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(01/03/2010)

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Résumé :
Table des matières

Introduction

1. Le développement des études féministes au Québec

Francine Descarries : Les études féministes : un projet pour penser, dire et transformer les rapports sociaux de sexe.

2. Réflexions sur les féminismes : théorie, pratique et enjeux.

Soline Blanchard : Travailler (dans) son terrain de recherche : quelques réflexions sur les interactions entre féminisme de chai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une double finalité : la production de connaissances et le changement des rapports sociaux


En introduction, le comité organisateur de Perspectives étudiantes féministes 2010 et des Actes électroniques (Frédéric Clément, doctorant en études cinématographiques, Université de Montréal ; Julie Descheneaux, candidate à la maîtrise en science politique, Université Laval ; Marie­-Hélène Deshaies, doctorante en sociologie, Université Laval ; Claire Grino, doctorante en philosophie, Paris 1 et Université Laval (cotutelle) ; Ndéye Faty Sarr, doctorante en sociologie, Université Laval ; Dominique Tanguay, doctorante en sciences de l'orientation, Université Laval), revient sur les études féministes dans les universités québécoises francophones, dans les années 1970 et 1980, « Craignant la dépolitisation et la ghettoïsation des études féministes si ces dernières étaient regroupées dans un département distinct, elles ont préféré élaborer des cours féministes à l'intérieur des programmes disciplinaires existants. La voie adoptée par les féministes francophones a contribué à questionner directement les savoirs androcentriques présentés dans les champs disciplinaires traditionnels et a rejoint une plus grande population d'étudiantes et d'étudiants. » Elles et il parlent, entre autres, des collaborations pluridisciplinaires mises en place à l'Université de Laval, de la traduction française d'ouvrages majeurs de théoriciennes anglo-saxonnes, de diverses initiatives et de la nécessité de défense perpétuelle des cours, programmes et activités scientifiques en études féministes. « En dépit des enrichissements évoqués, et d'une pratique centrale à la réflexion féministe, qui consiste à importer au sein de ses champs académiques des outils de transformation sociale développés sur le terrain et des problématiques issues des luttes contre les inégalités de genre, la conservation des ressources dédiées aux études féministes demeure un défi. ». Et elles et il présentent le colloque et les différentes interventions.

Je choisis de ne mettre l'accent que sur certains thèmes et interventions.

Penser, dire et transformer les rapports sociaux de sexe. Francine Descarries souligne les formes prises par les études féministes :

« – critique épistémologique des biais sexistes à l'oeuvre dans la production des savoirs et des pratiques ;

– démarche scientifique pour déconstruire les paradigmes dominants afin d'échapper à leur cécité androcentrique, à leurs présupposés naturalistes ou encore à la distorsion de leur interprétation ;

– perspective d'analyse pour interroger la co­construction des rapports sociaux de division et de hiérarchie (classe, sexe, race, Nord­-Sud…) dans la production/reproduction des inégalités entre les hommes et les femmes et entre les femmes elles-­mêmes ;

approche méthodologique pour faire place à la parole et à la multiplicité des expériences des femmes qui appellent une contestation de :

l'utilisation de la variable sexe comme variable de classification et non comme variable critique ;

la standardisation des objets de recherche, comme des méthodes d'observation qui ne tiennent pas compte de l'expérience des femmes ;

l'activité de recherche comme activité neutre, fondée sur la distanciation et le détachement ;
l'interprétation univoque des résultats. »

L'auteure parle, entre autres, des liens entre recherche universitaire et besoins de groupes de femmes, des échanges entre militantes, intervenantes et chercheures, d'interaction entre réflexions théoriques et pratiques sociologiques, d'entrecroisement des expériences, des écarts se creusant entre femmes, de contextualisation de la production des connaissances, de division sexuelle, de dimension systémique et des vocabulaires utilisés, « Pensons, pour ne nommer que celles­-là, aux notions de rapports sociaux de sexe, de division sexuelle du travail de production et de reproduction, de patriarcat, d'appropriation individuelle et collective des femmes, de sexage, de consubstantialité des rapports sociaux conceptualisées par les féministes matérialistes françaises. »

Elle insiste sur l'approche des conditions matérielles et idéelles, la diversité des situations vécues par les femmes dans le temps et dans l'espace. Elle questionne aussi le « Nous femmes » et le « Nous féministes » et du travail théorique « consacré à la problématisation de la co­construction, coproduction, articulation, intersectionnalité, recouvrement, imbrication ou consubstantialité des différents rapports sociaux de division et de hiérarchie pour mieux rendre compte des clivages entre les femmes elles-­mêmes et de la diversité de leurs expériences et réalités, ici et ailleurs dans le monde ».

Francine Descarries rappelle, en citant Christine Delphy, l'illusion de « l'égalité déjà là » et indique que l'enjeu reste de construire « une alternative au sexisme des sciences de l'Homme »…

J'ai notamment apprécié l'incorporation de la dimension personnelle, « de chaire en chair : un parcours féministe » de Soline Blanchard. Découverte et colère, recherche et action, faible légitimité du domaine de recherche « jugé militant et non objectif », collectif de travail, espace féministe de travail… Sans oublier la difficulté « de s'affranchir de certains comportements acquis par une longue socialisation sexuée ! » et la nécessité d'inverser le « stigmate féministe » et de revendiquer l'engagement militant…

Pour parler des politiques publiques, Marie-­Hélène Deshaies parle de « régime d'Etat providence ». Si le second terme (Etat providence) me paraît discutable car effaçant ses dimensions conflictuelles, la notion de régime me semble tout à fait adéquat pour analyser les différences de politique menée, ici en regard du groupe social des femmes. L'auteure souligne, entre autres, la critique féministe de l'andocentrisme des modèles construits sur « un citoyen faussement universel, c'est­-à-­dire l'homme gagne­-pain, et qu'elles ignorent à peu près complètement l'effet des régimes d'État­-providence sur les rapports sociaux de sexe », des modèles uniquement construit sur l'« homme salarié »…

Marie-­Hélène Deshaies aborde aussi le travail non rémunéré des femmes, le ratio « privé-public », l'imbrication des effets « genre » et « race » aux effets « classe sociale », les droits des femmes « droits dérivés » du mari », la reproduction et la transformation des rapports sociaux de sexe… « il n'existe pas d'État neutre pas plus que de citoyen abstrait et universel ou de séparation naturelle entre vie publique et vie privée ». Sans oublier que « L'égalité formelle n'est pas toujours garante de l'égalité substantielle »…

Dominique Tanguay aborde, entre autres, la subjectivité (sa reconnaissance et son encadrement) et sa contextualisation, le point de vue situé, standpoint, la solidarité dans la transformation des rapports sociaux, les coopérations interdisciplinaires, le caractère androcentrique des savoirs générés par les sciences « traditionnelles », « Considérer le masculin comme le référent ou l'universel et reléguer les spécificités féminines au « particulier » réduit les femmes à leurs différences avec les hommes », le caractère non-unanime et non-clos de la recherche… Sans oublier qu'« une meilleure compréhension des rapports sociaux opprimants ne permet pas nécessairement de trouver une façon d'y mettre fin en pratique ».

J'ai été particulièrement été intéressé par les deux articles proposés dans Regards féministes sur la situation des femmes à l'international.

Loin des schématismes souvent développés sur ces sujets, Rose-­Myrlie Joseph analyse, à travers l'exemple de femmes haïtiennes « les trajectoires de travail et de migration en insistant d'une part sur les parcours féminins marqués par les rapports sociaux de sexe, et d'autre part sur les parcours des femmes discriminées par le racisme et le classisme »

Division sexuelle-sociales-raciale-internationale du travail, déqualification des travailleuses, naturalisation des compétences « investies dans le travail domestique », trajectoire professionnelle, politiques migratoires, affect, sentiment « de honte et de défaite », domesticité et gratuité du travail domestique, « La dévalorisation de leur activité économique marque aussi les relations des bonnes avec leur propre famille. », manque de respect dans les relations de travail, colorisme et essentialisation, exploitation et humiliation, « Par la division sexuelle du travail, tout se passe de telle sorte que les relations au travail domestique (y compris l'exploitation et l'humiliation) se tissent presque exclusivement entre femmes », hommes invisibilisés, racisation des femmes immigrantes du Sud, chaîne de migration et chaîne de travail, « Au coeur de la mondialisation néolibérale et des rapports Nord/Sud, cette chaîne de substitution devient ainsi une chaîne d'exploitation et d'appropriation par les rapports sociaux que cache cette substitution ».

A noter que l'auteure utilise et justifie l'usage du terme domus.

Il faut dépasser les simplifications de la substitution, et rechercher les compréhensions dans les rapports sociaux et leur imbrication. « Pour faire fonctionner ce marché de production et de reproduction, dans les sphères familiale, nationale et internationale, les rapports sociaux de sexe, de classe et de race interviennent dans leur articulation, au coeur de la mondialisation néolibérale »…

Le second article traite de l'aménagement participatif de la maison des femmes de Malika au Sénégal. Un projet visant « à soutenir les groupements féminins dans l'intégration de l'agriculture urbaine et la transformation architecturale de leur maison communautaire qui répondait mal, en termes d'espace et d'aménagement, aux activités et aux pratiques des usagères ».

Claire Grino analyse les nouvelles techniques de reproduction (NTR), l'erreur de la mise en parallèle avec le droit, l'accès à la contraception et à l'avortement. « C'est pourquoi cet article se propose d'identifier les formes de pouvoir qui encadrent l'accès à la contraception et à l'avortement d'une part, aux NTR de l'autre ». Il s'agit ici d'une critique féministe matérialiste du naturalisme.

L'auteure montre que « que, malgré ces points communs, tant négatifs (inscription dans un contexte patriarcal) que positifs (pratiques de résistance possibles), les questions de la contraception et de l'avortement relèvent, principalement, d'un registre de pouvoir différent de celui qui régit, majoritairement, la pratique des NTR ».

Elle aborde, entre autres, les liens entre sécurité-normes-« nature », ce qu'elle nomme me semble-t-il à juste titre la sécurisation, les interdictions normalisatrices, la naturalisation de l'âge biologique, la naturalisation de l'acte reproducteur, la régularisation et la surveillance des « processus vitaux », Dans le cas des NTR, « les femmes ne souffrent pas d'une non reconnaissance de leur statut de sujet, mais elles sont en proie à une dislocation de leur être en une collection d'organes au profit de la régularisation de la vie générique »…

Contre le naturalisme ou la naturalisation de processus sociaux, l'auteure aborde de nouveaux liens plausibles, « nouveaux liens de solidarité, mi­-amicaux mi­familiaux, entre les géniteurs, les parents sociaux et les enfants », l'adoption contre le « seul modèle maternel, biologique ».

Claire Grino parle de prolongation de l'émancipation inaugurée par l'accès à la contraception, « en dégageant désormais non pas la sexualité de la reproduction, mais la reproduction de la sexualité, au plus grand profit de tous »…

Rhéa Jean souligne que la réduction des risques, des « méfaits » (toxicomanie, VIH) ne saurait être suffisant pour approcher les problèmes de la prostitution. La prostitution ne peut être abordée comme si elle ne concernait que la personne qui l'exerce. Evacuer les clients et/ou les proxénètes, c'est oublier que « la prostitution est affaire de rapports sociaux, particulièrement de rapports sociaux de sexe », que les problèmes, dont les violences, sont causés « en bonne partie par les clients et les proxénètes », par le droit des hommes à acheter ce qu'ils considèrent comme du sexe. Il y a là une négation des dommages, de la violence, intrinsèques à la prostitution.

L'auteure fait référence aux travaux de Melissa Farley sur la prostitution : « Dans ses écrits, elle la compare à la violence domestique, l'esclavage, le harcèlement sexuel, la torture, l'inceste et le viol. La prostitution, dans sa définition même, aurait bien plus à voir avec des formes de violence et d'exploitation, personnelle et sociale, qu'avec des substances pouvant créer une dépendance, comme les drogues et l'alcool ». Et faut-il encore le souligner, « le rapport de la personne prostituée à sa pratique est d'un tout autre ordre que le rapport de la personne dépendante de sa substance. En fait, dans la prostitution, ce n'est pas la personne prostituée qui consomme de la prostitution, c'est son client (ou prostitueur) qui consomme et c'est elle qui est consommée (elle est le « produit », en quelque sorte). »

Rhéa Jean souligne aussi la négation de la responsabilité des clients et des proxénètes, parle de l'industrie du sexe, du méfait de la prostitution comme « institution, violence et exploitation », de continuum de violence sexuelle, « les multiples problèmes physiques et psychologiques vécus par les personnes prostituées, comme ceux vécus par les personnes victimes de violence conjugale, devraient plutôt nous alerter et nous amener, comme société, à combattre ces phénomènes basés sur des inégalités sociales ».
Dois-je rappeler, la langue commune utilisée par la majorité des intervenant-e-s, une bonne habitude québécoise, loin des jargons universitaires trop souvent utilisés dans l'université française… Dois-je aussi insister sur l'utilisation de la variable sexe… comme variable critique indispensable à toutes les études en sciences sociales.

pdf_Actes_Perspectives_etudiantes_feministes
Lien : https://entreleslignesentrel..
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En dépit des enrichissements évoqués, et d’une pratique centrale à la réflexion féministe, qui consiste à importer au sein de ses champs académiques des outils de transformation sociale développés sur le terrain et des problématiques issues des luttes contre les inégalités de genre, la conservation des ressources dédiées aux études féministes demeure un défi.
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Le rapport de la personne prostituée à sa pratique est d’un tout autre ordre que le rapport de la personne dépendante de sa substance. En fait, dans la prostitution, ce n’est pas la personne prostituée qui consomme de la prostitution, c’est son client (ou prostitueur) qui consomme et c’est elle qui est consommée (elle est le « produit », en quelque sorte).
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la problématisation de la co­construction, coproduction, articulation, intersectionnalité, recouvrement, imbrication ou consubstantialité des différents rapports sociaux de division et de hiérarchie pour mieux rendre compte des clivages entre les femmes elles-­mêmes et de la diversité de leurs expériences et réalités, ici et ailleurs dans le monde
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Pensons, pour ne nommer que celles­-là, aux notions de rapports sociaux de sexe, de division sexuelle du travail de production et de reproduction, de patriarcat, d’appropriation individuelle et collective des femmes, de sexage, de consubstantialité des rapports sociaux conceptualisées par les féministes matérialistes françaises.
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Pour faire fonctionner ce marché de production et de reproduction, dans les sphères familiale, nationale et internationale, les rapports sociaux de sexe, de classe et de race interviennent dans leur articulation, au cœur de la mondialisation néolibérale
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