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Aloysius Bertrand, poète dijonnais, est mort très jeune, dans la misère et oublié de tous. Il est sans doute un des plus grands poètes maudits de notre XIXème siècle.

Baudelaire lui rend hommage comme à l'un de ses prédécesseurs dans l'"invention" du poème en prose.

Amoureux de sa belle ville, fou de moyen-âge, féru de peinture, de gravure et ami du sculpteur David d'Angers qui fit son masque mortuaire, Aloysius a produit avec Gaspard de la Nuit une oeuvre étonnante dont les poèmes souvent inspirés de dessins ont à leur tour inspiré les musiciens -surtout Ravel ...

Ses poèmes renvoient aux gravures fantastiques de Callot, à celles toutes mystiques de Rembrandt, et à la peinture de genre hollandaise: de Hooch, van Laer, Teniers entre autres..

On feuillette, en le lisant, un livre étrange semé d'enluminures médiévales, de dessins grimaçants et diaboliques, de rassurantes scènes de cabaret, de graves méditations philosophiques,d'ardentes recherches alchimiques.

Il faut redécouvrir ces poèmes qui sont de petites pochades drôles, inquiétantes...toutes incroyablement travaillées, avec un art consommé de l'ellipse, de l'humour (noir) et une magistrale musicalité malgré l'absence de rimes...

Ma préférence va à la silhouette diabolique de Scarbo, figure récurrente dans le recueil, et qui esquisse une macabre sarabande entre les pages et fait penser à une créature échappée des peintures de Hiéronymus Bosch...
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Gaspard de la Nuit est une oeuvre posthume de Louis Jacques Napoléon Bertrand. Pauvre, mort à l'âge de 34 ans, la tentative d'Aloysius de se démarquer de ses maîtres romantiques, Hugo et Walter Scott, n'aboutira que des années plus tard, reconnue par Baudelaire, Mallarmé, et plus tard par les surréalistes.

Gaspard de la Nuit, réputé être l'un des premiers recueils de poésie en prose, intrigue en effet dans sa forme. S'inspirant de la peinture de Rembrandt et de Callot, Aloysius y convoque tout un univers gothique de clochers, châteaux, monastères, où évoluent brigands, gnomes, sorcières et alchimistes. Ses personnages, au premier rang desquels Ondine et Gaspard, sont à l'image de sa poésie en prose : ils semblent errer en eau trouble et mouvante, lunatiques et noirs.

Ce n'est pas l'originalité des thèmes qui se dégage, mais une ambiance particulière, qui me fait un peu aux Contes Fantastiques de Gautier. Les tableaux sont lyriques, parfois non dénués de maniérisme.

Ce faisant, Aloysisus semble bien annoncer Baudelaire, Rimbaud, puis les libérations formelles d'Apollinaire et des surréalistes ; mais l'alchimie du verbe, la convocation de Lucifer semble comme retenue, lascive. Malgré sa recherche d'une forme libre, sa poésie reste bien dans la veine romantique de son temps. La langue y est recherchée, maîtrisée, rigoureuse.

Bref, un recueil qu interpelle agréablement, et vaut d'être lu pour son côté expérimental, traçant un trait d'union entre la poésie plus authentiquement gothique de Villon ou Rutebeuf et les hardiesses des créateurs qui le suivront . Entre Rembrandt à qui il se réfère, et Magritte, qui lui rendra hommage, il est peintre en poésie. Entre les lamentations funéraires et les interprétations modernes de ses personnages par Maurice Ravel, il fait lien aussi en musique. Architecte enfin, il me semble être un peu le Violet-Leduc des châteaux et clochers des siècles passés.
Sa poésie recherchée et peaufinée nous porte dans un monde moyenâgeux de fantaisie, certes pas avec la puissance de Hugo, ni la fougue de Rimbaud, mais dans une dolente ivresse, travaillée et troublante.
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Malgré mon statut d'enseignant, je suis peu attiré par la poésie, c'est un tort je le sais.
L'autre nuit, je me suis souvenu d'un poème "Ondine" étudié en première avec un professeur qui n'est plus malheureusement. Et bim, j'ai sauté sur Aloysius Bertrand.

Au premier abord, la prose c'est cool, on se dit qu'on va lire un roman avec des rimes et puis... non!! ( ce commentaire est pour nos jeunes lecteurs)
Ne nous décourageons pas dès la première page l'introduction donne le ton avec un " l'enfance est un papillon qui se hâte de bruler ses blanches ailes aux flammes de la jeunesse". Et là mon pote, Aloysius t'a pécho !!!

Malgré une multitude de notes, de remarques, d'observations, chaque poème nécessite un peu de travail mais beaucoup valent le coup. Enrichissement de vocabulaire garantie.

De quoi envouter, vous aussi, votre Ondine...
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Une oeuvre baroque au sens de bizarre, originale et étrange. Je n'ai pas assez de connaissances pour savoir qui Bertrand annonce ou précède, mais je vois bien la force évocatrices de ses images. Mais plus qu'à des peintures, c'est à des gravures - voire à des enluminures - que j'ai pensé : pas de grands paysages ou de vastes scènes de batailles épiques, mais des descriptions précises, fines et ciselées, où quelques détails permettent de faire surgir tout un monde. Car, oui, sur la thématique, l'oeuvre s'inscrit bien dans le début du romantisme - ou du pré-romantisme. D'ailleurs, presque tous les grands poètes du début du XIXème siècle sont convoqués, par des citations ou des dédicaces, ou par des hommages - Victor Hugo, Lamartine, Chateaubriand, des brigands farouches comme chez Schiller, des chevaliers comme chez Scott... On retrouve ainsi toute la passion de ces auteurs pour le Moyen-Âge et ses donjons, ses bouffons et ses lépreux. Il y a un début d'Orient, l'Espagne mauresque et l'Italie vénitienne, avec masques, églises, moines et bohémiennes.
L'originalité vient donc plus de la première partie, "L'Ecole flamande", car Bruges et Amsterdam sont moins présentes dans notre littérature, lorsque le gris des vapeurs de brouillard montant des canaux transpercé par un rare soleil évoque Rembrandt, évoqué en premier dans la préface par l'auteur lui-même. Mais il y a peut-être plus de Callot - le Callot de la guerre de Trente Ans, qui montre les horreurs de la guerre : que de pendus !
J'ai donc cru qu'il y a aurait peut-être trop de clichés, mais j'ai finalement été séduite par la beauté de la langue, sa force évocatrice et immersive, où il suffit de peu de mots pour faire surgir un monde.
Je regrette néanmoins que les femmes soient si peu absentes, ou seulement de façon éthérée, le poète y pense de façon spirituelle, pas charnelle. Je regrette aussi un peu la briéveté de la majorité des poèmes, qui évoquent un décor et s'arrêtent là si je peux dire, alors que j'aurais eu envie que "l'histoire" continue.
Dans le dernier poème, assez déchirant, "A M. de Sainte-Beuve", le poète se compare lui-même à un "fou qui écrit un livre", qu'il faut lire tel quel "avant que les commentateurs ne l'obscurcissent de leur éclaircissement", et je m'en veux d'avoir cherché à le comprendre au lieu de le ressentir.
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J'ai adoré ! Un chef d'oeuvre de poésie où l'on voyage dans le monde (surtout à Dijon, en fait ;) ), où le vent nous amène des milliers d'effluves parfumées de fleurs, ou l'on vogue sur les mots comme dans un voyage dans le temps, où l'on s'émerveille des paysages fantastiques ou réels...

De tous les livres poétiques lus depuis le début de l'année, je préfère nettement celui-ci. L'univers et l'écriture m'ont conquise et la sensibilité poétique de l'auteur, très fleurie, très musicale, très galante et romantique, me sied plus que Baudelaire ou Apollinaire. Oserais-je dire que Aloysius Bertrand a détrôné la première place de mon poète préféré à notre cher Baudelaire ?
Sur le moment du coup de coeur, je dirais oui. Mais c'est encore incertain, toujours est-il que j'aime beaucoup ce style poétique et ces deux auteurs de poésie particulièrement.

Quel superbe recueil, riche, varié dans ses thèmes, ses paysages et ses réflexions, et si finement écrit !
Pour moi, de la bonne poésie, c'est :

-->un art d'écrire avec de très jolis mots sur un flot rythmique et des vers mélodieux qui viennent souffler les mots comme une douce mélodie
--> une ode à la nature et à nos sens : quand le parfum des fleurs nous enivre, quand le clair de lune à la tombée de la nuit réveille notre âme dans ses tourments, quand le bruissement des feuilles dans une forêt nous rappellent l'ombre d'ondines ou d'elfes d'un autre temps ou d'un monde invisible...
--> des réflexions philosophiques sur le monde, sur nous-même et sur les autres avec un regard profondément observateur et sensible.

Heureuse d'avoir découvert ce recueil poétique et cet auteur, grâce notamment à de belles critiques lues sur Babelio.
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Tout le charme pittoresque d'un romantisme noir qui réinvente le langage d'un Moyen-Age qu'on redécouvre se condense dans ces poèmes en prose qui sortent de leur chapeau magique des aventures qu'on croyait oubliées, des sabbats de sorcières, des nains affreux, des pendus sur la potence, des chevaliers et des gueux, des moines dépravés et, cerise sur le mystère, le diable, qui rôde et qui séduit. le lecteur moderne se plonge avec délice dans un double passé, celui du temps des poètes gourmands, des Victor Hugo de Province, et celui des rois et des lépreux, qui ressuscite un monde enfoui et qui lui donne des couleurs vives et des paroles démodées. On a l'impression de déchiffrer un manuscrit ancien, un parchemin de vélin, et d'y trouver un trésor : les mots de jadis.
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Aloysius Bertrand, c'est le type même du poète maudit. Mort jeune, mort pauvre, son oeuvre principale n'est publiée qu'après sa mort, oubliée puis redécouverte bien des années plus tard par Baudelaire puis par les surréalistes. Il nous plonge dans sa vision du Moyen-Âge et crée un univers pittoresque, fantastique, gothique, noir. C'est très beau, le résultat est une suite de poèmes en prose (les premiers ?), très influencés par la peinture (le sous-titre est Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, mais on peut aussi penser à Brueghel ou à Bosch). On y retrouve le moyen-âge romantique de Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, mais aussi le fantastique noir de Théophile Gautier. Il était bien de son temps pour les thématiques mais il faut croire qu'il était trop en avance pour la forme, avec cette langue ciselée, précise, virevoltante qui dessine de petits tableaux avec un sens aigu du rythme et de la musique des mots (Ravel ne s'y est pas trompé et a mis trois poèmes en musique). Un petit bijou à déguster par petits morceaux.
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C'est le premier recueil de poèmes en prose connu, datant de 1842, et qui n'a pas échappé à la vigilance de Baudelaire, qui s'y réfère dans son Spleen de Paris. La lecture demande une grande culture esthétique, picturale et graphique, car il ne s'agit presque que de poèmes sur des estampes, tableaux, gravures et autres, comme le sous-titre le laisse entendre. La marque du Romantisme "noir" est très forte, et cette oeuvre originale, exigeante, rappelle par bien des côtés la poésie de Gautier, elle aussi tout en extérieurs, effets picturaux et impressions.
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Si je vous dis Lamartine, Vigny, Hugo, Musset ou encore Nerval, vous me dites bien évidemment : ce sont des romantiques ! Et vous avez raison. Mais encore faut-il préciser : ce sont des romantiques "majeurs". Parce que, oui monsieur, oui madame, il y a des romantiques "majeurs" et des romantiques "mineurs". Ces derniers on n'en parle guère dans les chaumières, mais ils ont leur importance, et littérairement parlant, ils ont laissé une trace. Tenez, à la première d'Hernani, rameutés par Théophile Gautier et Gérard de Nerval, ce sont eux qui ont fait d'une représentation théâtrale une bataille (plus ou moins rangée) auprès de laquelle Austerlitz ressemble à une querelle en cour de maternelle.
Parmi ces romantiques dits "mineurs" ou "petits romantiques", nous trouvons des noms connus : Marceline Desbordes-Valmore, LA poétesse française du romantisme, Auguste Maquet, qui deviendra le collaborateur principal d'Alexandre Dumas, ou encore Lacenaire, le poète-criminel qui finira guillotiné. Et puis des poètes moins connus comme Pétrus Borel ou Aloysius Bertrand.
Louis-Jacques-Napoléon Bertrand, dit Aloysius Bertrand (1807-1841) est poète et dramaturge (encore n'a-t-il écrit qu'une pièce qu'il n'a pas réussi à faire jouer). Surtout, il est l'auteur de Gaspard de la nuit (paru en 1842, après sa mort).
Gaspard de la nuit est un recueil de soixante six poèmes en prose, sous-titré Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. Ce sous-titre n'est pas sans rappeler un recueil de nouvelles de E. T. A. Hoffmann, paru en 1816 Fantaisies à la manière de Callot. Vu la similitude d'inspiration entre les deux poètes, ce n'est sans doute pas un hasard.
Justement quelle est-elle, cette inspiration ? Elle est romantique, forcément, elle se nourrit des chansons et ballades médiévales alors à la mode, à l'atmosphère mystérieuse venue des légendes allemandes, à celle tout aussi inquiétante du gothique anglais, aux tentations ésotériques peuplées de sabbats et de sorcières... Elle se réfère comme indiqué aux peintures de Rembrandt d'une Hollande mythique, à la fois réelle et imaginée, ou d'un Callot, auteur de Misères de la guerre aux allures fantastiques.
Il ressort de toutes ces influences une poésie nouvelle, non plus en vers mais en prose, dont le pouvoir évocateur est la première caractéristique, la deuxième étant le rythme du poème, envoûtant comme un sortilège, et la troisième une complicité avec le lecteur qu'il emmène dans ses délires, pour parfois le lâcher dans une chute aussi saisissante qu'imprévisible.
C'est Baudelaire lui-même qui, dans sa préface du Spleen de Paris, adoube Aloysius Bertrand comme inventeur du poème en prose.
Pour les mélomanes, je ne saurais trop conseiller un triptyque pour piano de Maurice Ravel (1908), intitulé également Gaspard de la Nuit. le compositeur y adapte trois poèmes : Ondine, le Gibet et Scarbo;
Et si vous n'êtes pas mélomane, ne vous inquiétez pas, vous serez quand même séduit par la petite musique, envoutante, ensorcelante, pleinement dépaysante d'Aloysius Bertrand.
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J'ai découvert Aloysius Bertrand au collège, quand un professeur de français nous a fait étudier le poème "Une nuit", sans doute l'un des plus connus de Gaspard de la Nuit. Quelques années après, en passant devant cet ouvrage chez un libraire, je me suis rappelé de ce poème qui m'avait totalement envoûtée et que je n'ai jamais totalement oublié. J'ai donc sauté sur l'occasion pour (enfin !) lire le recueil en entier. Et je ne l'ai pas regretté !

Certes, tout le monde n'apprécie pas la poésie, certains la trouvent trop compliquée, on lui reproche ses tournures de phrases, ses règles trop strictes, et que sais-je encore ! Je crois cependant que certains poèmes de Gaspard de la Nuit sont accessibles à un plus grand nombre qu'on ne le croirait au premier abord.
Moi, je me suis laissée transporter de poème et poème, de livre en livre. La prose donne une grande fluidité à cet ouvrage ; le lecteur explore un univers avant de passer au suivant. Et quand il est temps pour nous de tourner la dernière page et de reposer ce livre, on a l'impression de sortir du sommeil, de se réveiller à la fin d'un rêve qu'on aurait préféré ne pas quitter.

Magnifique !
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