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Critique de StCyr


StCyr
24 décembre 2014
Le docteur Yannis, médecin de Céphalonie, veuf et charitable, vivant avec sa fille Pélagia, tache à ses heures perdues d'écrire une histoire de cette contrée insulaire de la Grèce, riche d'événements, de légendes et de mythologie, carrefour et territoire d'invasions millénaires. Cette histoire écrite avec passion et emportement s'intercale judicieusement avec la chronique, sur quatre générations, des événements du village où il vit comme une figure centrale respectée de tous.

le roman s'ouvre sur la désincarcération loufoque d'un vieux petit pois coincé dans l'orifice auriculaire d'un vieux monsieur chenu… on pense être plongé dans une farce décousue et réjouissante avec l'évocation drolatique d'une vaste galerie de personnages colorés et folkloriques tels le colosse à la force cyclopéenne Mégalos Vélissarios, ou Arsénios pope ivrogne qui se transfigurera en prophète halluciné et tonnant, mais aussi les deux vieux amis, Kokolio, le communiste et Stamatis le monarchiste, refaisant le monde au café du village, ou encore Carlo Pietro Guercio soldat homosexuel italien, Mandras, pêcheur et prétendant malchanceux de Pélagia, et sa mère Drossoula la “turque”, femme de tête et de principe, et surtout, last but not least, le personnage éponyme du roman, le capitaine Antonio Corelli, mélomane du 33 ème régiment d'infanterie de l'armée d'occupation italienne, et sa fidèle moitié, prolongement de sa personnalité, Antonia, la divine mandoline. A cette liste non exhaustive de personnages attachants s'adjoint une chèvre friande de littérature, sous l'exclusive forme de papier à mâcher et une odorante et douce martre. Ce microcosme représentatif de cette société insulaire, avant la tragédie du second conflit mondial, est encadré par les figures historiques et publiques de Mussolini ou Metaxas; la grande histoire encadre la petite, lui donne toute sa profondeur humaniste et psychologique, et introduit les profonds changements et les bouleversements dans la vie des personnages. Ainsi à mesure que la lecture se développe, les épisodes comiques narrés à la troisième personne du singulier, alternent avec des épisodes sérieux sous d'autres formes de narration, comme des monologues intérieur, des lettres du front ou de brochure de propagande anti-mussolinienne. C'est le grand mérite de cette oeuvre, débutant comme une bouffonnerie grandiloquente, elle bifurque progressivement et insensiblement sur la tragédie la plus noire et la plus atroce, pour finir sur une note douce et attendrissante de mélancolie; image d'une société et d'un pays bouleversés maintes fois dans son histoire par des envahisseurs plus ou moins détestés.

La pitoyable impréparation des troupes italiennes, la terrible campagne De Grèce, les massacres perpétrés par les troupes nazis sur leurs anciens alliés en septembre 1943, les horreurs de la guerre civile, le terrible séisme du 13 août 1953, le tourisme de masse et les play-boys, c'est une formidable comédie humaine hellénique, douce-amère, que livre Louis de Bernières, dans une oeuvre magistrale d'humour, d'horreur, de tendresse, dont l'intérêt ne se dément jamais. On reste captivé et conquis.
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