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Citations sur Orphelins de Dieu (38)

Dans sa jeunesse, Ange Colomba avait donc fait couler beaucoup de sang, et parfois, aussi, coupé des têtes. Lorsque cela s'était avéré judicieux, ou qu'il l'avait imaginé de la sorte. Evoquer son nom, c'était évoquer un diable en action, c'était appeler sur soi le mal absolu. Alors ainsi l'appelait-on, L'Infernu, l'Enfer, et ce triste anthroponyme avait depuis bien longtemps enfoui dans la plus grande insignifiance sa véritable identité. Sans doute, dans une autre vie, avait-il été l'un des plus jeunes contumaces à accompagner les bandes funestes qui avaient désolé le pays, mais le temps des rébellions était passé, et comme nombre de rebelles qui se retrouvent sans solde un beau matin, L'Infernu n'avait dû qu'à sa reconversion comme tueur à gages de pouvoir encore alimenter les abjects et innombrables chroniques funéraires.
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Une maison en pierres sèches posée sur la plateforme arasée, au sommet de la colline. Aucune branche haute des oliviers des coteaux ne parvenait à la masquer réellement, elle n'avait pas d'âge. La base des murs semblait d'une plus grande ancienneté, indéterminée, composée au fruit de blocs rustiques et quasi cyclopéens qui s'élevaient sur un pan en rétrécissant et en laissant deviner la première existence d'une tour de guet. Le reste de la bâtisse, comme s'il avait fallu reconstruire sur les vieilles ruines pour en exorciser les outrages, révélait une mosaïque étrange de pierres de taille en granit rouge de proportions diverses. Des linteaux massifs qui avaient été autrefois des idoles vénérées étaient posés sur les encadrements des meurtrières et des portes basses.
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Moi j'aime les vers de Dante, ils me galvanisent encore. Je trouve que c'est le meilleur hymne à notre marche.
Il n'y a plus de marche, Colomba, nous avons été vaincus à peu près partout. En Terre Ferme, les sociétés secrètes sont loin d'être prêtes, nous n'aurons plus aucune aide.
Il y a une marche, depuis le début, et c'est le même pas qui nous guide. Tous les hommes pleurent et disent avoir perdu quelque chose, mais moi je n'ai rien perdu. Je suis venu du néant, et je file encore vers le néant. Je marche pour être avec vous, et je ne pense pas avoir eu une autre cause jamais.
Alors c'est pour ça que nous t'appelons L'Infernu. Tu te bats comme si rien n'en dépendait, que ta vie et celle de tes compagnons, que ce souffle qui te porte à l'instant où tu es, et tu n'es depuis toujours qu'un fils de la cité dolente. Je n'ai pas connu tes malheurs dans l'enfance, Ange, et je sais que tu as d'autres raisons que les raisons de ta patrie, mais je t'aime bien. Je t'aime beaucoup. Je pense même que j'ai combattu plus longtemps que je ne devais rien que parce que des hommes tels que toi étaient à mes côtés. Je veux dire des orphelins de Dieu. De ces jeunes combattants que le destin a jetés par les chemins. Non pas la liberté qu'on nous a prise, mais cette misère que les guerres ont semée, et ces injustices qui ont poussé sur la lie des batailles. Cette guerre, elle a duré tellement de temps qu'on ne sait même plus quand et pourquoi elle a commencé, mais ce qui est sûr c'est qu'elle t'a forgé, toi et les autres, et qu'elle vous a pris au berceau.
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Lorsque les hommes virent la tête enflée de Colomba, ils commencèrent par rire et par se moquer avant de demander à Capitaine Martini et à Saetta : et vous étiez où? Ceux-ci, gênés, s'expliquèrent comme ils purent. Mais Poli, lui, n'avait pas ri : il aimait bien le jeune Colomba, il le savait fiable et dévoué, c'est pourquoi il se tourna vers la troupe pour l'admonester. On ne riait pas des insultes, dit-il, on les lavait plutôt dans le sang, et si l'on touchait à l'un d'entre-eux, c'était comme si l'on touchait à tous les autres. Il dit aussi que si un soldat de l'armée bleue avait violé leur femme au pays, ils auraient pris le bateau et franchi des centaines de lieues pour venger l'offense, et que cette fois il en allait de même. A ces mots les hommes, sans même attendre que le chef ait fini de parler, sortirent les montures de l'étable et les chargèrent, les fusils bien sanglés sur les selles, puis ils quittèrent Montenero et partirent au galop vers Livourne sans tenir compte ni du déluge ni du vent, espérant, au contraire, être arrivés en ville bien avant que le navire russe ait pu appareiller. Au soir ils étaient parvenus à destination, et les gens s'écartaient dans les rues pour laisser passer le cortège, voyant bien, aux costumes des cavaliers, qu'ils avaient affaire à un fort parti de brigands des campagnes, et qu'une bande si nombreuse ne se déplaçait certainement pas pour rien.
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Ces types, ces pourritures qu'on va affronter, c'est pas du menu fretin, vois-tu. C'est la pire engeance qu'on puisse imaginer. C'est le diable à quatre paires de pattes, avec le regard de la folie pour chacun d'eux, et la cervelle la plus viciée qui soit pour diriger leur troupe de dégénérés. C'est des vrais voleurs, et les assassins les plus éprouvés que le pays ait connus depuis longtemps. On fait pas le poids, petite, faut que tu te mettes ça dans ta caboche. Comme il faut que tu saches que de toute façon ils seront fortement armés, et prêts à faire feu, n'en doute pas une seule seconde.
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- Vous avez une sale tête, dit la femme.
- Je sais, répondit-il, pas une grosse santé en ce moment.
- En fait...
- Oui, tu vas dire que je bois trop, alors ne le dis pas.
- Non, vous avez l'air vraiment fatigué. Mais peut-être parce que vous buvez trop, c'est pas impossible.
- Voilà, fillette, c'est là que tu pouvais te taire.
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J'ai ma théorie sur ce pays. Je me dis que Dieu l'a choisi pour y expérimenter tout ce que les hommes sont capables de mettre en œuvre pour s'affronter et se détruire. Je crois comme ça que cette ordure qui est Notre Seigneur a pris un peu de tous les ingrédients les plus pourris de la nature humaine et qu'Il a foutu tout ça dans un bocal, avec nous au milieu pour voir ce que ça pourrait donner, et comme ça Il saurait, et Il éviterait de reproduire partout le même potage. Je crois pas qu'Il y arrive vraiment, mais disons que dans son expérimentation du pire, Il nous a choisis parmi les cobayes les plus zélés. La haine, le ressentiment, la jalousie, la convoitise, la médisance, on dira que c'est à peu près ce qui se partage le mieux dans ce putain de territoire, et si l'on y rajoute l'enculerie, la politique, la tyrannie, l'oppression et la guerre permanente, la vengeance et la corruption, je crois qu'on a un terreau durable pour que le merdier légué par nos anciens se perpétue encore longtemps.
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Pendant quelques jours, la troupe se cache dans les forêts, puis un autre jour tout recommence, et nous ne savons plus contre qui nous luttons. Les Bleus et le peuple, tout se confond dans une même folie suspicieuse, et c'est tout ce qu'il y a à retenir, la guerre et la folie, la folie et la guerre, et au final, que sommes-nous devenus ? Une horde. Une meute de chiens enragés, et le sang et la haine sont les seuls ingrédients de notre combat. Les seules choses qui nous maintiennent encore en vie.
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Le chef donna un ordre à celui qui était malingre, et celui-ci vint lui serrer les mâchoires avec les poings, le forçant à ouvrir la bouche. Le chef plongea ses doigts dans sa gorge, il enfonça jusqu’à saisir la langue au mieux, et les poings serrés du malingre étaient suffisamment vigoureux pour qu’il ne pût mordre. Ce fut assez rapide. Il sentit le poignard aiguisé à la meule lui couper la langue. Sans presque aucun mouvement de sciage, juste ce fer tranchant enfoncé dans la gorge et sectionnant la chair. Il ne réussissait même pas à hurler, seul un râle désespéré accompagnait les secousses désarticulées de ses jambes. Il ne pouvait bouger aucune autre partie de son corps, les hommes maintenaient fermement la prise.
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Les Bleus ont déferlé sur notre monde, continuait-il, comme la peste sur Florence en 1348, et il me plaît d’imaginer que nous sommes en fuite vers un jardin paradisiaque, comme cette brigade de jeunes gens que décrivait Boccace… En divers endroits du livre, il parle de ceux qui ont tout perdu, mais qui à force de persévérance, et en dépit des épreuves, du harcèlement, des persécutions, des coups du sort, ont recouvré le bonheur et la joie de vivre.
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