LA POURPRE CARDINALICE ET LE LYS ROYAL
Disons le tout net : ce livre est un excellent livre d'histoire...
Pour cela, trois raisons...
Simone Bertière, éminente historienne des Reines de France, connaît son XVIIème siècle français comme sa poche ; elle nous a offert des biographies de personnages clés du Royaume : Retz, Mazarin, Fouquet, Condé ; elle a un talent narratif "dumasien", un ton franc, direct, ne s'embarrassant pas de fioritures, de disgressions, de considérations alourdissant le texte.
Elle a un parti pris : s'intéresser exclusivement aux personnages qu'elle choisit, à leurs psychologie, leurs interactions, leurs point de vue de l'un par rapport à l'autre, leurs convergences, leurs divergences.
L'Histoire sert de toile de fond à cette relation complexe fondée sur ce que
Simone Bertière appelle la malentente :"
Louis XIII régnait. Richelieu gouvernait...Ils ne s'aimaient pas. Ils ne se sont jamais aimés...Ils ont fini par se haïr...Pour évoquer cette relation ambiguë, j'ai choisi un vieux mot dialectal oublié, la "malentente".....Comme on le dit très simplement, ils ne s'entendaient pas".
Voilà donc un attelage compliqué à deux têtes qui s'affrontent sourdement, arrivent , malgré cela, à travailler ensemble, et visent le même but : instaurer, au sortir des guerres civiles d'inspiration religieuse et des régicides (Henri III, Henri IV), une monarchie indiscutable, indiscutée, entièrement orientée vers la grandeur de la France.
Sa principale réussite consiste à nous faire vivre de façon très vivante, cette interdépendance qui durera plus de douze ans, forgera une royauté allant à l'absolutisme, minera les finances, préparera la Fronde, donnera à la France la position dominante rabattant ainsi les prétentions des Habsbourg, notamment ceux d'Espagne, rendra la vie des paysans très difficile.
Elle détruit aussi allègrement le mythe d'un roi faible, marionnette d'un Machiavel empourpré.
Louis XIII apparaît autoritaire, pointilleux, manipulateur, sévère, indifférent à ses gens et à son épouse, sujet à des tocades, aimant la chasse et la guerre par dessus-tout. Seule la maladie de Crohn dont il souffre l'empêchera d'assouvir cette passion pour la chose militaire.
Richelieu, doté d'une intelligence supérieure, n'entreprît rien qui n'eut l'agrément du roi.
Ce ministre, issu de la petite noblesse provinciale désargentée, dur, retors, arrogant, impitoyable, ambitieux, assoiffé de titres, de richesses, soucieux de placer sa famille et ses gens, convaincu de la vilénie humaine due à la Chute, partage avec son maître la croyance en la double personnalité du roi, homme et oint de Dieu n'ayant de comptes à rendre qu'au Tout Puissant. Ce que veut Louis, Louis l'a.
Face à ce binôme, on rencontre Gaston, frère du Roi, fait pour vivre la belle vie et jouir de ses plaisirs, très indécis au demeurant, Marie de Médicis, mère peu aimante et peu aimée, Concini, Anne d'Autriche, souvent maltraitée, longtemps écartée, mère tardive, future régente, la haute aristocratie française dont le duc de Bouillon, père de Turenne et le duc de
Saint Simon, un moment favori du roi, père du mémorialiste, Cinq Mars, de Thou, de Tréville, Montmorency, que du beau linge donc-et Mazarin le roturier dont l'ascension débute (
Simone Bertière a un faible pour Mazarin comme on peut s'en rendre compte à la lecture de "Mazarin, maître du jeu").
Le risque est grand de perdre la lectrice ou le lecteur dans les méandres d'une époque oubliée (Qui se rappelle de "La journée des Dupes", des complots ourdis par
Gaston d'Orléans, des tentatives d'assassinat du cardinal duc, de l'interdiction des duels ?). C'est là le tour de force ;
Simone Bertière ne nous égare jamais ; ce n'est pas là le moindre de ses mérites.
Bref un excellent moment de lecture !