Un petit recueil de onze nouvelles, toutes différentes et toutes amusantes et avec un certain fond de vérité ! Et toujours dans Paris et ses rues plus ou moins mal famées ! La nouvelle intitulée Rue des Degrés est celle que je préfère. C'est l'histoire de deux clochards Gégéne et Loulou, protégés par Félix suite à une tentative de cambriolage dans son magasin qu'ils avaient déjouée. le meurtre d'une belle-de-nuit, Manon, que Gégène aidé par Mamadou et Gengis Khan va élucider au détriment de sa vie. Un mini-polar dans cette collection d'historiettes.
Pour les autres, il y a des pépites noyées dans un récit qui colle trop avec l'actualité pour être vraiment drôle ou alors, c'est un humour noir ou vache.
La dernière nouvelle, éponyme, la plus longue du recueil, m'a semblé très embrouillée, une course poursuite autour d'une bombe perdue puis retrouvée par un couple d'anar. Pas vraiment drôle dans le contexte actuel.
Les quatre pages de "OUF !" sont une succession de "brèves de comptoir" relatives à la mort. L'auteur les appelles des "réflexions et épitaphes qui, bien que noires, vous donneront des idées roses". Je ne vois pas trop l'intérêt de les insérer dans ce recueil, si ce n'est pour faire du remplissage. Elles sont drôles cependant, je l'avoue :
"Dieu a donné...
Dieu a repris...
Le fisc se chargera des restes."
A lire pour son petit côté anti-conformiste. du pur Bialot.
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C'est terrible d'être riche.
Primo, pour la santé. On ne dira jamais assez combien de riches la fortune a rendus infirmes. Toute demande d'emprunt, d'appel à l'aide auprès d'un riche entraîne de sa part une réaction pavlovienne. Il devient sourd.
Vos tendez la main ? Paf ! Les siennes se ferment. Atteint du syndrome de la manche, une paralysie soudaine l'empêche de déplier les doigts. Coincé entre la guerre, la révolution, sa femme et se dot, le riche fait comme le pauvre : il prie. Et Dieu, dans son infinie bonté écoute la prière du pauvre et exauce celle du riche : pour soulager la pression fiscale que subit ce dernier, pour éviter qu'il devienne entièrement résistant aux impôts comme les microbes à la pénicilline, Dieu crée alors une classe sociale nouvelle : les cadres.
-Oh, Gégène ! Tu me donnes des frissons ! Où as-tu découvert ça ?
- dans la Bible.
- Tu l'ouvres souvent ?
- Je l'ai lu d'un jet, hier soir.
- Et qu'est-ce qu'il raconte d'autre ton livre ?
- Des tas d'histoires avec une morale, à croire que le créateur de cette oeuvre a travaillé à la télé en été, tu sais, lorsque l'écran nous abreuve de bons conseils... Boire quand il fait chaud en n'oubliant surtout pas de décapsuler la bouteille, enfiler un préservatif lorsque tu tombes sur une affaire dont il faut vérifier la date de péremption, changer de pneu après une crevaison. En prime, le bouquin aborde le porno soft dans le Cantique des cantiques. Mais ça parle aussi beaucoup de Dieu,tu sais.
- Tu crois que je vais le trouver en librairie ?
- Ouais, paraît que c'est une bête sellée, cette édition.
- C'est quoi, ça ?
- Un livre qui se vend au oins deux semaines.
Bien sûr, personne, même et surtout un Parisien, n'ignore que la rue de Vaugirard est la plus longue de Paris. Mais qui sait que celle des Degrés en est la plus petite ?
Planquée dans le IIe arrondissement, à vingt pas de la maison où vécut André Chénier, elle part de la rue de Cléry et, dans un rush irrésistible, escalade la pente qui mène à Beauregard. Trajet bref : cinq mètres cinquante dans le sens de la longueur. Impossible d'y courir le marathon.
Aucune huisserie d'immeuble n'orne cette ruelle. Pas un magasin, pas un bistrot n'offre une halte au passant, pas le moindre chaland, étalage inexistant. C'est la seule voie de Paname où les contraventions pour stationnement interdit sont inimaginables. Essayez donc de poser votre bolide à moteur sur une de ses quatorze marches...
Oui, la rue des Degrés porte bien son nom. Elle n'est qu'un escalier qui vit passer Chénier, Corneille et Jeanne Poisson - plus connue sous son nom de courtisane, madame de Pompadour -, tous anciens habitants du coin, même si le temps les a fait entrer en scène à des dates différentes.
Imaginer Corneille descendant la rue de Cléry pour aller au Louvre en déclamant : "A moi, comte ! Deux mots !" ou Chénier s'écriant : "Que la joie en vos coeurs ignore les alarmes", ne tracassait pas Gégène-le-Pieux et Loulou-le-Lettré, deux clochards qui avaient pris là leurs quartiers d'été.
(page 32 de la nouvelle "Rue des Degrés")
"Heureusement que tous les hommes sont mortels, sinon certains s'entre-tueraient pour ne pas mourir."
Excellent incipit et beau début pour un roman noir. Enfin une de mes pensées qui passera à la postérité, comme le célèbre texte de Zarathoustra, à moins qu'il ne soit d'Emiliano Zapata, z'hésite toujours entre ces deux z'oiseaux : Dieu aime les pauvres et donne aux riches.
Qu'est-ce qu'il m'aime, Dieu, nom de Dieu ! Faut dire que je suis écrivain et qu'espérer gagner sa vie avec l'écriture est aussi aléatoire qu'une grande passion avec un bisexuel. Un coup, j'te vois, un coup, j'te vois pas ! Ce n'est plus de l'amour, mais une éclipse de lune.
(pages 153-154)
Qu'il est plaisant, le Marais, à l'heure où les touristes disparaissent ! Il faut dire que le soir descend et que, avec la grève, les foules venues d'ailleurs pour "faire Paris en 24 heures chrono" se font plus rares.
Le bistrot est bourré de jeunes déjà vieux en attente d'une retraite anticipée, de demi-vieux en course pour un licenciement prématuré, d'étudiants perpétuels et d'intellos fatigués de ne plus penser, bref la faune de ce quartier. La tequila est extra. Lorraine aussi, d'ailleurs, après le troisième verre. Elle s'est laissée aller et sa tête repose contre mon épaule. Nous sommes gentiment enlacés.
(page 239 de la nouvelle 8,20 g de cholestérol)
Joseph Bialot :
C'est en hiver que les jours rallongentOlivier BARROT, depuis le
café "Le Rostand" à Paris, présente le livre "
C'est en hiver que les jours rallongent" (éditions le Seuil) de
Joseph BIALOT. L'auteur parle de son livre avec Barrot.