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Critique de Woland


Woland
26 décembre 2007
Simone Bertière a un don exceptionnel pour restituer tout ce que l'Histoire de notre pays recèle de passionnant. Je le répète, les néophytes ont tout intérêt à se procurer sans tarder sa série sur "Les Reines de France" (disponible aujourd'hui en édition de poche) qui, d'Anne de Bretagne à Marie-Antoinette, s'applique à dépeindre les liens profonds qui unirent la monarchie française aux épouses de ses rois.
Pour l'historienne, la Reine - ou la Régente - était une composante essentielle du système. A partir du moment où, soit parce qu'on lui impose une mise en retrait, soit parce qu'elle choisit elle-même de prendre du recul avec la fonction qui est la sienne, la Reine consent à voir ces liens se relâcher et se distendre, la monarchie n'a plus beaucoup d'années devant elle.
Paradoxalement, c'est sous Louis XIV, celui de nos rois qui porta le principe royal à son apogée en instaurant l'absolutisme, que s'amorce le lent mais irrémédiable déclin de la Reine en tant que symbole intouchable et quasi sacré. le Roi-Soleil en eut-il conscience ? Bertière ne se prononce pas.
Pourtant, on ne pourra reprocher à Louis XIV de n'avoir pas aimé les femmes. Avantage rarissime chez un prince, il avait eu la chance d'avoir une mère aimante et proche de ses enfants. du jour de la naissance de son fils aîné jusqu'à celui de sa propre mort, Anne d'Autriche veilla sur lui avec un dévouement absolu.
On aurait donc pu croire qu'il chercherait à avoir auprès de lui une reine aussi rayonnante que le fut sa mère. Son épouse, Marie-Thérèse, passait d'ailleurs pour ressembler beaucoup à sa tante, Anne d'Autriche. Hélas ! cette ressemblance n'était que physique : l'intellect n'était pas à la hauteur. le roi, qui était jeune et plein de vie, plein d'exigences aussi, se lassa très vite.
C'est avec Marie-Thérèse que s'ancre l'usage aussi déplorable que machiste de ne plus sacrer les reines de France. On en avait perdu l'habitude un peu par superstition car le sacre de Marie de Médicis avait précédé de quelques jours l'assassinat de son époux par Ravaillac. Puis, pour des raisons politiques - Louis XIII ne tenait absolument pas à ce que le sacre donnât trop de prestige à une épouse qui complotait contre lui - on avait continué à l'"oublier." Louis XIV, lui, n'en veut absolument plus.
S'il ne fait pas sacrer son épouse en grandes pompes, le Roi-Soleil exige toutefois que tous la respectent. Et ceci même si lui-même la trompe de manière si ostentatoire que, dès sa première liaison avec Louise de la Vallière, les courtisans et le peuple doivent s'accoutumer à un bien étrange spectacle: dans le même carosse, aux côtés de la Reine, sont assises la maîtresse en titre et celle qui lui sert de "paravent." Longtemps, très longtemps, se déplaceront ainsi côte à côte un Marie-Thérèse résignée, une Melle de la Vallière délaissée et une Mme de Montespan triomphante. Louis XIV aimait à afficher des goûts de potentat oriental.
Louise de la Vallière alla demander au couvent de mettre une fin à son martyre. Cette décision, si elle ne lui apporta peut-être pas toute la paix de l'âme souhaitée, lui permit en tout cas de ne pas assister en direct à l'irrésistible ascension de Françoise d'Aubigné, veuve Scarron, jusqu'au marquisat De Maintenon et même, après le décès de Marie-Thérèse, jusqu'à la chapelle de Versailles où fut bénie son union morganatique avec un Louis XIV vieilli et assagi.
Pareil cauchemar, on le sait, ne fut pas évité à la fière Montespan, définitivement mise sur la touche lors de l'affaire des Poisons.
C'est sur ces trois caractères de femmes que Simone Bertière axe ce deuxième tome des "Reines de France au temps des Bourbon." Mais des femmes, dans l'entourage du Roi-Soleil, il y en eut toujours beaucoup. Notamment dans sa famille.
Sa cousine germaine par exemple, la duchesse de Montpensier - la Grande Mademoiselle - qui avait un temps espéré l'épouser mais qui vit la canonnade qu'elle ordonna à la Bastille au temps de la Fronde lui emporter tous ses espoirs. Son autre cousine, Henriette, princesse d'Angleterre, devenue Madame par son mariage avec le frère de Louis et dont on ne sait exactement si elle devint aussi sa maîtresse avant de mourir dans des conditions jugées assez douteuses par les contemporains.
Il y eut encore Elisabeth-Charlotte, la seconde Madame, laide mais spirituelle, dont on pense qu'elle conçut pour son beau-frère un amour platonique mais violent. Puis ses filles illégitimes nées de ses liaisons avec Melle de la Vallière puis avec Mme de Montespan. Et enfin sa petite-belle-fille, Marie-Adélaïde de Savoie, cette duchesse de Bourgogne qui sera un jour la mère de Louis XV.
Or, pour le Roi-Soleil le bien nommé, quiconque pouvait se targuer d'un lien de parenté direct avec son auguste personne se devait de lui obéir en toutes choses. A fortiori si le quiconque en question appartenait au sexe dit faible. Voilà pourquoi Mademoiselle dut renoncer à Lauzun et les filles illégitimes se marier certes brillamment mais selon les voeux exclusifs de leur père. Quant à Marie-Adélaïde, avant même d'avoir posé un pied à la cour, elle savait que, avant de chercher à plaire à son époux, elle devait avant tout plaire au vieux Roi et à son épouse officieuse.
Une remarquable leçon d'Histoire. ;o)
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