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EAN : 9782876788404
144 pages
L'Aube (19/03/2003)
4.16/5   70 notes
Résumé :

" A 18 ans, Nadia aime la beauté, l’amour, la vie, la mer… Elle se brisera sur de terribles récifs. “ Une écriture sobre, économe jusqu’à l’épure, confère à cette saison dans la vie d’une jeune Algérienne une saisissante force symbolique. ” Claire Etcherelli, écrivain.
Nadia , l’héroïne, jeune, belle, frémissante devant les promesses de la vie et rebelle déjà au destin qu’on lui impose. Salim et ses 15 ans, la petite sœur Fériel, et surtout Djamel... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Au commencement était la mer s'ouvre sur une adolescente, sur une jeune femme qui sort de sa chambre, qui sort à l'extérieur tôt le matin pour retrouver la plage et sentir le sable chaud sous ses pieds. Elle goûte à la liberté. « Elle a dix-huit ans, Nadia, et elle veut vivre. Vivre ses dix-huit ans brodés d'impatience, de désirs imprécis et fugitifs. » (p. 17). Au retour, elle tombe sur Djamel, « cette ombre furtive qui traverse leurs vies en silence… » (p. 15). Ce grand frère, de plus en plus intransigeant, de plus en plus radicalisé, qui se met à régenter leur existence depuis la mort de leur père. En Algérie, une femme ne devrait pas se promener seule impunément, c'est interdit. Donc, Nadia, prise en flagrant délit de liberté, est enfermée. Dorénavant, elle ne se risque à sortir qu'en compagnie de sa soeur et de son frère cadet Salim.

Pourtant, elles s'annonçaient agréables ces vacances chez l'oncle, près de la mer, loin de leur immeuble de béton en périphérie d'Alger, ce « bloc d'ennui et de chaleur tout ensemble » (p. 19) où elle a l'impression d'être prisonnière. Surtout avec ces chars et ces militaires qui déchirent son pays…. C'est pourquoi, quand Karim se pointe… Nadia se laisse aller à espérer. Il s'agit du cousin d'une amie de sa soeur, un jeune homme respectable. Un jeune homme amoureux? Ça semble trop beau pour être vrai.

J'aime bien quand la petite histoire (un destin individuel) rencontre la grande Histoire. Un roman d'amour avec, en toile de fond, des moments sombres : la montée de l'islamisme et de la radicalisation, la guerre civile algérienne des années 1990. « Dans la ville, plus personne ne rêve. Il n'est que de voir les visages défaits, les regards éteints de la foule pressée, assaillie de rumeurs funestes. » (p. 135)

Cet islam radical qui prétend vouloir ramener la société à sa pureté religieuse originelle (si un tel concept a réellement existé), il se fait en apposant des oeillères aux jeunes hommes et en réduisant toujours davantage les droits. Il se fait surtout au détriment des jeunes femmes réduites à des rôles d'épouses ou de futures épouses et accompagné de violences. Et tout cela pour quoi?

« Des hommes, rien que des hommes. Partout. Debout. Appuyés contre les rambardes de fer au bord des trottoirs. Assis au seuil des boutiques innombrables ou sur les chaises encombrant les trottoirs devant les cafés obscurs. Installés dans la tranquille réalité d'un espace qui leur appartient de toute évidence. La grand-rue. La route principale. Ils regardent passer les voitures comme d'autres regardent passer des trains. Avec la même vacuité dans les yeux. Désoeuvrés. Disponibles. Terriblement. Prêts à écouter ceux qui, du haut de leur chaire, s'arrogent le droit de leur promettre le paradis. À les écouter et à les suivre. Aveuglément. » (p. 161)

Et que dire de la plume de Maïssa Bey? Tout au long de ma lecture, je ne lui trouvais rien d'extraordinaire. Toutefois, plus j'avançais, plus je me laissais prendre à son écriture. Ses mots visaient toujours juste et cela malgré leur économie. En effet, en très peu de mots (le roman dépasse à peine 150 pages), l'auteure a réussi à décrire, à évoquer la vie dans cette Alger meurtrie. Tout y passe : l'évolution des mentalités, la manière insidieuse avec laquelle elles se propagent, leurs conséquences, etc. Même si l'on n'est pas d'accord avec les choix de chacun (ici, je pense à Djamel et Karim), on comprend pourquoi ils agissent comme ils le font. Surtout, j'y ai cru, à Nadia, cette adolescente, cette jeune femme éprise de liberté mais prisonnière des hommes et de leur doctrine. Alors qu'elle était en droit de tout attendre de la vie, elle se retrouve trahie et abandonnée. Les émotions étaient au rendez-vous. Bravo!
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Au commencement était la mer… Titre incomplet, les trois points de suspension l'attestent. Il annonce un début d'une histoire qui ne pourrait être que passionnante. Ce qui oblige le lecteur à lire jusqu'à la dernière page le récit pour prendre connaissance de l'épilogue. S'il y a un commencement, il faut bien qu'il y ait une fin, aussi tragique soit-elle comme dans le cas de Nadia, héroïne de ce roman. le choix du titre est délibéré. "La mer, c'est leur histoire. Au commencement était la mer…" [2] D'où est extrait le titre du roman. Une grande partie du récit se déroule au bord de la plage où résident Nadia et sa famille. Cet espace ouvert (qui est l'envers de la maison, espace fermé) sur le monde et sur les autres est un endroit idéal pour faire des rencontres, échanger avec les autres mais aussi tomber amoureux. Il procure une sensation de liberté, de bien-être et donne une impression d'évasion où l'adolescente Nadia s'oublie et donne libre cours à ses rêves de jeune fille.
C'est un titre énigmatique aux relents de suspens, conjugué à sa forme et à sa structure en bribes, en petits morceaux éclatés mais qui une fois réunis, constituent l'histoire complète de Nadia, l'héroïne. A travers cette fiction, Maïssa Bey retrace la vie et le parcours d'un individu féminin à l'ombre d'un individu masculin. En voulant s'affranchir, construire sa propre vie et son propre destin, elle se heurte à des tourments inattendus qui brisent ses rêves et ses créations parce qu'elle voulait être distincte du voisinage et du collectif. L'auteur ne condamne jamais, elle ne fait que constater, poser des questions, soulever des interrogations à travers les péripéties de Nadia.
Après la mort de son mari tué lors de la guerre d'Algerie (1954-1962), la mère de Nadia occupe le logement de son frère Omar, situé sur la côte algéroise, butin de la colonisation. Faute d'avoir son propre logement, cette famille se contente d'occuper momentanément celui de l'oncle en attendant des jours meilleurs. C'est l'Algérie qui recycle son passé colonial sous une autre forme en attendant de se reconstruire et de s'approprier ses propres valeurs. Faute de mieux, elle se contente de s'installer sur les décombres de la colonisation qu'elle avait chassée. Comme quoi, les séquelles de l'occupation sont vivaces et se manifestent sous plusieurs formes. Il faudra beaucoup de temps pour que les plaies se cicatrisent.
La mer : "Symbole de la dynamique de la vie. Tout sort de la mer et tout y retourne ; lieu des naissances, des transformations et des renaissances. Eaux en mouvement. La mer symbolise un état transitoire entre les possibles encore informels et les réalités formelles, une situation d'ambivalence, qui est celle de l'incertitude, du doute, de l'indécision et qui peut se conclure bien ou mal. de là vient que la mer est à la fois l'image de la vie et celle de la mort ".[3] La mer est aussi, dans ce roman l'opposé de la maison, en ce sens qu'elle représente un espace ouvert par rapport à la maison qui, elle, est fermée sur elle-même et sur les autres.
La mer est en relation aussi avec la mère : "Le symbolisme de la mère se rattache à celui de la mer, comme à celui de la terre, en ce sens qu'elles sont les unes et les autres réceptacles et matrices de la vie.
La mer et la terre sont les symboles du corps maternel […] On retrouve dans ce symbole de la mère, la même ambivalence que dans ceux de la mer et de la terre : la vie et la mort sont corrélatives. Naître, c'est sortir du ventre de la mère ; mourir, c'est retourner à la terre" [4].
La mère de Nadia, qui n'a jamais été nommée, symbolise ici le monde de la résignation, de la soumission aux rituels figés et stériles, le monde de la fatalité féminine. Elle est réduite à exécuter des actes mécaniques, des réflexes involontaires : "La mère est depuis longtemps enfermée dans un monde d'où les rêves et les emportements sont exclus. " [5]
L'autre mère, celle de Karim ; l'apprenti bourgeois : "…Cette dame respectable dont il (Karim) a si souvent parlé à Nadia qu'il lui semble la connaître, l'a rejetée avant même de l'avoir vue." [6] Dans les deux cas, la mère est, par excellence, cet opposant invétéré à l'épanouissement individuel de Nadia, donc de sa progéniture féminine; un obstacle supplémentaire sur le chemin de la vie, pleine d'embûches par ailleurs.
En plus, le parcours de Karim est déjà arrêté, son avenir tracé. Même la femme qu'il doit épouser est probablement repérée ; ce ne sera pas Nadia, c'est connu, Karim le savait aussi
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"Au commencement était la mer ..."est un roman de Meissa Bey .Cette dernière est connue pour ses positions en tant que défenseur des droits de la femme . Elle est pour sa liberté , ses droits dont surtout le droit de vivre comme elle veut et comme elle l'entend .Elle est pour son droit de choisir sa vie .
L' héroïne du roman, Nadia , est une jeune algérienne de dix-huit printemps . Elle est comme une rose qui vient d'éclore : elle est belle ,elle aime de tous ses pores la vie . Elle aime comme toute jeune fille et veut connaître le vrai amour .Elle fait la rencontre d' un jeune homme , Karim .
A la mort de son père , son frère aîné est devenu le maître de toute la famille et sans lui rien ne peut se faire .Il est contre toute ouverture et pour lui : la femme doit rester à la maison et attendre son "mektoub" c'est-à-dire attendre qu'on vient la demander en mariage .
Nadia réalisera-t-elle son rêve et vivre sa vie à elle ? le pari est difficile pour tout un tas de raisons dont le climat social avec la montée de l'intégrisme .
Beau roman de Meissa Bey qui use d' une écriture bien ciselée .



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J'ai découvert et rencontré la romancière Maïssa Bey, en décembre 2019, à sa venue à Dijon.
Cette écrivaine militante est d'ailleurs très critiquée pour ses prises de positions en tant que défenseuse des droits de la femme en Algérie, pays où elle est née et où elle vit.


« Au commencement était la mer », est un roman que l'auteure a écrit il y a déjà vingt-cinq ans et qui semble toujours d'actualité. Et j'ai retrouvé sa même écriture fluide et aussi sa même force de réflexions sur la condition de la femme algérienne, à travers Nadia le personnage central du récit.
Maïssa brosse un très beau portrait de jeune fille, tout en délicatesse et en profondeur. Elle rend cette jeune fille de dix-huit ans, terriblement belle dans ses émotions, dans ses espoirs, dans les douleurs qu'elle va traverser avec un grand courage.

Nadia, avait seulement huit ans à la mort de son père qu'elle aimait tant.
Nadia avec des rêves de liberté plein la tête, avec son aspiration à croire au grand amour, à l'égalité des femmes et des hommes.
Nadia, avec ce besoin de savoir, d'espérer, avec cette soif d'apprendre et de lire.
Nadia, une rebelle qui refuse sa condition de jeune fille lorsqu'elle voit la soumission de sa propre mère et celle des autres femmes qu'elle rencontre dans la ville.
Nadia, qui essaie de se révolter, se défaire aussi du regard mauvais et inquisiteur de son propre frère Djmalel, qu'elle voit se radicaliser chaque jour davantage.


Mais parmi tous ses tourments, ses mille questions et ses déceptions qui rendent cette jeune fille si triste, Nadia va connaitre un fulgurant et brûlant moment de répit.
Elle va rencontrer ce qu'elle pensait l'Amour et la chaleur des corps enfiévrés avec Karim.
Cette étreinte des corps avant mariage que la société interdit, par les prêches de prédicateurs de plus en plus véhéments.
Dans cette société algérienne prise en étau entre tradition et modernité et dont certains groupes veuillent rétablir la pureté religieuse et en conséquence veuillent bannir la femme de l'espace public.


Mais le bonheur n'est pas pour Nadia et ce sera Karim qui lui donnera la première estocade par sa rupture sèche et brutale. Une énorme brûlure d'un désespoir qui lui rongera le coeur.
Ce sera aussi une vie qui naitra dans son ventre, comme une verrue, comme une sangsue, comme un parasite planté là, pour mieux anéantir la jeune fille.
Aura-t-elle la force de garder son enfant ?

Viendra aussi le jour de l'affrontement avec son frère Djamel...


C'est un beau roman très émouvant pour cette tragédie que vivra Nadia.
Maïssa Bey y dénonce aussi cette société trop patriarcale pleine de tabous et de mensonges. Elle y dénonce aussi et surtout cette violence constamment infligée à des milliers de femmes.
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Ce livre se situe dans une Algérie menacée par les Islamistes. Une jeune fille, Nadia, tente de vivre sa vie dans un monde de plus en plus intolérant vis à vis des femmes. Petit à petit, elle va s'éloigner de son frère aîné, qui adopte la mentalité extrémiste.
Maïssa Bey, avec beaucoup de pudeur, dénonce les humiliations et l'oppression faite aux femmes dans cette Algérie intolérante. Son personnage incarne toutes les victimes de l'extrémisme de ces pays. À lire, c'est bouleversant.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Délit d'aimer et surtout, de le dire, de le faire, de le chanter ou de l'écrire !
Délit de penser, de rêver, d'espérer un autre monde où les bonheurs les plus simples seraient possibles, où les hommes et les femmes, ensemble, rendraient grâce à Dieu de l'immense, de l'incroyable beauté d'une terre chaque jour un peu plus ravagée par la folie des hommes.
Délit enfin d'être une femme et d'éclabousser par sa seule présence, sa seule existence, la pureté terrifiante du monde qu'ils veulent bâtir sur des ruines fumantes.
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Alger. Cité des 1200 logements. Quelque part à la périphérie de la ville.
De là, la mer furtivement entrevue n'est plus qu'une flaque immobile, inutile, et les bateaux en rade ne font même plus rêver de voyages.
Pour ceux de la cité, l'été, c'est un bloc d'ennui et de chaleur tout ensemble. L'ennui que l'on traîne le long de jours interminables, que vainement l'on essaie de tromper, que pas un souffle d'air ne vient distraire. Des journées qui s'additionnent, exactement semblables, et l'on n'ouvre pas les fenêtres, histoire de ne pas voir le soleil qui désespérément s'attarde sur la ville.
Alger autrefois blanche s'abandonne à l'inertie sous un ciel insupportablement bleu.
Alger se redécouvre bardée de chars et de militaires en treillis.
Alger se réveille en sursaut au bruit des détonations qui déchirent le silence de ses nuits.
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Enfermé dans la chambre qu'il ne veut plus partager avec son frère, Djamel écoute des cassettes. Étranges paroles. Sans musique.
Paroles de haine et de violence. Martelées plutôt que dites par des prédicateurs aux accents passionnés et incendiaires. En écoutant une cassette subtilisée un jour, Nadia a entendu des imprécations, des diatribes contre LA femme. Contre sa perversion originelle. En termes crus, choquants, si suggestifs parfois qu'elle en rougissait , alors même qu'elle était seule. Propos publics, ponctués par des acclamations enflammés d'un auditoire envoûté.
Nadia a peur.
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Que de filles avant elle ont parcouru ce chemin !
Oh non, elle n'est pas seule !
Il faut faire vite, très vite, disent-elles. Agir le plus tôt possible. Arracher cette boule d'angoisse, de chair et de sang qui grandit en elle, qui se nourrit d'elle.
L'espoir existe. Il a le visage généreux de ces femmes inconnues.
Nadia tout à coup se sent forte. Forte de tout leur courage, de toute leur volonté. De la volonté contagieuse qu'insufle l'espoir tissé par ces femmes anonymes. Se battre. Ne pas abdiquer.
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La nuit, les yeux ouverts, Nadia écoute. Elle écoute la mer.
La mer monte en elle comme un lent désir. Un halètement. Battements réguliers des vagues contre son corps bercé comme aux premiers jours. Plus loin encore.
Et lorsque enfin elle s'endort, la mer encore berce ses rêves.
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Vidéo de Maïssa Bey
Second extrait de la rencontre avec Maïssa Bey du 18 octobre à la librairie Petite Égypte.
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