui n'a rien fait pour restaurer la monarchie. L'idée que Drumont serait le dernier d'une race, au sens ancien, qui donna des Godefroy de Bouillon, des Tancrède, nous est particulièrement suggérée. Mais ce livre nous montre aussi que Drumont, après le coup d'éclat de son oeuvre bien connu "La France Juive" fut jusqu'à la fin de sa vie, un combattant pareil à un lion qui, aussi à l'aise avec une plume qu'avec une épée, ne craint pas de combattre. Il mourut en 1917, seul et quasi-aveugle.

Bernanos ne fait pas preuve d'enthousiasme sur son époque, il nous montre que la déconstruction de la France a bien marché, que le parti de "l'Anti-France", qui a oeuvré depuis les Lumières jusqu'à la date de rédaction du livre, a fait oublier la chrétienté. Nous, héritiers d'un millénaire de christianisme. Nous, qui avons été un des premiers royaumes d'Occident à être christianisé, on nous aurait fait oublier en à peine deux siècles toute notre histoire, tout notre patrimoine. La République, laïque (comprendre anticléricale) a oeuvré en expulsant les congrégations religieuses. La majorité des Français a appris son histoire avec ce que Péguy a appelé les Hussards noirs c'est-à-dire des professeurs, Normaliens, profondément républicains. Bien entendu comme tout régime qui s'établit, qui a des fondations peu stables, la République a placé ses pions un peu partout. Mais ce qu'il faut retenir, selon Bernanos, c'est que ce régime, qui a amené à une société sans Dieu, sans spiritualité, une société consommatrice, a servi les pouvoirs de l'argent.

Drumont s'est attaqué à ceux qui ont du pouvoir, celui de l'argent, notamment aux personnes issues de la communauté juive alsacienne, qui dans une période post-Sedan, a laissé planer le doute sur son allégeance. Les Reinach, Kohn, Rothschild, Hertz, Dreyfus et d'autres ont été associés aux pouvoirs de l'argent et de la destruction de la France, à cause de leur judaïsme, mais, il s'est aussi attaqués aux Gambetta, Clemenceau, Grévy, Simon, Ferry et même Déroulède et Boulanger. Il disait d'ailleurs de Pujo (Ligue de la Patrie française) et de Déroulède (Ligue des Patriotes) qu'ils n'avaient aucune doctrine.

Je terminerais en signalant que ce livre nécessite une encyclopédie à portée de main, étant donné le nombre faramineux de noms propres, d'évènements, de lieux cités. C'est un livre qui constate de la transformation de notre pays entre 1870 et 1930 mais qui pourrait heurter les plus sensibles d'entre nous. La conclusion de Bernanos préfigure déjà son livre "La France contre les robots". Drumont reste et restera un des premiers nationalistes français mais aussi le fondateur de la "Ligue antisémite". Et il lègue aux nationalistes français cet héritage, qui n'est pas facile à porter. Ce livre témoigne d'une époque révolue et surtout d'une époque où la République pouvait être renverser du jour au lendemain.

Pour conclure, on peut dire que ce livre est biographique parce que nous suivons Drumont de sa vingtaine à sa mort, il témoigne comme je l'ai dit d'une époque particulière [1870-1930] et en même temps Bernanos anticipe une société machiniste, consommatrice, sans spiritualité.

Pour ceux à qui les noms de Maurras, Daudet, Déroulède, Barrès évoquent quelque chose, sachez qu'avant eux il y eut Drumont.
Lien : https://aviscontraires.wordp..
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Attiré par ce titre, j'ai chopé ce livre dans une boîte à livres... Dès les premières pages, j'ai senti que j'allais avoir du mal, beaucoup de mal. J'ai essayé de me motiver en lisant les critiques du livre mais ça m'a plutôt refroidi encore. Sans doute Bernanos est très intelligent et très subtil dans ses propos. Qui sont affreux quand même.
Le livre est une espèce de contre-histoire avec un tas de noms que je ne connais pas, c'est beaucoup trop pointilleux, je vais rejeter ce livre et oublier qu'il fut entre mes mains en cette fin d'été 2022.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Je suis resté longtemps étonnamment naïf ou même gobeur, et, au fond, peu curieux, aimant la contemplation plus que la fatigante investigation. Aussi ai-je toujours trouvé admirable un mot de saint Thomas d'Aquin. Il était à son travail lorsqu'un jeune frère vint lui dire : « Regardez donc ! Un bœuf qui vole en l'air ! » Le saint se met à la fenêtre, l'autre éclate de rire : « Comment avez-vous pu croire cela ? — Il me semblait bien plus naturel d'admettre qu'un bœuf volât en l'air que de supposer qu'un religieux pût mentir. »
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Si intimidée qu'on la suppose, une nation vieille de mille ans reste un être organisé, garde un cœur et un cerveau, ne saurait s'arrêter de penser. Elle a besoin d'un fond d'idées et de sentiments communs, d'une opinion : la république a mis près d'un siècle à le créer. Ayant d'abord abruti de notions contradictoires, de grands mots venus d'ailleurs, puis finalement réduit au silence le peuple autochtone, elle a dû se servir, pour refaire peu à peu ce qu'elle avait détruit, des quelques éléments restés à sa disposition. L'ardente minorité juive, admirablement douée pour la controverse, profondément indifférente à la phraséologie occidentale, mais qui voit dans la lutte des idées, menées à coups de billets de banque, un magistral alibi, devint tout naturellement le noyau d'une nouvelle France qui grandit peu à peu aux dépens de l'ancienne jusqu'à se croire, un jour, de taille à jouer la partie décisive. Mais entre-temps, l'autre France était morte... Tradition politique, religieuse, sociale ou familiale, tout avait été minutieusement vidé, comme l'embaumeur pompe un cerveau par les narines. Non seulement ce malheureux pays n'avait plus de substance grise, mais la tumeur s'était si parfaitement substituée à l'organe qu'elle avait détruit, que la France ne semblait pas s'apercevoir du changement, et pensait avec son cancer !
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Les puissantes démocraties capitalistes de demain, organisées pour l'exploitation rationnelle de l'homme au profit de l'espèce, avec leur étatisme forcené, l'inextricable réseau des institutions de prévoyance et d'assurances, finiront par élever entre l'individu et l'Église une barrière administrative qu'aucun Vincent de Paul n'essaiera même plus de franchir. Dès lors, il pourra bien subsister quelque part un pape, une hiérarchie, ce qu'il faut enfin pour que la parole donnée par Dieu soit gardée jusqu'à la fin, on pourra même y joindre, à la rigueur, quelques fonctionnaires ecclésiastiques tolérés ou même entretenus par l'État, au titre d'auxiliaires du médecin psychiatre, et qui n'ambitionneront rien tant que d'être traités un jour de « cher maître » par cet imposant confrère... Seulement, la chrétienté sera morte. Peut-être n'est-elle plus déjà qu'un rêve ?
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Là, sûrement, fut l'erreur du grand homme. Catholique de tradition, et pour ainsi dire de race, mais converti d'hier, il eut cette faiblesse de ménager des hommes dont il savait mieux que personne la prodigieuse lâcheté intellectuelle. Il commit cette folie de prétendre y recruter le meilleur de sa troupe, sa troupe de choc. Et la folie plus impardonnable encore de commencer par leur jeter à la face, dans le vain espoir de les redresse, ces vérités qu'ils ne pardonnent jamais parce qu'ils en subissent malgré eux l'évidence. [...]
Espérer compromettre de tels hommes, quelle folie ! Au lieu que l'antisémitisme avait de quoi soulever les faubourgs. Une fois incarné dans de solides gaillards en pantalons de velours, on eût député vers elle des suppliants la corde au cou, et le mot d'antisémitisme serait prononcé aujourd'hui dans les sacristies avec la même dévotion que celui de démocratie, hier encore frappé d'interdit.
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« Que nous veut-il avec ce Drumont ? » direz-vous. Eh bien, je veux l'honorer, voilà tout. Je ne demande pas justice. Quelle justice ? C'était un homme de mon pays, de mon lignage (de mon lignage et du vôtre), un fort garçon français, un peu épais des épaules, au pas solide. De telles gens font leurs affaires eux-mêmes, aussi longtemps qu'ils tiennent debout. Aussi longtemps qu'ils tiennent debout, ils portent leur vie tout seuls, sans rien demander à personne, ils portent le bon et le mauvais, chaque chose à sa place, pour que Dieu d'y reconnaisse plus vite, au jour du jugement.
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Vidéo de Georges Bernanos
« Rien ne me réconcilie, je suis vivant dans votre nuit abominable, je lève mes mains dans le désespoir, je lève les mains dans la transe et le transport de l'espérance sauvage et sourde ! » (Paul Claudel, Cinq Grandes Odes)
« Singulière figure que celle de Georges Bernanos (1888-1948) […]. Sorte de Protée des haines et de l'amour, il semble ne jamais offrir deux fois le même visage. Il y aurait plusieurs Bernanos : un Bernanos de droite, à cause des Camelots du Roi, un Bernanos de gauche à cause des Grands Cimetières sous la lune ; un Bernanos romancier des abîmes de la condition humaine, ou un Bernanos pamphlétaire névropathe ; un Bernanos anticlérical, un Bernanos pieux catholique ; un Bernanos antisémite, un Bernanos réactionnaire, un Bernanos prophète, un Bernanos énergumène, un Bernanos enthousiaste... L'inventaire est sans fin […]. Romancier, essayiste, journaliste, Bernanos est l'homme d'une oeuvre vaste mais unifiée, tout entière contenue dans cette tâche qu'il découvrit être la sienne : rendre témoignage à la vérité, en manifestant de toutes les manières possibles ce qui est pour lui la finalité de toute condition humaine. […] Bernanos ne se faisait aucune illusion quant à l'efficace immédiate de ses écrits sur la marche du monde. C'est, toujours et seulement, de la révolte de l'esprit, la seule qui vaille, qu'il est question chez lui. […] » (Romain Debluë)
« […] C'est sans doute ma vocation d'écrire, ce n'est ni mon goût ni mon plaisir, je ne puis m'empêcher d'en courir le risque, voilà tout. Et ce risque me paraît chaque fois plus grand, parce que l'expérience de la vie nous décourage de plaire, et qu'il est moins facile encore de convaincre. J'ai commencé d'écrire trop tard, beaucoup trop tard, à un âge où on ne peut plus être fier des quelques vérités qu'on possède, parce qu'on ne s'imagine plus les avoir conquises, on sait parfaitement qu'elles sont venues à vous, au moment favorable, alors que nous ne les attendions pas, que parfois même nous leur tournions le dos. Comment espérer imposer aux autres ce qui vous a été donné par hasard, ou par grâce ? […] Il faut vraiment n'avoir pas dépassé la quarantaine, pour croire que dix pages, cent pages, mille pages d'affirmations massives sont capables de forcer une conscience : c'est vouloir ouvrir la délicate serrure d'un coffre-fort avec une clef de porte cochère. L'âge aidant, il me paraît maintenant presque aussi ridicule et aussi vain de dire au public : « Crois-moi ! » qu'à une femme : « Aime-moi ! » et le résultat est le même, soit qu'on ordonne ou qu'on supplie. Rien n'est plus facile que de prêcher la vérité. le miracle, c'est de la faire aimer. […] » (Georges Bernanos, Comprendre, c'est aimer, paru dans La Prensa, à Buenos Aires, le 19 janvier 1941.)
0:04 - Réponse à une enquête 11:30 - Générique
Référence bibliographique : Georges Bernanos, Scandale de la vérité, essais, pamphlets, articles et témoignages, Éditions Robert Laffont, 2019
Image d'illustration : https://www.france-libre.net/bernanos-appel/
Bande sonore originale : Carlos Viola - The Four Witnesses (Piano Version)
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/the-four-witnesses
#GeorgesBernanos #scandaledelavérité #LittératureFrançaise
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