“Ainsi cependant vous avez pu vivre cet amour de la seule façon qui puisse se faire pour vous, en le perdant avant qu’il soit advenu.” Conclusion qui dans son admirable densité dit, peut-être, non pas l’échec de l’amour dans un cas singulier, mais l’accomplissement de tout amour véritable qui serait de se réaliser sur le mode de la perte, c’est-à-dire de se réaliser en perdant non pas ce qui vous a appartenu mais ce qu’on n’a jamais eu, car le “je” et “l’autre” ne vivent pas dans le même temps, ne sont jamais ensemble (en synchronie), ne sauraient être contemporains, mais séparés (même unis) par un “pas encore” qui va de pair avec un “déjà plus”.
La poésie était quotidienne. La communication « spontanée », en ce sens qu’elle paraissait sans retenue, n’était rien d’autre que la communication avec elle-même, transparente, immanente, malgré les combats, débats, controverses, où l’intelligence calculatrice s’exprimait moins que l’effervescence presque pure (en tout cas, sans mépris, sans hauteur ni bassesse), — c’est pourquoi on pouvait pressentir que, l’autorité renversée ou plutôt négligée, se déclarait une manière encore jamais vécue de communisme que nulle idéologie n’était à même de récupérer ou de revendiquer. Pas de tentatives sérieuses de réformes, mais une présence innocente (à cause de cela suprêmement insolite) qui, aux yeux des hommes de pouvoir et échappant à leurs analyses, ne pouvait qu’être dénigrée par des expressions sociologiquement typiques, comme chienlit, c’est-à-dire le redoublement carnavalesque de leur propre désarroi, celui d’un commandement qui ne commandait plus rien, pas même à soi-même, contemplant, sans la voir, son inexplicable ruine.
La communauté inavouable : est-ce que cela veut dire qu'elle ne s'avoue pas ou bien qu'elle est telle qu'il n'est pas d'aveux qui la révèlent, puisque, chaque fois qu'on a parlé de sa manière d'être, on pressent qu'on n'a saisi d'elle que ce qui la fait exister par défaut ? Alors, mieux aurait valu se taire ?
la base de la communication n'est pas nécessairement la parole, voir le silence qui en est le fond et la ponctuation, mais l'exposition à la mort, non plus de moi-même, mais d'autrui dont même la présence vivante et la proche est déjà l'éternelle et l'insupportable absence, celle que ne diminue le travail d'aucun deuil. Et c'est dans la vie même que cette absence d'autrui doit être rencontrée, c'est avec elle - sa présence insolite, toujours sous la menace préalble d'une disparition - que l'amitié se joue et à chaque instant se perd, rappel sans rapport ou sans rapport autre que l'incommensurable
Le trop célèbre et trop ressassé précepte de Wittgenstein, « ce dont on ne peut parler, il faut le taire », indique bien que, puisqu’il n’a pas pu en l’énonçant s’imposer silence à lui-même, c’est qu’en définitive, pour se taire, il faut parler. Mais de quelle sorte de paroles ?
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