AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Charybde2


Un sombre humour brocarde le réseau social, en une terrible interrogation sur la disparition du "monde d'avant".

Publié début 2012, ce premier roman mêle habilement une mise en scène fort humoristique de la manière dont les réseaux sociaux (et en particulier Facebook, dont une variante volontairement sensiblement plus "vide" appelée ShowYou est ici un anti-héros à part entière) sèment une désolation spéculaire dans les vies de leurs adeptes, mais aussi, plus tragiquement, une légère mise en abîme à partir d'un discret et pourtant lourd constat, à savoir que l'exposition forcenée de ce vide, et la quasi-obligation sociale de cette "présentation de soi", en exponentielle à la Goffman, ne doivent surtout pas masquer que l'outil n'est pas tout... Les "rebelles au réseau social" présentés dans ce roman, en effet, apparaissent hélas bien rapidement comme disposant eux-mêmes, comme unique contenu ou presque, de leur modeste "rébellion". le leitmotiv du "contre l'époque" et l'adulation d'un écrivain frelaté, quoique abusant d'une fausse non-conformité, renvoient dos à dos les protagonistes, pour un final bien sombre...

Entre le consultant sur-intégré socialement qui se noie, malgré son incrédulité, dans la superficialité et la jeune littéraire chanteuse d'un groupe punk ("enfin, pas un vrai") qui, malgré sa lucidité, ne trouve aucun contenu digne de son (dés-)engagement, il faut tout le style alerte et les formules souriantes de l'auteur pour éviter un sentiment réellement désespéré...

"Les journalistes activaient un champ magnétique d'anamnèses euphoriques, montraient ces visages à moustaches ou ces corps à jupes longues comme autant d'animaux d'une réserve atlante, dont on ne savait plus s'ils avaient réellement préfiguré notre humanité moderne et numérique. Nous apparaissions différents, d'une race propre et d'une terre sans haine, mais en proie à l'ennui, livrés au désoeuvrement, comme rassurés par effet de mode."

"Je n'étais pas loin de penser la même chose. J'avais pour moi que j'arrivais à me promener dehors sans combinaison contre les gens, mais je voyais bien où Papa voulait en venir. La folie est une expression sans nuance de la vérité. Nous autres sans combinaison, on la nuance pour rester sociable, tisser du lien affectif, trouver un emploi, se sentir moins seul. On adapte, on biaise. Parce que si on restait dans le droit chemin, on ne resterait pas en vie. Ou bien direction l'asile. Alors on fait des concessions avec la vérité pour éviter de finir braque. Rester honnête reviendrait à céder le terrain au délire. Mais je restais silencieux, je ne pouvais pas lui raconter tout ça. N'était-ce d'ailleurs pas trop tard pour lui faire comprendre comment à tout prix ne pas devenir dingue ?"

Sous le masque d'un brocardage primesautier du réseau social, une terrible interrogation sur la disparition du "monde d'avant" (comme dirait Jérôme Leroy) et sur l'extrême difficulté désormais de ré-installer du vivable sensé à sa place...
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}