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EAN : 9782756101828
243 pages
Léo Scheer (04/03/2009)
4.02/5   24 notes
Résumé :
Ida, l'héroïne de ce roman, est déjà morte, dès la première ligne. Elle ne vit qu'à travers les paroles de ses employeurs, de ceux qui croisaient son chemin humble et furtif. Silhouette discrète et tassée par l'âge, Ida était au service de la famille Besson. Bonne à tout faire. Sa vie se réduisait à son travail.
Ida a été renversée par un camion. Pourquoi a-t-elle passé sa vie à fixer ses grands pieds plutôt que prêter attention au monde qui l'entourait ? Cet... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Un des grands plaisirs en littérature est la découverte d'écrivains majeurs, de livres qui comptent dans l'histoire de la littérature mais aussi dans les histoires personnelles des lecteurs. On reconnaît souvent - mais pas toujours- un grand livre à ce qu'il se lit d'une traite, en une soirée et à la marque que l'on pressent qu'il va laisser en nous.
Hier soir, j'ai lu "Ida ou le délire", c'est le premier livre que je lis d'Hélène Bessette dont les éditions Léo Scheer ont entrepris de rééditer l'oeuvre depuis 2006, après Gallimard, son éditeur d'origine. Cela a été un choc.
Le style tout d'abord : on ne peut plus sec, comme un coup de poing à l'estomac avec une ponctuation très originale (réduite au point et pas toujours où on l'attendrait). On peut penser à l'écriture de Duras (à cause du discours en boucle et de certaines phrases qui reviennent comme des inacantations) mais en moins hermétique.
Le thème ensuite : la lutte des classes, quand elle s'inscrit dans les corps (ici, c'est le regard d'Ida toujours fixé sur ses pieds) et détermine des destins individuels.
L'héroïne enfin : Ida, une femme de ménage vivant au domicile de ses patrons, "oiseau de nuit" comme elle se définit quand elle entreprend d'arroser les fleurs en pleine nuit au grand dam de "Madame" (Madame, qui se croit dans son bon droit, qui confond le respect avec un infantilisme mêlé de dédain), Ida qui tient à avoir un beau manteau, plusieurs paires de chaussures, Ida qui lit des catalogues dans sa chambre aux stores baissés, Ida qui est morte.
Hélène Bessette : une nouvelle voix dans mon pandémonium.
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Ida, vieille servante discrète, est morte, percutée par une voiture. Alors il ne reste que les mots de ses employeurs, les Besson, pour savoir qui elle était.

Même devenue cadavre, elle est l'objet de leur dévalorisation incessante, de leur mesquinerie, et de leurs reproches inépuisables, sous couvert de fausse bienveillance et de soi-disant tact, coupable inexpiable de sa pauvreté. Ils disent, ils se souviennent, de cette bonne ingrate, disparue sans prévenir, dans un récit de forme très particulière, succession de monologues et d'énoncés réjouissants et cruels.

Mais surtout ils questionnent, car l'objet de leur rancoeur, et de leur jalousie, est la force qu'Ida enfin gagne, en disparaissant : elle reste ce qu'elle était au moment de l'impact de l'accident, une forme non identifiable, une femme inconnue.
Et ainsi par les mots de ses employeurs, Hélène Bessette la transforme en kaléidoscope de leurs préjugés et de leurs mépris : Ida automate, poupée mécanique exécutant les ordres, bras ballants visage blanc, Ida-oiseau de nuit arrosant les fleurs et sirotant un petit verre de cognac en pleine nuit, enfant-Ida servante infantilisée par ses employeurs, Ida-objet appartenant à ses propriétaires, Ida-femme aimant les chaussures et la lingerie, Ida-suicidée car elle avait compris qu'elle ne sortirait jamais de sa condition, le cadavre-Ida qui enfin devient forte car elle conserve son mystère en mourant.

Méconnue de son vivant, Hélène Bessette pensait qu'elle deviendrait célèbre longtemps après sa mort. Elle est morte en 2000. C'est le moment de la lire.

«Ida lucide
sait ce qu'elle fait lorsqu'elle entre chez les Besson.

Non par le mariage mais par la domesticité
Par l'appartenance.
Si l'on prend soin d'elle, au moins en paroles, c'est en tant que propriété. Ce qui d'ailleurs est énorme et représente un bon vouloir sincère.
Ida n'ignore pas sa haute position très objective.
L'objet-Ida.
Ida n'ignore pas les Besson. Que personne n'ignore au demeurant. Tout le monde sait tout, des Besson. Aussi ce petit livre ne sera pas consacré aux Besson dont on sait tout (toutes choses flatteuses cela va sans dire). Mais ce petit livre sera consacré à la pauvre Ida. À ses pieds notamment.
Car il est beaucoup plus intéressant de parler de ce qu'on ne sait pas que de parler de ce qu'on sait.
L'ignorance lève mille rêves mille brumes éthérées mille brouillards opaques. Où tremblent des lueurs. L'ignorance lourde de vertus inconnues, méconnues. Un monde de richesses en fusion.
D'où s'évadent mille images fantomatiques. Et peut-être les seules vraies. »
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« Le cas Ida. Quelqu'un qui avait un nom. Ida. Née. Vécu. Morte. le dernier mot seul retient l'intérêt. »

Avec cette phrase, non seulement il nous est permis de résumer ce roman de 130 pages mais surtout de découvrir, si tel n'a pas déjà été fait, son auteure. Hélène Bessette.

Des phrases courtes. Une ponctuation très importante basée majoritairement sur des points. Des points dont la place ne pourra que surprendre le lecteur.

Un texte ainsi construit que la lecture se fait immédiatement à voix haute ou plus exactement à lecture basse. Car oui, Hélène Bessette, bien que n'ayant écrit aucune pièce de théâtre, nous livre, une nouvelle fois, une histoire dont les acteurs sont face à nous, jouent un rôle, clament leurs pensées.

Auteure méconnue du grand public, morte dans le plus grand dénuement, elle reste selon Duras, Yourcenar et Queneau (son protecteur), excusez du peu, une des grandes et incontournables écrivains du XXème.

Alors pourquoi cet ostracisme? le personnage: complexe et irascible parfois, l'écriture: avant gardiste, rebutante pour certains, les sujets polémiques: elle perdra un procès sur l'un de ses romans.
Difficile de dire pourquoi il aura fallu attendre plus de 10 ans après sa mort pour qu'elle soit sortie de l'ombre et rééditée.

Avec Ida, nous retrouvons les thèmes favoris d'Hélène Bessette. La lutte des classe, le cynisme de la bourgeoisie, une certaine médiocrité de la vie, le tout sur un fond où humour et révolte se côtoient sans cesse.
Ida vient de mourir, écrasée en dehors des clous. Cette bonne résumée à sa manie de ne regarder que ses pieds, devient en réalité, avec sa mort, un mystère pour la famille bourgeoise qui l'employait.
La crise va alors éclater dans ce milieu de bien-pensants.

Suite et fin après 141 pages.
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Cruelle et drôle, théâtrale et savoureuse, une plongée dans l'extrême violence sociale quotidienne.

Dernier roman d'Hélène Bessette, auteur "maudite" protégée de Raymond Queneau, et récemment redécouverte grâce au travail de Laureli / Léo Scheer, "Ida ou le délire", publié en 1973, ne peut laisser indifférent.

Dans une langue très particulière, puissamment théâtrale, qui évoque à la fois la subversion des lieux communs opérée par un Jean-Charles Masséra dans "United Emmerdements of New Order", et paradoxalement, l'invective guerrière des "Slogans" de Maria Soudaïéva / Antoine Volodine, le roman met en scène l' "éloge funèbre", si l'on ose dire, d'Ida, femme de chambre âgée d'une famille des beaux quartiers, morte dans un accident de la circulation dès la première page.

"Eh bien non personne ne sait comment c'est arrivé. Personne n'était là. Sans témoin.
On peut toujours causer épiloguer supposer affirmer ressasser.
Tout est faux.
Aussi les dames au coeur invisible chargé d'un cercueil clos avalent sec le whisky brûlant.
Crime parfait. Personne ne peut parler (avec exactitude).
Un terme à la sottise séculaire des petits mots échangés."

"Le bon employeur choqué de ce qu'on ait ignoré ses mérites
Choqué par son employée irrévérencieuse qui part sans excuses.
Impossible même de lui faire un reproche
Ce qui est une impossibilité douloureuse
Cruauté mentale envers le possédant.
Par exemple (voix sèche) : "Vous auriez pu téléphoner".
Non seulement elle ne revient pas mais elle donne un surcroît de travail."

Un travail des mots à la fois cruel et drôle, au service d'une plongée dans l'extrême violence sociale quotidienne, dont on sort difficilement indemne.

En prime, Léo Scheer nous offre "Le résumé", manifeste littéraire écrit et sans cesse remanié par Hélène Bessette entre 1950 et 1970, tentative pas tout à fait aboutie de définir le "roman poétique" : passionnant, bourré d'éléments d'une profonde lucidité littéraire, souvent obérés par une amertume et un ressentiment hors normes, témoins du destin ballotté et cruel de l'auteur.

Ce roman a été présenté par Claro lors de la soirée "Libraire Invité" de la librairie Charybde le 30 septembre 2011, qu'il en soit ici à nouveau remercié !
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"Ida ou le délire"
Hélène Bessette

Un roman ovni.
Un roman qui n'est que voix. Au pluriel.
Celles de plusieurs personnes. de plusieurs femmes. Qui parlent ensemble de cette Ida qui fait le titre.
Que lui est-il arrivé ? Pourquoi ?
Je n'en dirai rien de plus ici.
Une fois de plus, la 4eme de couverture dévoile tout. Dévoile trop en tous cas ..

Ce récit donne à lire ou plutôt à entendre les voix qui font la rumeur. La rumeur imbécile. Les commérages cruels. La fausse commisération. La méchanceté crasse. La condescendance laide de ceux qui sont socialement installés.
Bref, un texte amer, cynique et terrible où les phrases sont jetées et s'entremêlent en un flot ininterrompu de blabla abject de ces dames, sans doute élégamment réunies autour d'une tasse de thé...

Quelque chose dans cette écriture déroutante m'a fait penser au "Ravissement de Lol V. Stein" de Duras.
Ça ne plaira pas à tout le monde, sans doute pas à ceux qui aiment lire des textes aux normes classiques. Celui-ci échappe...

Ça pourrait être du théâtre...
Mais c'est la Vie...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Tout le monde a ri.
C'était drôle. Ces histoires de pieds.
Et vous aviez une telle façon de lui dire. Gertrude.
C'est votre air qui faisait rire. Il fallait vous voir.
Vous étiez drôle. La pauvre Ida riait plus fort que
les autres. La pauvre fille elle se tenait les côtes. On
peut le dire.
Alors
tout le monde a été surpris.
Trrrès surpris.
Quand c'est arrivé.
On ne s'y attendait pas.
On riait.
Vous nous faisiez rire.
Et il fallait pleurer.
C'est la seule erreur que nous avons faite.
Une er-reur mo-nu-men-ta-le
De taille
(...)
Assis. Les bras ballants. Dans le silence. Le silence
de l'erreur. Au visage blanc. Aux lèvres pincées.
Qui les a fortement surpris.
Car ils croyaient qu'ils ne se trompaient jamais.
Or, la brutale destinée
vient de démontrer magistralement
qu'ils se trompent.
Qu'ils se trompent peut-être sans doute à peu près toujours.
Certainement toujours.
Que c'est impossible de ne pas se tromper.
Et la pauvre Ida
dont on se souvient désormais.
Ida dont on se moquait
devient l'héroÏne intéressante - Que l'on considère.
L'héroÏne considérable. Donc supérieure.
Qui riait avec nous.
Riait plus fort que nous.
Qui ne pensait rien.
Quand nous pensions.
Ida triomphe.
Dans le silence de sa tombe sans
fleurs. De son passé sans fleurs.
Face aux pensées multiples à facettes bariolées
bavardes
de ceux qui se trompent
et ne meurent pas.
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Il s'agit d'un paragraphe de Guido Eeckels auteur d'une anthologie (...) de la littérature néérlandaise "Marginale" :
"Souvenez-vous que parmi les valeurs essentielles qui constituent l'impérissable fond de toute activité créatrice il y a ce que j'appellerai "la vérité individuelle" laquelle est aux vérités politiques dans un rapport de hiérarchie mais non de subordination. Dans les circonstances présentes, alors que sont agitées les questions dont dépend le sort des peuples et des générations, il faut savoir rendre grâce aux quelques hommes qui affirment dans leurs oeuvres la permanence des biens spirituels issus de la méditation et des plus hautes activités de l'Esprit. Ces "individualistes attardés" assurent la continuité d'une Culture qui est un des premiers titres de noblesse de l'Occident. L'Intelligence a le droit et le devoir d'admettre à côté d'un "ordre d'urgence" un ordre de valeurs "intrinsèques" et de maintenir cette distinction au milieu des pires égarements collectifs... La fidélité de l'individu à sa propre faculté de contemplation, le besoin qu'il éprouve de saisir les choses, et pour commencer sa vie personnelle, dans leur essence, de leur donner forme, de les fixer en images, en symboles, en rythme... Cette activité continuelle de l'homme scrutant sa propre image et soucieux d'arracher l'instant qui passe sa parcelle de pérennité. C'est là ne l'oublions pas l'une des constantes de l'Art, peut-être même sa loi fondamentale... Ce n'est pas une des moindres puissances de l'être humain que ce pouvoir de dominer par l'Esprit les tumultes dans lesquels il se trouve engagé et de conserver au milieu des pires cataclysmes la conscience de son individualité."


________________________________________________________________
le résumé p 243
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La conversation est impossible
L'impossibilité se dissimule derrière le rire.
c'est qu'elle ne vit pas comme nous.
Elle n'est pas du même monde.
De notre monde. Son monde est différent.
C'est qu'elle ne pense pas comme nous.
L'incompréhension est totale malgré la ressemblance
apparente des corps des visages des vêtements
C'est qu'elle ne mourra pas comme nous.
(Elle ne mourra pas dans son lit.)
C'est qu'a elle, il arrivera quelque chose.
A nous, mon dieu, il n'arrive rien.
Jamais rien.

Or
NOUS PENSIONS QU'ELLE ETAIT
COMME NOUS.

Erreur.
Et l'erreur, comme toujours, fait le roman.
Nous qui pensons et elle qui ne pensait pas (ou l'inverse).
Mais à quoi pensons-nous??
Et elle, Ida, que ne pensait-elle pas ?
Ida à quoi pensez-vous ?
Réponse : à rien.
Avec ce sourire vague ineffable des apparitions
célestes débonnaires sitôt évanouies.
Et
Nous qui pensions
Que Ida était comme nous
Que dis-je ?
Etait à nous.
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Au cas ou ces messieurs qui occupent les places viendraient à manquer d'idées, je ne pense pas qu'ils puissent compter sur les crétins pour leur en fournir. Il faudrait tout de même savoir où on est. Où sont les adultes, où sont les enfants, où sont les innocents, où se trouve la puissance qui fait naître les grandes oeuvres et comment progresse-t-elle ? Mais le tapage de la Presse à mis à l'ordre du jour "la confusion des genres". Et dans ce jeu de l'illusionniste et du prestidigitateur beaucoup de personnes importantes perdent leurs moyens.
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Ida. Regardez pas vos pieds comme ça. Levez un peu la tête. Pourquoi baissez-vous toujours la tête Comme ça? Vos pieds... vous les connaissez? Ils ont grandi avec vous. Vous les avez toujours vus vos pieds. Vos pieds. Pas vrai. Ida. Ce que je vous dis. C’est la pure vérité.
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Conférence de Laure LimongiUn nouveau cycle de conférences et lectures met en lumière des autrices oubliées de l'histoire littéraire, de l'époque classique au XXe siècle.Dans cette séance, Laure Limongi, autrice, éditrice et enseignante en création littéraire à l'École nationale supérieure d'arts de Paris Cergy se penche sur Hélène Bessette (1918-2000), pionnière du roman poétique.La conférence est accompagnée d'une lecture par Anaïs de Courson.
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